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Précarité des personnes âgées : "Une partie de la France et des décideurs est très mal à l'aise avec l'âge"

Le sociologue Serge Guérin, spécialiste des questions liées au vieillissement, estime que "l'accompagnement des personnes âgées n'est pas assez pris en compte en France", alors qu'il est un "formidable levier pour l'emploi".

Article rédigé par franceinfo
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Personne âgée dans une chaise roulante. (WINFRIED ROTHERMEL / PICTURE ALLIANCE)

De plus en plus de personnes âgées se font expulser de leur logement parce qu'elles n'arrivent plus à payer. Une situation dénoncée par l'association Droit au logement qui redoute même des dizaines de milliers d'expulsions dans les années à venir. Serge Guérin, sociologue et spécialiste des questions liées au vieillissement, s'insurge lui aussi. Il a estimé jeudi 20 juillet sur franceinfo qu'"une partie de la France et des décideurs est très mal à l'aise avec l'âge" alors même que "l'accompagnement des personnes âgées est un levier formidable de création d'emplois".

franceinfo : Les personnes âgées en situation de précarité, est-ce une situation globale ?

Serge Guérin : D'un côté, il y a une espèce de discours disant que les retraités seraient des privilégiés – on évoque l'augmentation du taux de CSG pour les retraités aisés, ceux qui gagnent au-delà de 1 250 euros par mois – et d'un autre, on oublie qu'il y a une augmentation du taux de pauvreté pour toute une partie de la population des seniors qui se retrouve dans une situation de plus en plus difficile.

Sur franceinfo, le président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées a estimé que la France n'aimait pas ses vieux. Partagez-vous ce point de vue ?

Plus de 16 millions de personnes ont plus de 60 ans et 70% de la population française dit qu'il faut une solution pour les personnes âgées. Au moment de la présidentielle, est ce que ces sujets-là ont été évoqués ? Pas du tout. Ces sujets ne sont pas porteurs pour le politique, pour le décideur. Pourtant il y a des gens qui disent qu'il y a des solutions et des solidarités existent. Il y a des innovations en termes de logements, il y a ce qu'on appelle la "silver economy". Toute une partie de la société bouge, des retraités comme des jeunes. Dans le master que je dirige pour les directeurs d'établissement de santé, des jeunes de 23 ans candidatent, parce qu'ils ont envie de travailler dans ce secteur-là. Une partie de la population a très bien compris et puis une autre partie n'a pas envie de voir cela. (...) On avait d'ailleurs écrit un livre en expliquant qu'il n’y avait pas de guerre de générations, c'est un domaine où les jeunes disent que les retraités ne sont pas des privilégiés et  il y a du respect, de la solidarité et des projets en commun.

Des aides-soignants sont en grève depuis plus de trois mois dans une maison de retraite dans le Jura, est-ce que cela illustre le malaise dans ce secteur ?

Il y a des innovations, des gens qui se battent tous les jours dans les maisons de retraite, mais il y a aussi des problématiques de gestion. On ne met pas assez de moyens et on enferme trop les gens. Une maison de retraite est un lieu où d'autres gens pourraient venir prendre des repas en commun et produire de la solidarité. Beaucoup de gens ont peur des vieux et les cachent. Est-ce qu'on continue à cacher cette question ou est-ce qu'on considère que la "seniorisation" de la société est un levier formidable de création d'emplois, autour de l'accompagnement des personnes les plus âgées ? Les pays nordiques ont une vision plus ouverte de la société et des maisons de retraite. Le Japon aussi a développé des nouvelles technologies. En France, on a un modèle qu'il faut continuer de développer. Par exemple, le secteur HLM a développé énormément de pratiques autour du logement intergénérationnel. Il y a des villes et des départements qui sont mobilisés, où ce ne sont pas les vieux contre les jeunes mais l'ensemble des populations qui peuvent inventer des nouvelles pratiques. Je ne comprends pas que l'enjeu majeur de la prévention soit si peu présent. Si on intervient plus tôt, en permettant aux gens de mieux se nourrir, et de faire plus d'activité physique, ils vieilliront mieux et seront moins malades. C’est quelque chose qui est intéressant à la fois au niveau économique et humain.

Les personnes âgées en situation de précarité selon Serge Guérin, sociologue, interrogé par Alexis Morel sur franceinfo

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