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CIRCULER. Quand nos mouvements façonnent les villes

Article rédigé par franceinfo
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Sur France Info dans "Circulez, il y a le monde  à voir" Gérard Feldzer parle de tous les moyens de transports et de mobilité dans les airs, sur terre, sur l'eau, sous l'eau ou encore dans l'espace ; et nous explique comment cela marche ou comment nous nous transporterons demain. Chaque Samedi à 6h20, 12h55, 14h20, 21h15 et 23h50. (Ré)écoutez les chroniques du samedi 7 avril :

Pourquoi " CIRCULER " ?

L'histoire de la ville est étroitement liée à celle de l'évolution des modes de transports. Ainsi,  la  ville  romaine  a-t-elle  été  prioritairement  construite  sur  des  voies  fluviales  et  sur  les  côtes  en  raison  d'une  maîtrise  encore  incertaine  du  transport  par  la  route.  Pour  l'historien Fernand Braudel, c'est lorsque la voiture à cheval fait son entrée massive en Europe au  xvie siècle qu'elle " oblige à une chirurgie urbaniste " et d'en conclure que Bramante qui fait  détruire le quartier ancien autour de Saint-Pierre de Rome (1506-1514) est l'un des premiers  barons Haussmann de l'histoire. Plus proche de nous, il est frappant de constater l'unanimité des dix équipes internationales  appelées  à  réfléchir  sur  l'avenir  du  Grand  Paris  pour  affirmer  le  rôle  majeur  des  réponses  apportées  à  la  question  des  transports  en  commun  pour  penser  l'avenir  de  l'agglomération  parisienne. S'appuyant sur ce constat, la principale décision prise par les autorités publiques aura été le  lancement de la construction d'un nouveau grand métro, complétant le dispositif du métro  parisien et du RER, qui l'un et l'autre à leurs époques respectives furent des moteurs de chan- gements décisifs. Aller ou demeurer, partir ou rester, la vie de
chacun et de chacune est faite de moments où  il circule et de moments où
il s'arrête.  Suivant 
le  fil  rouge  de  l'histoire  des  modes 
de  transports,  du  tramway  à  l'avion 
en  passant  par la voiture et le train, l'exposition décrit le
modelage de la ville moderne par ces différents  systèmes de transports.

L'exposition en 9 séquences

Séquence 1 - À pied, à cheval,
en bateau
: en 1962, un archéologue anglais découvrait en Anatolie
les restes d'une ville construite six mille ans avant Jésus-Christ dont les
maisons étaient simplement serrées les unes contre les autres, sans rue, ni
passage, seulement accessibles par des échelles de bois disposées de place en
place. Une ville sans rue. Elle s'appelait Çatal Höyük. Depuis cette époque
lointaine, ceux qui installèrent des villes à travers le monde prirent l'habitude
de distinguer les espaces d'activités sédentaires des lieux de passage
configurés en " rues " : on organisa la ville pour pouvoir à la fois y rester
et y circuler.

Séquence 2 - La voie ferrée : au milieu du xixe siècle, des lignes de chemin de fer, parcourues par la
toute nouvelle invention du train à vapeur, sont mises en
place sur les territoires de l'Europe et ceux de l'Amérique du Nord. Elles permettent de
se rendre d'une ville à une autre dans des conditions de
vitesse et de confort complètement nouvelles.

Séquence 3 - Tous les transports
mécaniques
: la grande révolution qui, au xxe siècle, a complètement
bouleversé et la forme des villes et la façon d'y vivre, est la révolution de
la manière d'y circuler. En ce domaine, deux changements majeurs vont
intervenir au cours du xixe siècle et au début du xxe : l'invention des
transports collectifs réguliers et puis la motorisation des véhicules, mettant
fin à la traction animale. C'est autour de 1825 que sont inventés, quasi
simultanément dans plusieurs villes du monde, des transports collectifs
réguliers qui reprendront bientôt tous la dénomination d'omnibus donnée par son
créateur, Stanislas Baudry, à sa première compagnie nantaise. Ce sont de
grosses voitures traînées par des chevaux qui suivent des trajets fixes et
passent à intervalles réguliers. Bientôt ces omnibus seront posés sur des rails
installés dans les rues des villes et s'appelleront tramways. Ils seront, à
partir des années 1870-1880, dotés d'un moteur autonome et pourront se passer
de traction. Ils se mêleront à la circulation des piétons et chevaux dans les
rues à la manière de simples chariots. Puis les animaux de trait vont
disparaître des rues des villes en quelques décennies pour être remplacés, à la
suite du tramway motorisé, par toutes sortes d'engins mécaniques. Car, entre
1890 et 1910 vont être inventés et mis en place dans la plupart des villes non
seulement les tramways, mais aussi les métros dans les plus grandes d'entre
elles, les automobiles, les autobus, tandis que se développera aussi la pratique
du vélo, puis celle de son pendant motorisé, la moto.

