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Conditions d'utilisation, efficacité... Cinq questions sur les caméras-piétons qui vont équiper les policiers munis de LBD

Depuis le début du mouvement des "gilets jaunes", l'utilisation des lanceurs de balles de défense par les forces de l'ordre est décriée.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Temps de lecture : 4 min
Un policier de Marseille est équipé d'une caméra-piéton, le 11 octobre 2017. (MAXPPP)

C'est une mesure qui doit apaiser la controverse autour des lanceurs de balles de défense (LBD), dénoncés par de nombreux "gilets jaunes""Je souhaite qu'à partir de samedi prochain, l'ensemble de nos forces de sécurité qui utilisent des LBD soient équipées de système de caméras-piétons", a déclaré Christophe Castaner mardi 22 janvier. 

Selon le ministre de l'Intérieur, les caméras-piétons devront être "systématiquement" activées "en conditions normales" mais pas "en cas d'agression" des forces de l'ordre.

1Qui va porter ces caméras-piétons ?

Tous les policiers équipés d'un LBD. Dès la prochaine manifestation des "gilets jaunes", prévue samedi 26 janvier, "je vous demande de doter, dans toute la mesure du possible, les policiers porteurs du LBD d'une caméra-piéton", indique le préfet Eric Morvan, directeur général de la police nationale, dans une note transmise aux services de police que franceinfo a pu se procurer.

Ce ne sera toutefois pas "systématique". "On n'est clairement pas prêt" pour "équiper tous les policiers concernés", reconnaît un gradé de la place Beauvau à franceinfo. C'est ce que semble confirmer la note d'Eric Morvan, qui précise que cette utilisation doit se faire "dans la mesure du possible".

2Quand et comment seront-elles utilisées ?

La caméra-piéton sera "actionnée d'un clic par le policier pour filmer et enregistrer l’intervention". Cela concernera tous "les usages de droit commun normaux", précise Christophe Castaner. L'appareil sera fixé au niveau du ventre de l'agent, conseille Eric Morvan, et "dans la mesure des moyens, la mise en place d'un binôme porteur de caméra [et] porteur du LBD constitue une alternative efficace".

Seule "réserve" émise par Christophe Castaner : dans les cas où les forces de l'ordre "seraient bousculées, à terre", "je ne leur en voudrais pas d'utiliser une arme de défense pour garantir leur propre défense", a-t-il dit.

3Pourquoi avoir recours à ces caméras ?

La controverse autour des LBD, accusés d'avoir causé de graves blessures et même d'avoir éborgné des manifestants, a récemment pris de l'ampleur, alimentant la colère des "gilets jaunes" et mettant le gouvernement sur la défensive. Face au débat, le ministre a rappelé le "devoir d'exemplarité" des forces de l'ordre et le rôle défensif de ces armes. "Dans le contexte actuel particulièrement difficile des opérations" menées sur le terrain depuis le début du mouvement des "gilets jaunes", "il importe de renforcer les moyens de contextualiser les conditions d'emploi du lanceur de balles de défense de calibre 40 mm", indique Eric Morvan.

Les caméras-piétons doivent donc "restituer a posteriori le contexte du recours à cette arme et de constater les infractions ainsi que de collecter les preuves nécessaires à la poursuite des auteurs qui commettent notamment des violences ou des voies de fait sur les policiers", précise la note sur les instructions relatives à l’usage de ces armes.

4Ce dispositif est-il nouveau ?

Non. L'enregistrement des interventions des policiers municipaux via des caméras individuelles est déjà mis en place. "Environ un millier de caméras individuelles sont déjà en service dans la police et près de 600 en gendarmerie, essentiellement en zones de sécurité prioritaire", explique Le Monde. France 3 avait par exemple suivi une unité équipée à Saint-Etienne, en juin 2018.

Plus récemment, une expérimentation a été menée dans l'Ain par le patron de la Direction centrale de la sécurité publique (DDSP), Yves Cellier, samedi 19 janvier, lors de la dernière manifestation des "gilets jaunes", à Bourg-en-Bresse. Les fonctionnaires en situation de tirer au LBD étaient tous équipés de caméras qu’ils actionnaient avant chaque phase de tir pour identifier les protagonistes et les cibles et produire si besoin une preuve des violences contre les policiers ou à l’inverse prouver le mauvais usage du LBD, décrit Le Progrès (article payant).

5Quelle est leur valeur juridique ?

Leur utilisation est régie par l'article L241-1 du code de la sécurité intérieure et le décret n° 2016-1860 du 23 décembre 2016. Ces textes indiquent que les agents peuvent enregistrer des images "lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident". Le déclenchement d'une caméra-piéton est soumis à des règles : la caméra doit être bien visible, un signal doit prévenir qu'un enregistrement est en cours, les personnes filmées sont prévenues "sauf si les circonstances l'interdisent", et les images sont supprimées au bout de six mois.

Après leur enregistrement, les images peuvent être consultées "dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire". Un besoin confirmé par Christophe Castaner : "S'il y a un débat, une contestation, un contentieux, on [pourra] produire ces images, y compris dans le cadre judiciaire", a-t-il expliqué.

L'usage soulève pourtant d'ores et déjà des questions. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a ainsi critiqué la seule possibilité donnée aux agents de prendre la décision de filmer. Éric Morvan assure connaître "les limites" de l’utilisation de la caméra-piéton et indique que "la possibilité d’équiper le LBD d’une caméra adaptée est actuellement à l’étude, afin de disposer d’une meilleure image de qualité".

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