Baisse d'impôts : "Il est possible que le gouvernement considère qu'on peut laisser filer un peu plus le déficit public. Ce serait ça sans doute la grande surprise"
Emmanuel Macron doit annoncer en début de semaine des mesures pour sortir de la crise des "gilets jaunes". Edouard Philippe a déjà évoqué quatre grands axes de réformes, à commencer par une baisse plus rapide des impôts pour répondre à "une immense exaspération fiscale", exprimée lors du grand débat national.
Le président de la République devrait livrer cette semaine ses conclusions à l'issue du grand débat national. Comme l'explique Éric Heyer, économiste, directeur du département "Analyse et Prévision" de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), dimanche 14 avril sur franceinfo, la baisse d'impôts évoquée par Édouard Philippe lors de sa synthèse du grand débat "va être difficile à mettre en place". Selon l'expert, il est possible que le gouvernement considère qu'on peut laisser filer un peu plus le déficit public, et "ce serait ça sans doute la grande surprise".
Franceinfo : la baisse d'impôts promise par le gouvernement est-elle possible ?
Ça va être difficile à mettre en place. Vous pouvez peut-être promettre des baisses d'impôt pour une catégorie de ménages mais il va bien falloir les gager par une augmentation du coût de l'impôt par d'autres ménages. Ça peut être par le retrait d'un certain nombre de niches fiscales. On peut aussi penser à un effort sur la dépense publique, son contrôle et sa maîtrise mais là déjà, aujourd'hui, on a du mal à voir comment le gouvernement va réussir à maîtriser sa dépense publique sans mettre un coup de collier supplémentaire. Il est possible qu'il considère qu'on peut laisser filer un peu plus le déficit public. Ce serait ça sans doute la grande surprise.
Y'a-t-il d'autres leviers que les baisses d'impôts pour augmenter le pouvoir d'achat des Français ?
Le principal levier normalement passe par la réduction du chômage c'est-à-dire que si vous arrivez à faire une politique qui accroît les créations d'emplois et arrive à faire baisser le chômage. Lorsque le chômage baisse normalement, les salaires progressent généralement plus vite parce que les entreprises ont de plus en plus de mal à trouver de la main d'œuvre et donc utilisent les salaires pour attirer la main d'œuvre chez eux. Normalement, c'est par ce mécanisme là que le pouvoir d'achat est redistribué de la façon la plus vertueuse possible. C'est là où on a du mal, nous, macro-économistes, à réconcilier à la fois le discours des entreprises qui nous indiquent qu'elles ont beaucoup de difficultés à recruter donc, ça devrait se traduire normalement par des progressions de salaire, or on voit des progressions de salaire qui sont atones. Ça aurait été ça normalement la dynamique vertueuse : les salaires progressant, ça fait du pouvoir d'achat sans avoir besoin de baisser les prélèvements obligatoires.
La fiscalité reste la préoccupation principale des Français, on le voit avec le mouvement des "gilets jaunes" ?
Oui, surtout quand elle est injuste. Typiquement la taxe carbone. En économie, c'est très important d'avoir un instrument avec un seul objectif associé. Normalement, un objectif d'une taxe carbone, c'est de préparer la transition écologique. Or là, le gouvernement l'avait utilisée pour réduire les déficits. Or, lorsqu'on regardait dans les faits, la taxe carbone a un peu le principe du pollueur-payeur c'est-à-dire celui qui pollue le plus paye le plus, c'était exactement l'inverse. Globalement, les déciles des ménages les plus modestes, qui avaient une contribution aux gaz à effet de serre plus faible que les hauts revenus, contribuaient beaucoup plus via cette taxe carbone. Donc pour ces deux raisons, il était nécessaire de la changer. Je pense qu'elle est tout de même indispensable mais il faut l'utiliser pour compenser les perdants de cette transition écologique.
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