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Vidéo Évolution du marché du travail : les grands syndicats ont "tendance à ne pas vouloir sortir de leur zone de confort"

Publié Mis à jour
Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France

Le syndicaliste anglais Jason Moyer-Lee estime que les grands syndicats institutionnels peinent à s’adapter aux nouveaux secteurs d’activité, plus précaires et moins organisés.

Jason Moyer-Lee est le secrétaire général du syndicat Independent Workers Union of Great Britain (IWGB). Il travaille notamment avec les chauffeurs d’Uber, les assistants familiaux ou encore les travailleurs du secteur du jeu vidéo. Ces différents métiers ont en commun d'être confrontés à des situations précaires, dans des secteurs où les syndicats institutionnels sont quasiment absents.

franceinfo : Qu’est ce qui fait que les syndicats traditionnels sont en décalage avec les nouveaux métiers ?

Jason Moyer-Lee : Au Royaume-Uni, il y a une tendance des syndicats institutionnels de ne pas vouloir sortir de leur zone de confort. Quand j’étais à l’université, le syndicat dans lequel j’étais au départ n’a pas beaucoup fait évoluer son modèle d’organisation depuis plusieurs années. Ils étaient habitués à travailler dans le secteur universitaire, avec des personnes qui travaillent à des heures normales, du lundi au vendredi, avec une pause déjeuner à la même heure, c’était tous des gens éduqués, qui parlent anglais, qui étaient Anglais.

Toutes ces caractéristiques sont très différentes chez les travailleurs sous-traités : pour la plupart ils sont immigrés, ils travaillent à des heures très différentes. Par exemple, les employés de ménage travaillent de 6 heures du matin jusqu’à 8 heures et après s’en vont. La plupart ne parlent pas anglais, beaucoup sont latino-américains, ils parlent espagnol. Il y a aussi des demandes différentes.

Face à des nouvelles manières de travailler, face à des groupes de personnes qui ont des objectifs et des caractéristiques différentes, il faut savoir s’adapter.

Jason Moyer-Lee

à franceinfo

Les syndicats traditionnels sont-ils si éloignés des secteurs les plus précaires ?

Il y a des grands syndicats qui font des choses, mais le problème est qu’ils ne font pas assez. Ils devraient avoir beaucoup plus d’activité. Il faut mettre des ressources, de la priorité politique, pour organiser ce secteur, c’est cela qui manque chez plusieurs grands syndicats.

Les secteurs traditionnels organisés par des syndicats institutionnels sont les secteurs publics et industriels. Mais le secteur des services, avec des bas salaires, est différent. Il faut penser de manière différente.

Jason Moyer-Lee

à franceinfo

Quelles différences y a-t-il entre votre syndicat et les syndicats institutionnels ?

Certains grands syndicats font des bonnes choses, mais il faut qu’ils en fassent beaucoup plus. Il faut absolument améliorer la démocratie interne. Tout ce qu’on fait nous vient de la base des adhérents. Après, on fait des actions avec beaucoup d’énergie. On est obligé ! On représente des travailleurs qui sont dans les pires conditions au Royaume-Uni. Ce sont des gens sous-traités, en dehors du droit du travail, dans des secteurs très peu syndicalisés. Il faut donc faire des manifestations, avec une présence forte dans les médias sociaux, on a beaucoup de liens avec la presse.

On fait aussi beaucoup de recours en justice. C’est très important, parce que le problème principal dans ce secteur, c’est que les entreprises ne respectent pas la loi. Le problème n’est pas que la loi ne protège pas les travailleurs, plusieurs plaintes ont prouvé que ces travailleurs sont couverts par la loi. Mais ce sont les entreprises qui ne respectent pas le droit du travail.

Les syndicats sont-ils démodés ?

Les syndicats ne sont pas démodés, mais il faut qu’ils fassent juste plus de choses, avec plus de volonté. Il y a des syndicats qui ont les ressources pour le faire, pour organiser ces secteurs en situation d’exploitation, j’aimerais voir plus d’activités en ce sens. Il faut que les syndicats soient plus démocratiques, qu’ils écoutent plus les adhérents.

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