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Grève depuis plus de 100 jours dans une maison de retraite du Jura : "La France n'aime pas ses vieux"

Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées,était l'invité de franceinfo mercredi. Il a dénoncé "l'âgisme" de la société française, et le manque de "textes protecteurs pour les personnes âgées".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une personne âgée prend son repas dans une maison de retraite de Dordogne, le 24 novembre 2017. Image d'illustration.  (BURGER / PHANIE)

Manque d'effectifs, impossibilité de s'occuper correctement des personnes âgées, épuisement… les aides-soignants d'une maison de retraite du Jura sont en grève depuis plus de 100 jours.

Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), a pointé mercredi 19 juillet sur franceinfo le manque de personnel et de moyens alloués aux personnes âgées. "Dans beaucoup de pays, il y a un employé pour une personne âgée. Dans d'autres, il y a huit à neuf professionnels pour dix personnes âgées. Nous en demandons huit. Aujourd'hui nous sommes à peu près à cinq et demi" a-t-il décrit.

franceinfo : le sentiment de traiter les personnes âgées comme du bétail concerne-t-il tous les établissements ?

Pascal Champvert : Malheureusement la réalité sur laquelle s'accordent tous les rapports officiels, tous les professionnels, c'est qu'il n'y a pas assez de professionnels. La France est en retard et nous sommes bien en deçà de nos voisins européens. Dans beaucoup de pays, il y a un employé pour une personne âgée. Dans d'autres, il y a huit à neuf professionnels pour dix personnes âgées. Nous en demandons huit. Aujourd'hui nous sommes à peu près à cinq et demi. Les pouvoirs publics sont très contents car il y a 15 ans, on était à cinq. On a augmenté de 10%. Bravo, mais on voit bien que c'est insuffisant. 

Les personnes âgées en maison de retraite vivent plus longtemps, parfois avec des handicaps, des fragilités, des maladies importantes. Cela se reporte sur la charge de travail des salariés qui n'en peuvent plus et les personnes âgées qui ne sont pas bien accompagnées.

Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées

à franceinfo

Florence Aubenas, dans le journal Le Monde, prend le cas d'une maison de retraite à 2 500 euros par mois. Même les établissements haut-de-gamme rencontrent ces difficultés ?

2 500 euros par mois pour faire fonctionner un établissement, c'est très peu. C'est à peu près 75 euros par jour. À ce prix, pouvez-vous aller dans un club de vacances et avoir le petit-déjeuner, le repas, la chambre et en plus des activités ? Quand on compare aux autres secteurs, les maisons de retraite réalisent en fait des prouesses avec le peu de moyens qu'elles ont. Je veux ajouter que si nous sommes en retard, il en est de même pour le soutien à domicile. Les salariés y vivent des conditions de travail qui sont encore plus difficiles qu'en établissements.

Peut-on dire que la France n'aime pas les vieux ?

Oui, la France n'aime pas les vieux. Chaque Français aime ses vieux, dans la famille on aime son ancien, mais la France ne fait pas assez pour les personnes âgées. Les trois derniers présidents de la République avaient fait des annonces, ont fait un peu avancé les choses mais pas suffisamment. Nous restons donc avec du retard dans notre pays et il faudra que le président Macron se confronte à cette réalité pour vraiment faire avancer les choses. La population vieillissante est une excellente nouvelle pour nous, car on peut vivre plus longtemps et garder nos proches plus longtemps. Mais ça suppose que l'on y consacre quelques milliards d'euros.

La grande bonne nouvelle c'est que mieux aider les personnes âgées, c'est créer des emplois pour les plus jeunes.

Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées

à franceinfo

L’âgisme est une discrimination, comme le sexisme ou le racisme. C'est considérer que tout ce qui est vieux est mauvais et tout ce qui est jeune est bon. Nous sommes dans une société âgiste, mais le problème supplémentaire est que les responsables de l'État n'ont pas fait de l'aide aux personnes âgées une priorité, comme certains de nos pays voisins. (...) Il n'y a pas de texte protecteur pour les personnes âgées. On peut enfermer, dans une maison de retraite ou à domicile, des gens sans aucune garantie ni protection juridique. Ce ne sont pas les pratiques qui ne sont pas les bonnes, ce sont les textes qui sont inexistants. C'est une autre forme d’âgisme.

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