: Vidéo Vingt ans après l'explosion d'AZF à Toulouse, "nous sommes très loin du compte", déplore un expert des accidents industriels
Paul Poulain, spécialiste des accidents industriels, estime à 187 le nombre d'incidents industriels quotidiens en France.
"Nous sommes très loin du compte (…) Nous n'avons pas la meilleure sécurité incendie possible", a déploré Paul Poulain, spécialiste des accidents industriels, mardi 21 septembre sur franceinfo. L'auteur du livre Tout peut exploser est revenu sur l'après AZF, l'explosion de l'usine toulousaine qui a fait 31 morts il y a 20 ans. Selon lui, après l'accident, "on a modifié les conditions de stockage du nitrate d'ammonium mais cela ne suffit pas". Paul Poulain, qui sillonne la France et le monde depuis huit ans pour étudier les installations dangereuses, estime à 187 le nombre d'incidents industriels quotidiens en France. "Il ne s'agit pas de faire peur, mais d'informer pour une meilleure sécurité collective", a-t-il insisté, dénonçant le manque de "volonté" et "de moyens" des autorités.
franceinfo : D'après vos informations, il y a chaque jour en France, près de 200 accidents industriels. D'où vient ce chiffre et à quoi correspond-il ?
Paul Poulain : Cela correspond aux interventions des pompiers sur des sites technologiques, des exploitations agricoles, des entrepôts logistiques, des usines et sur ces 187 accidents industriels chaque jour en France, 20 concernent des incendies. Le reste peut être des fuites de gaz, des problèmes électriques, des nuages toxiques et également des pollutions. Mais on en parle peu parce que ces sujets sont complexes.
Il y a un cas d'école dans votre livre : le nitrate d'ammonium, la substance qui a provoqué l'explosion d'AZF à Toulouse mais aussi celle dans le port de Beyrouth, au Liban. Aujourd'hui, il sert à fabriquer des engrais. N'a-t-on pas tiré les leçons d'AZF ?
Après l'explosion d'AZF, on a modifié les conditions de stockage du nitrate d'ammonium. C'est une bonne chose mais cela ne suffit pas. Aux États-Unis, chaque stockage est équipé des systèmes de sécurité incendie les plus adéquats, ce n'est pas le cas en France. Nous n'avons pas la meilleure sécurité incendie possible. J'ai rencontré les services des ministères de l'Économie et de la Transition écologique que j'ai prévenus sur ces aspects-là mais aucune nouvelle réglementation n'est prévue à ce sujet. Nous avons une directive européenne, la directive Seveso, depuis l'accident dans la ville de Seveso, en Italie, en 1976. Mais il se trouve que cette directive ne concerne que les sites les plus à risques, soit 1 300 installations en France sur les 500 000 sites dangereux. La grande majorité des sites dangereux ne sont pas Seveso et pourtant il faut se méfier de leurs installations.
Après AZF, on avait promis de contrôler davantage les sites classés. Selon vous, cela n'a-t-il pas été le cas ?
Malheureusement, faute de volonté, ces 10 dernières années on a diminué de 10 000 les contrôles sur les installations classées. Donc c'est un problème de volonté mais aussi de moyens. Forcément cela coûte cher. Il y a 1 600 inspecteurs et inspectrices d'installations classées. Si on voulait bien faire les choses, il nous en faudrait 9 000. Quand on compare aux effectifs de la police nationale, le chiffre de 150 000 personnes pourrait être envisagé par nos gouvernements. Par ailleurs, une étude normande a montré que 92% des sous-traitants dans les usines normandes ne sont pas formés à l'usage des extincteurs en présence d'un risque incendie. C'est la preuve qu'aujourd'hui, nous sommes très loin du compte. J'aimerais seulement qu'on se repose moins sur la chance et plus sur la maîtrise. Il ne s'agit pas de faire peur, mais d'informer pour une meilleure sécurité collective.
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