: Reportage "On n'est pas aveugles" : les salariés de Milee, distributeur de publicités dans les boîtes aux lettres, redoutent la fermeture

Le secteur de la distribution de catalogues est en crise. La seule entreprise qui distribue encore des prospectus publicitaires en France est même menacée de fermeture. Milee, anciennement Adrexo, sera fixée sur son sort jeudi 26 juillet avec un nouveau délibéré du tribunal de commerce de Marseille. Au moins 5 300 postes de distributeurs pourraient être supprimés. Ces distributeurs, qui ont vu les difficultés de l'entreprise s'accumuler au fil des années, ne perçoivent désormais aucun avenir dans le papier.

Avec sa trottinette électrique, Kamal commence sa tournée en région parisienne dans un secteur de 1 000 boîtes aux lettres. Pour lui, il est impossible de se voiler la face. Kamal a commencé à être distributeur chez Adrexo en 2004 et au fil des années, il n'a pu que constater le déclin de la pub papier. "À Noël, quand il y avait tous les catalogues, ça pouvait monter à une tonne", se rappelle-t-il. Une tonne par secteur et par distributeur.

Beaucoup de "Stop-Pub", peu de "Oui-Pub"

Aujourd'hui, son sac sur le dos suffit à transporter toute sa tournée. En 5 ans, le nombre de prospectus distribués en France a été divisé par deux. "Leclerc s'est désengagée, Carrefour, d'autres enseignes...", explique-t-il. Le coût du papier ces derniers mois a également explosé, mais pour Kamal ce n'est pas la seule raison. La prise de conscience écologique se voit. Sur les boîtes aux lettres, les autocollants anti-pub se sont multipliés, raconte-t-il. "Parfois, il y a des immeubles où ce n'est que ça. Maintenant, c'est Oui-Pub."

Oui-Pub, c'est le dispositif actuellement expérimenté dans 14 régions et qui sera élargi début 2025 à toute la France. Il s'agit d'apposer un badge sur votre boîte aux lettres pour continuer à recevoir des prospectus. Mais à ce jour cela reste maigre. "Sur un immeuble de 50 appartements, il y en a peut-être cinq qui vont mettre un Oui-Pub", confie Kamal. Aucune rentabilité possible donc. Alors pour se retourner, l'entreprise s'est lancée dans la distribution d'adressés. Il s'agit de lettres nominatives qu'il faut poster à des adresses bien précises. "Ce que je fais, c'est le travail d'un facteur", résume Kamal.

Mais pas de quoi compenser les catalogues. Devant l'un des dépôts, Abdel Mansouri vient récupérer ses paquets à distribuer. Il est aussi élu syndicaliste chez Sud PTT, et a peu d'espoir sur la suite.

"Dans les centres on n'est pas aveugles, on voit bien que le courrier n'est pas encore au rendez-vous."

Adbel Mansouri élu syndicaliste chez Sud PTT

à franceinfo

Près de 90% des distributeurs sont à temps partiel, payés au smic horaire. Parmi eux, beaucoup de retraités qui cherchent un complément de revenus. "Ils ont besoin de ça, je ne vais même pas dire pour mettre du beurre dans les épinards, parce que ça sert tout juste à avoir des épinards. L'État est très peu derrière nous. La Poste, ils ont été aidés par l'État", témoigne Abdel Mansouri. Hormis La Poste, Milee est la seule entreprise privée à pouvoir distribuer partout en France du courrier. Une licence qui pourrait intéresser un possible repreneur. 

"La société a quand même un réseau d'agences et de personnel qualifié dans tout ce qui concerne l'approche de la distribution au dernier kilomètre", défend Philippe Viroulet, porte-parole de la CAT, syndicat majoritaire de l'entreprise. Pour lui, ce maillage territorial de Milee doit être sauvé.