Sortie du nucléaire : y voir plus clair dans la bataille des chiffres
L'accord entre socialistes et écologistes prévoit de réduire de 75 % à 50 % la part d'électricité nucléaire en France d'ici à 2025. Un scénario qui soulève une question à laquelle tous essaient de répondre : combien ça coûte ?
Réduire de 75 % à 50 % la part d'électricité nucléaire en France d'ici à 2025. Voilà ce que prévoit l'accord signé mardi 15 novembre entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Cette hypothèse, qui suppose l'arrêt de 24 des 58 réacteurs nucléaires en service dans l’Hexagone, échauffe les esprits. Combien d’emplois seront détruits ? Combien seront créés ? Combien coûtera cette transition énergétique ? Qui va payer ? Chacun y va de son estimation.
La plus optimiste : celle des écologistes
Selon EELV, sortir du nucléaire coûtera moins cher que poursuivre l’exploitation des centrales : autour de 410 milliards d'euros contre 470 milliards, soit 60 milliards d’euros d’économies. Ce scénario s’appuie sur les calculs de l’économiste Benjamin Dessus, président de Global Chance, une association proche des milieux écologistes.
Cécile Duflot, la secrétaire nationale d’EELV, assure même, dans un communiqué du 9 novembre, qu’une sortie du nucléaire serait créatrice d’emplois, ce que confirme Yannick Jadot, le porte-parole de la candidate écologiste à la présidentielle Eva Joly. Non seulement "les emplois directs seront préservés" (140 000 selon EELV), mais de "nouveaux salariés" devront être formés, car il faudra gérer le démantèlement du parc français et "l'héritage radioactif".
Les écologistes avancent le chiffre de "600 000 emplois à créer, dans la filière des énergies renouvelables et du bâtiment notamment". Ce que confirme l'association négaWatt, un regroupement non politique d'experts de la question énergétique.
La plus pessimiste : celle des professionnels du secteur
L'Union française de l'électricité (UFE), le syndicat qui regroupe les électriciens dont EDF et GDF Suez, émet l’hypothèse inverse. Faire baisser la part du nucléaire à 50 % dans la production électrique d'ici à 2030 entraînerait un surcoût de 60 milliards d'euros. La France devrait investir 322 milliards d'euros pour prolonger la durée de vie de ses centrales contre 382 milliards pour développer les énergies renouvelables et adapter les réseaux. Conséquence pour les particuliers : leur facture augmenterait de 50 % en vingt ans, estime l’UFE.
Le PDG d’EDF, Henri Proglio, augure le pire : la suppression d'un million d'emplois, dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien, le 8 novembre. D’abord, "400 000 emplois directs et indirects". Un chiffre contesté par les écologistes car provenant d’une étude commandée par le groupe nucléaire Areva. Ensuite, "500 000 emplois dans les entreprises actuellement localisées en France et très gourmandes en énergie" qui, estime Henri Proglio, ne manqueraient pas de délocaliser, puisque l’arrêt du nucléaire ferait flamber les prix de l’électricité.
Le patron d’EDF ajoute enfin "100 000 emplois futurs" résultant des exportations de matériel nucléaire. Mais ces créations d'emplois semblent compromises, vu le gel, voire l’abandon, du nucléaire décidé par plusieurs pays après la catastrophe de Fukushima en mars dernier. Cette estimation a pourtant été reprise par le ministre du Travail, Xavier Bertrand, jeudi 17 novembre sur France Info.
La plus chère : celle de l’Institut Montaigne
La facture présentée par l'Institut Montaigne, un cercle de réflexion engagé dans le chiffrage des propositions électorales pour 2012, est la plus élevée : 125 milliards d’euros. Si en 2025 la moitié seulement de l’électricité consommée en France provenait de ses centrales nucléaires, il faudrait compenser par davantage de gaz, de pétrole ou d’énergies renouvelables. Surcoût : 45 milliards d’euros. Plus 80 milliards pour développer des énergies alternatives et financer les travaux qui permettraient de réduire la consommation énergétique. L’Etat ne serait pas seul à assumer, les ménages et les entreprises aussi seraient mis à contribution.
Trois estimations radicalement différentes pour un casse-tête d’économiste. Le coût de l'accord PS-EELV est complexe à chiffrer : il repose sur des hypothèses fragiles portant sur le coût du carbone et du pétrole et sur les comportements des consommateurs à l'horizon 2025. Une très longue échéance...
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