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Réforme des retraites : le gouvernement a-t-il renoncé à réindexer les pensions sur les salaires plutôt que sur l'inflation ?

A terme, la valeur du point sera indexée sur le revenu moyen par tête, calculé par l'Insee. Mais pendant une longue période de transition, courant jusqu'en 2045, elle restera également fixée par rapport à l'inflation.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des manifestants tiennent une banderole contre la réforme des retraites, le 11 janvier 2020 à Paris, lors d'une journée interprofessionnelle de mobilisation. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

L'exécutif aurait-il fait machine arrière en toute discrétion ? Alors que la grève contre la réforme des retraites est entrée, jeudi 16 janvier, dans sa septième semaine, vous nous avez demandé dans le live de franceinfo.fr si le gouvernement n'était pas revenu sur l'un des points essentiels de son projet : la réindexation des pensions sur les salaires et non plus sur l'inflation. Alors, qu'en est-il vraiment ? 

Dans ses préconisations (PDF), qui ont dessiné les contours de la réforme en juillet 2019, l'ancien haut-commissaire Jean-Paul Delevoye imaginait que, dans le futur système de retraite universel par points, la valeur du point soit indexée sur l'évolution du revenu moyen par tête et non plus sur la hausse des prix. La réforme rétablirait ainsi la règle en vigueur avant 1987.

"Une phase de transition"...

Mais le haut-commissaire prévenait alors que "la bascule" d'une indexation sur l'inflation à une indexation sur les salaires "ne pourra[it] se faire immédiatement". Jean-Paul Delevoye proposait donc "une phase de transition". Pendant celle-ci, la valeur des points serait le résultat d'une "pondération entre l'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation et l'évolution des revenus moyens par tête". Cela permettrait d'éviter un douloureux "effet de seuil" pour les futurs retraités entre les deux systèmes de calcul. En guise de garde-fou, le haut-commissaire envisageait également d'instaurer comme règle que "la valeur du point ne [puisse] pas baisser".

Dans son discours de présentation de la réforme (PDF), le 11 décembre 2019 à Matignon, le Premier ministre Edouard Philippe a confirmé les dispositions couchées dans le rapport Delevoye. Le projet de loi prévoirait donc "une indexation progressive non pas sur les prix, comme aujourd'hui, mais sur les salaires, qui, dans notre pays, augmentent plus vite que l'inflation". Cette disposition serait assortie d'"une règle d'or pour que la valeur des points acquis ne puisse pas baisser".

... jusqu'en 2045, au plus tard

L'avant-projet de loi que franceinfo a pu consulter reprend les mêmes points et les précise un peu. A terme, la valeur du point sera indexée "en fonction de l'évolution annuelle du revenu moyen par tête constatée par l'Insee". Mais avant cela, il y aura bien une longue période de transition, du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2045, au plus tard. Pendant celle-ci, la valeur du point sera indexée à la fois sur l'inflation et le revenu moyen par tête.

L'avant-projet de loi dicte que, durant cette phase transitoire, "chacun de ces taux doit être supérieur à zéro et compris entre l'évolution annuelle des prix hors tabac et l'évolution annuelle du revenu moyen par tête". L'avant-projet de loi mentionne toujours cette "règle d'or" garantissant que "la valeur du point ne pourra pas baisser". La future Caisse nationale de retraite universelle (CNRU), qui gérera l'ensemble du système déterminera chaque année la valeur du point.

L'effet pervers de l'indexation sur l'inflation

L'argument majeur en faveur de cette réindexation des pensions sur les salaires est que ce mode de calcul sera plus favorable aux retraités. De 1948 à 1987, les retraites étaient en effet indexées sur le salaire moyen. Pendant les Trente Glorieuses, de 1946 à 1975, les salaires ont augmenté plus rapidement que l'inflation. Les pensions s'accroissaient donc également plus rapidement que les prix.

Mais dans la foulée des chocs pétroliers de 1973 et 1979, la tendance s'est inversée : les salaires ont stagné, voire baissé, et les prix sont restés à la hausse. L'indexation des retraites sur les salaires n'était alors plus avantageuse. En 1987, le gouvernement de Jacques Chirac a donc décidé d'indexer les pensions sur l'inflation, afin que le niveau de vie des retraités ne pâtisse pas de la hausse des prix. La réforme Balladur des retraites de 1993 a maintenu la mesure. Tout comme les réformes suivantes. 

Mais cette indexation sur l'inflation a un effet pervers, qui se cumule d'année en année. C'est ce qu'a pointé le Conseil d'orientation des retraites dans son rapport de novembre 2019 (PDF). Les salaires progressant globalement plus vite que l'inflation, "cette modalité d'indexation a pour effet de creuser les écarts entre les pensions (à la fois celles des personnes déjà retraitées et celles des retraités futurs) et les revenus d'activité". En conservant ce mode de calcul, le niveau de vie moyen des retraités baisse et continuera de baisser par rapport à celui de l'ensemble de la population. 

Le gouvernement entend donc bien réformer ce mode de calcul, en réindexant la valeur des points de retraite sur les salaires et non plus sur l'inflation. Mais il ne compte pas faire cette modification d'un coup et mise plutôt sur une longue période de transition, pendant laquelle évolution des salaires et hausse des prix seront toutes deux prises en compte.

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