Contrat Ecomouv' : gauche et droite se renvoient la patate chaude
Le gouvernement est embarrassé par le contrat complexe signé avec la société italienne chargée de collecter l'écotaxe, mis en place par le gouvernement Fillon. Dont les anciens ministres nient toute responsabilité.
Taxe collectée par une société privée, retour sur investissement juteux, "scandale d'Etat"... Les conditions du contrat signé entre Ecomouv' et l'ancien gouvernement Fillon pour la collecte de l'écotaxe cristallisent les critiques de droite comme de gauche, mardi 5 novembre. Majorité et opposition se renvoient la balle dans ce dossier sensible, à l'origine d'une mobilisation virulente en Bretagne.
Le gouvernement prend ses distances avec Ecomouv'
L'exécutif ne cache pas son embarras. Pierre Moscovici a prévenu, mardi sur RMC-BFMTV : "Ce que je souhaite, c'est que nous puissions mener avec cette société, qui n'est pas à jour de la totalité de ses prestations, une négociation très serrée." Le ministre de l'Economie a jugé qu'il fallait "revoir toute la logique du contrat", soulignant : "On peut s'étonner du fait qu'on ait délégué la collecte d'une taxe nationale à un fournisseur d'origine étrangère."
Ecomouv' appartient à 70% à la compagnie italienne Autostrade per l'Italia, le reste se partageant entre le groupe français d'électronique et de défense Thales, Geodis (filiale de la SNCF), l'opérateur de télécommunications SFR et Steria, société française d'ingénierie informatique.
Pierre Moscovici a aussi qualifié de "gonflés" les ténors de l'opposition qui critiquent le gouvernement à propos de l'écotaxe, faisant valoir que le contrat avec Ecomouv' a été négocié sous la précédente majorité. Le dispositif doit rapporter 1,15 milliard d'euros par an, dont 20% pour Ecomouv', soit 250 millions d'euros, un montant autour duquel la polémique enfle.
La ministre de la Réforme de l'Etat, Marilyse Lebranchu, a ainsi dénoncé un "système mis en place par Ecomouv' d'une complexité incroyable". "C'est l'impôt le plus cher du monde, sans doute, a soutenu l'ancienne députée du Finistère sur RTL. 25% de coût de collecte d'un impôt, ça me semble difficile."
Dans le même temps, les sénateurs socialistes ont approuvé mardi la création d'une commission parlementaire qui enquêtera sur le contrat signé entre la précédente majorité et Ecomouv'.
La droite se désolidarise d'un contrat voté sous le gouvernement Fillon
Le principe de cette fiscalité écologique censée financer de grands projets d'infrastructures a été adopté lors du Grenelle de l'environnement, sous le gouvernement Fillon. Mais certains anciens responsables de droite n'ont pas été en reste pour se désolidariser : Rachida Dati et Xavier Bertrand se sont étonnés "qu'une entreprise privée et étrangère soit en charge de collecter l'impôt en France".
Le président de l'UMP, Jean-François Copé, juge quant à lui "aberrant", mardi sur i-Télé, le coût de collecte de l'écotaxe. Interrogé sur la responsabilité de la précédente majorité, le député-maire de Meaux (Seine-et-Marne) a toutefois tenu à rappeler que "l'écotaxe, que nous avions décidée dans son principe en 2008-2009, nous l'avions reportée pour des raisons qui tenaient à la crise financière. En 2012, rien n'empêchait François Hollande, s'il n'y croyait pas – c'est l'époque où il défaisait tout ce que nous avions fait – de le supprimer".
Quelques irréductibles de l'UMP prennent la défense de ce contrat
"Puisque personne ne veut l'assumer, moi je suis prête à le faire." Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) assure, mardi sur France Inter, que le contrat avec Ecomouv' pour l'écotaxe a été "passé dans les règles" et a souligné que la ville de Paris, très critique désormais, a voté la signature d'une convention avec cette société privée.
"Je ne l'ai pas initié, ça a été lancé avant et signé après", fait valoir l'ex-ministre de l'Ecologie. Mais "je n'ai pas changé d'avis, je reste convaincue, comme on l'était tous autour de la table du Grenelle" de l'environnement, que "l'écoredevance sur les poids lourds est une bonne idée, une taxe juste. Aujourd'hui, des camions qui traversent la France ne payent rien, pas même l'entretien de nos routes", argumente NKM.
"Il y a une différence fondamentale en matière de fiscalité entre un impôt et une taxe", a de son côté corrigé Dominique Bussereau. L'ancien ministre des Transports, qui a vécu le début la procédure, souligne que de nombreux organismes privés comme les chambres d'agriculture ou de commerce assurent aujourd'hui la perception de certaines taxes. Et d'ajouter : "La somme reversée pour gérer la complexité du système ne me paraît pas folle."
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