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Mort de Jean-Pierre Pernaut : "Il a vu la France avant les autres", salue Catherine Nayl, ancienne directrice de l'information de TF1

"Ce n'est pas l'homme d'une case, Pernaut", affirme Catherine Nayl, son ancienne redactrice en chef à TF1, après la mort du journaliste star du 13 Heures de la Une. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La directrice de l'information de France Inter, Catherine Nayl, à la Maison de la Radio à Paris, le 22 février 2022. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

"Il a vu la France avant les autres", a salué mercredi 2 mars sur franceinfo Catherine Nayl, directrice de l'information de France Inter, ancienne directrice de l'information de TF1, où la journaliste a été la cheffe de Jean-Pierre Pernaut, star du JT de 13 Heures de la Une, décédé ce mercredi à l'âge de 71 ans des suites d'un cancer des poumons

franceinfo : Vous avez très longuement travaillé avec Jean-Pierre Pernaut au cours de votre carrière à TF1, de 1984 à 2017, que ressentez-vous ce soir après l'annonce de son décès ?

Catherine Nayl : Du chagrin. Quand vous travaillez aussi longuement avec une personne comme Jean-Pierre Pernaut qui, évidemment, ne laisse pas indifférent. C'était quelqu'un de fantasque, de colérique, mais tellement engagé et pas forcément au sens engagé politiquement, engagé dans son journal. Je pense que c'est la personne avec laquelle je me suis le plus "fritée", pour ne pas dire autre chose, dans ma vie de TF1, de journaliste, de rédactrice en chef, puisque j'ai été sa rédactrice en cheffe. C'est en même temps la personne qui, sans doute, m'a emmenée le plus loin dans la réflexion. Ce n'est pas l'homme d'une case, Pernaut. Là, on a l'impression que c'est l'homme des terroirs, et tout le monde salue ce réseau des correspondants très importants. Il a eu raison avant les autres, il a vu la France avant les autres. Mais moi, j'ai aussi connu le journaliste qui a passé trois semaines au moment de la guerre au Kosovo, à faire trois quarts d'heure de journal uniquement sur la guerre du Kosovo, avec des journalistes sur le terrain. J'ai connu quelqu'un qui a décollé très rapidement après l'attentat du 11-Septembre, pour faire des journaux en direct. C'est quelqu'un qui n'était pas finalement si identifiable, qu'on ne pouvait pas mettre dans une case, contrairement peut-être à l'image qu'il a pu donner au grand public. C'était l'homme des terroirs. Il avait ce flair, ce sens de l'information, de la proximité, mais il n'y avait pas que ça.

Quelle place avait-il au sein de la rédaction de TF1 ?

En fait, il a eu une place qui a vraiment évolué. Moi quand je suis arrivée, j'ai démarré comme pigiste en 1984. D'abord ça a été Yves Mourousi [présentateur du 13 Heures de 1975 à 1988], et ensuite Pernaut très rapidement. C'est quelqu'un qu'on regardait de manière un peu circonspecte parce que c'est cette histoire de proximité, cette histoire de France n'était pas toujours comprise, et puis, au fur et à mesure des années, il a eu une place de plus en plus importante parce que c'était quelque part un peu un rempart contre des directions successives, contre l'extérieur. C'était quelqu'un qui plaçait les journalistes de la rédaction avant tout. Je retiens cette exigence qu'il avait de l'antenne tous les jours pendant 34 ans : être aussi investi dans un journal, le même, je pense que c'était aussi ça Pernaut, c'est quelqu'un qui n'avait pas peur de ça, de travailler.

Était-il avant-gardiste parce qu'il a parlé de proximité dans un journal avant les autres ?

Il a tissé ce réseau de correspondants pour répondre, presque, à un besoin individuel. Il était Picard, il vivait en Picardie, il était très implanté, donc il a tissé avec Michèle Cotta [ancienne directrice de l'information de TF1] ce réseau de correspondants pour cesser de faire de l'information institutionnelle. Les conseils des ministres, les déclarations politiques, tout ça c'était à mettre au panier avant même qu'on regarde si ça avait un intérêt. Il a sans doute eu raison avant les autres parce que cette proximité-là n'était pas un effet de mode, ce n'était pas du marketing, il était sincère. Ça lui importait, non pas de contourner tout ce qui se passait à Paris, mais de considérer qu'en dehors du périphérique il y avait une vie.

Quel souvenir gardez-vous de lui ?

Celui d'un homme qui doutait énormément sous ses allures de fonceur et de "je détiens la vérité". Non, il ne détenait absolument pas la vérité. Il y avait des stars à TF1, des stars de la présentation, et Jean-Pierre Pernaut était celui qui doutait le plus, et qui admettait qu'il avait eu tort sur un sujet, et c'est extrêmement rare je pense.

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