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"On est abandonnés dans l'indifférence générale !" : la presse nationale indisponible dans le sud de la France

Au désespoir des marchands de journaux, les quotidiens nationaux et une bonne partie de la presse magazine sont introuvables depuis des semaines dans une partie de la France. A l'origine de cette pénurie, le sort incertain de deux filiales du distributeur de presse Presstalis.

Article rédigé par franceinfo
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Un kiosque à Toulouse pendant le confinement, le 30 mars 2020. (JULIE IMBERT / HANS LUCAS / AFP)

"En pleine campagne municipale, la seconde et la troisième ville de France, Lyon et Marseille, n'ont plus de quotidiens nationaux depuis près d'un mois !" Représentant de l'union professionnelle des marchands de journaux, Christian Andrieux ne décolère pas face à la situation de milliers de kiosquiers, dans le sud de la France, qui n'ont plus accès à la presse nationale depuis des semaines. En cause : la liquidation de deux filiales du distributeur Presstalis. Explications.

Quelle est la situation des kiosquiers ?

"Elle est catastrophique" pour de nombreux marchands de journaux, qui se sentent "abandonnés", estime Christian Andrieux, contacté par franceinfo. Selon lui, dans le sud et l'est de la France, quelque 8 000 kiosquiers n'ont plus qu'une "réception aléatoire" de la presse nationale quotidienne et magazine. Et, parmi eux, environ 2 000, "à Lyon, Marseille et dans la région", n'ont plus du tout accès à la presse nationale, tous types de périodicité confondus.

Pourtant, souligne-t-il, les kiosquiers ont résisté comme ils ont pu au confinement : "92% d'entre eux étaient ouverts, malgré une baisse de 50 à 60% du chiffre d'affaires, pour ceux qui ne faisaient que de la presse." Mais il craint que la situation actuelle ne pousse nombre d'entre eux à fermer boutique. "Les kiosquiers sont les otages d'une grève qui dure depuis le 12 mai, et qui est issue du conflit entre Presstalis et ses ex-salariés."

Comment en est-on arrivé là ?

Les deux filiales de la société de distribution Presstalis qui gèrent les dépôts en régions, SAD et Soprocom, sont en liquidation depuis trois semaines. Le 21 avril, Presstalis, mal en point depuis des années, s'est déclarée en cessation de paiement.

Le 15 mai, le tribunal de commerce de Paris a accepté le plan proposé par la Coopérative de distribution des quotidiens, actionnaire de Presstalis et présidée par Louis Dreyfus, qui est aussi président du directoire du Monde. En substance, la Coopérative acceptait de reprendre le siège parisien de Presstalis et la plateforme de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, soit 265 des 900 salariés du groupe.

En revanche, elle refusait de reprendre les dépôts en régions, gérés par les filiales SAD et Soprocom, qui comptent 512 salariés et desservent près de 10 000 points de vente en France. Le tribunal de commerce de Paris a donc prononcé la liquidation sans poursuite d'activité de ces deux sociétés. Le Syndicat du livre-CGT (SGLCE) a dénoncé une décision "incompréhensible", et les salariés de Presstalis dans ces dépôts se sont mis en grève.

Quel avenir pour les filiales menacées de Presstalis ?

Des offres de reprise, qui doivent être examinées, ont été déposées pour ces deux filiales qui gèrent une quinzaine de dépôts de presse, en Corse, à Lyon, Toulouse ou encore Marseille (130 salariés). Les employés de la filiale marseillaise proposent ainsi un projet de société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) afin de "sauvegarder l'emploi" et d'"assurer la pluralité de la presse".

Un plan accueilli avec scepticisme par Christian Andrieux. Il juge que leur plan "n'est pas sous-tendu par un vrai projet". "Il n'y a pas de vrai projet de financement, on voit qu'il n'y a pas d'éditeurs derrière et nous avons peur que, dans deux mois, on en soit encore au même stade", a-t-il expliqué à l'AFP.

En attendant d'éventuels repreneurs, certains éditeurs de presse tentent de mettre en place des "plans de secours" pour approvisionner les marchands de journaux par d'autres canaux. Des plans qui ont parfois été "mis à mal par des mouvements de destruction des quotidiens à Grenoble ou à Nîmes", commente sobrement Christian Andrieux. Sur Twitter, Ivan Gaudé, directeur de la publication de journaux consacrés à l'informatique, a exprimé sans fard sa colère devant ce type d'actions.

Résultats en cascade : la presse connaît des difficultés accrues, d'autant qu'elle doit payer une partie de l'ardoise de Presstalis, les clients sont mécontents de ne plus trouver leurs journaux favoris, et les kiosquiers se désespèrent. "On laisse mourir les marchands de journaux dans le silence" hors de Paris, s'insurge Christan Andrieux. Pour lui, 2 000 points de vente et 4 500 emplois sont concernés. Certains, petits commerçants sans droit au chômage et déjà fragilisés par le confinement, pourraient ne pas passer le cap.

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