Séquence 4 - Les utopies : certains architectes ou illustrateurs
proposent dès les années 1910 d'organiser autrement les villes en fonction de
toutes les nouvelles possibilités d'y parvenir et d'y circuler. On y voit les
lieux multiséculaires de mise en relation entre les hommes, comme les rues et les
places, perdre du terrain au profit des espaces monofonctionnels de
circulation. C'est le mouvement lui-même qui fascine les hommes. Le mouvement
qui semble devenir sa propre finalité. Il inspirera les dessins utopiques
jusque dans les années 1940. Ce phénomène va aller en s'amplifiant
pendant toute la fin du xxe siècle : il
reflète la conviction assez largement partagée que la vitesse de circulation à
travers les territoires des villes et des campagnes est indispensable pour
combler le désir de bonheur des hommes. La composition des espaces de la ville
contemporaine devra se plier à cette exigence.

Séquence 5 - La ville éclatée : parallèlement aux visions futuristes des
utopistes des années 1930, les praticiens qui travaillent sur l'organisation
des villes réfléchissent à la façon de remédier à tous les dysfonctionnements engendrés
par la multiplication des moyens d'y circuler et notamment à l'encombrement chronique
des voies de circulation. Ils cherchent d'autre part les moyens de tirer parti
de la vitesse de déplacement permise par les nouveaux modes de transport tout en
offrant les meilleures conditions de sécurité. Il est alors admis par tous que
la vitesse toujours plus grande de déplacement sera facteur de progrès vers
toujours plus de bien-être, voire de bonheur. Ainsi, pour que tous les modes de
transport puissent être pleinement efficaces sans se gêner mutuellement, on
imagine que tous les réseaux qui irriguent la ville seront spécialisés par mode
de transport. On trouvera ainsi des rues pour piétons, séparées des voies pour
bus, séparées de celles pour les automobiles qui deviendront d'ailleurs des
routes puis des autoroutes en pleine ville.

Séquence 6 - Le cinéma : projections
et extraits de films de fictions et des Archives Gaumont Pathé.

Séquence 7 - Les premiers projets de
renouveau
: la recomposition de la ville autour de
toutes les circulations qui la font vivre va commencer en France en 1975.
Pourquoi cette date ? Parce que cette année-là, le secrétaire d'État aux
transports lance le concours qui portera son nom, Cavaillé, visant à inventer
un transport urbain guidé, électrique, pouvant utiliser la voirie existante :
il s'agit en fait de réinventer le tramway. Parallèlement, il a invité les responsables
de huit villes à étudier la possibilité de réintroduire le tramway dans leur
cité. C'est en fait une neuvième, N antes, qui se lancera la première sous
l'impulsion de son maire, Alain Chénard. Il y perdra son siège, mais à la mise
en service en 1985, le succès est immédiat. Suivront Grenoble, puis Strasbourg
avec le même succès.

Séquence 8 - Kaleïdoscope de l'homme en
mouvement
: alors qu'avait commencé en maints endroits
le travail de recomposition des villes autour des circulations qui la font
vivre, alors que s'annonçait timidement la fin de l'hégémonie de quelques
moyens de transport sur tous les autres, il s'est produit au milieu des années
1990 un phénomène aussi massif que rapide qui allait bouleverser la pratique
des espaces où l'on circule : le développement des appareils de communication portables.
La mise à disposition du grand public de cette invention stupéfiante allait
avoir deux conséquences sur la vie des gens en mouvement. La première était la
gestion possible par chacun, en temps réel, de ses manières de se déplacer,
complément normal du retour de la multiplicité des modes de transport. La
deuxième était la possibilité de continuer ses activités tout en circulant :
travailler, discuter avec un ami au loin, faire ses courses sur internet, écouter
de la musique, jouer, etc. Bref, de faire du temps où l'on bouge un temps de vie
à part entière.

Séquence 9 – La ville recomposée : nous sommes vraisemblablement en train
d'entrer dans une nouvelle ère de la dialectique du mobile et de l'immobile qui
façonne la ville. De manières diverses, et plus ou moins intensément à travers
le monde, des projets sont réalisés, qui témoignent d'une part de l'attention grandissante
apportée à la conception des lieux de circulation, et d'autre part de notre capacité
à en faire des lieux de vie urbaine intense à l'instar de leurs lointains
ancêtres, rues et places. Les projets évoqués ici montrent
comment, à travers la planète, des responsables de villes, des concepteurs, des investisseurs, mettent en
place des facilités de se mouvoir et des espaces où l'on passe qui sont en même
temps des lieux où l'on peut vivre un temps de vie urbaine.

Pour en savoir plus, consultez le site de la Cité de l'architecture &
du patrimoine
.

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