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Mangez bio, faites du sport : quand les assureurs proposent des contrats en fonction de l'hygiène de vie

Les assurances "au comportement" vont débarquer en France début 2017. L'idée est de moduler le prix du contrat ou d'obtenir des réductions en fonction de son hygiène de vie. Quitte à "pister" davantage les clients. 

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Des femmes courent le long de la Seine, à Paris, en mai 2014. (CHRIS TOBIN / DIGITAL VISION / getty images)

Gagner des points ou des cadeaux grâce à votre mode de vie. C'est ce que proposent certains assureurs en Allemagne depuis le 1er juillet. Francetv info vous en dit plus sur ce système qui débarque bientôt en France.

Une "assurance au comportement", c'est quoi ?

Le principe est le suivant : on suit un programme de remise en forme, puis plus on prend soin de sa santé, plus on a des bons de réductions et moins on paye. "En résumé, ceux qui prendront soin de leur santé seront récompensés avec des réductions de prime de 11% à 16% ou des bons de réduction chez les partenaires (grands magasins, agences de voyages, etc.)", explique Le Parisien.

Aux Etats-Unis, le client peut transmettre les données par le bracelet connecté FitBit et l'assureur fait varier le prix des primes en fonction de son hygiène de vie. En Allemagne, Generali propose le programme d'assurance santé Vitality, également proposé au Royaume-Uni, en Australie et en Afrique du Sud. Pour commencer, il faut déterminer son état physique, et pour cela, faire un bilan de santé dans une pharmacie agréée par l'assureur.

Ensuite, "pour gagner des points, les participants peuvent aussi cumuler les achats dans les supermarchés bio, faire des visites préventives chez le médecin, comptabiliser le nombre de pas effectués chaque jour grâce à une application. Les données sont ensuite saisies par l'assuré sur un site internet", précise Le Parisien. Car les assurances profitent de l'émergence des objets connectés pour étendre leurs offres, quitte à s'affranchir de leur rôle premier.

En France, c'est pour bientôt ?

Oui. Generali prévoit d'instaurer en France le programme Vitality, à partir du 1er janvier 2017. Mais l'assureur le proposera uniquement aux employeurs qui mettent en place des offres de mutuelles pour leurs salariés. "Proposera", car ce programme ne sera pas obligatoire, mais mis en place sur "la base du volontariat", insiste Generali, contacté par francetv info. "Seulement ceux qui le veulent pourront l'activer."

"Le principe de base du programme, c'est une démarche volontaire de prévention de bien-être. Des objectifs sont identifiés en fonction du profil de la personne qui le suit. Il s'inscrit dans la lutte contre le tabagisme, contre la sédentarité... Plus vous le suivez, plus vous gagnez des points", explique Generali. On accède ensuite à des statuts : "bronze", "argent", "or" ou "platine" qui permettent de bénéficier de bons de réduction chez des partenaires du programme. Mais il n'y a pas d'incidence tarifaire : en France, le tarif et la participation de l'employeur doivent être identiques pour tous les salariés au sein d'un même contrat d'assurance complémentaire santé. Il n'y aura donc pas de réduction de prix. L'idée, c'est de "fidéliser" l'assuré en lui proposant des services.

"Cela répond à un besoin des entreprises, qui nous demandent d'améliorer le bien-être de leurs salariés. On n'est pas là pour contraindre, mais pour accompagner une personne qui veut améliorer sa santé", assure à francetv info Yanick Philippon, membre du comité exécutif de Generali France, en charge des associations collectives. Les négociations sont toujours en cours mais, selon lui, de grandes entreprises sont intéressées. 

Toutes les assurances n'ont pas l'intention de proposer un tel programme. Chez Axa par exemple, on répond que ce n'est pas à l'ordre du jour. En revanche, Direct assurances, qui fait partie du même groupe, propose d'ores et déjà une offre d'assurance auto qui permet d'obtenir jusqu'à 50% de réduction sur sa cotisation en fonction de sa conduite. Au départ, la conduite était mesurée à partir d'une application sur smartphone. Aujourd'hui, c'est un boîtier qui permet de récolter les données à chaque fois que l'assuré prend le volant. Il mesure la vitesse, l'accélération, les virages.

"Après chaque trajet, l'utilisateur peut consulter sa conduite sur un parcours. Ainsi, on fixe le prix plus finement et on ajuste la cotisation, comme un forfait téléphonique", détaille Direct assurances. L'assureur estime que cela permet d'améliorer la conduite et de réduire l'accidentologie. Quid des données enregistrées ? Une société distincte de l'assureur les sécurise et elles sont "anonymisées". Par exemple, elles remontent sous forme de numéro de dossier, pas sous le nom de l'assuré. 

Faut-il s'en inquiéter ?

"Ni l'assureur, ni l'employeur n'auront accès aux données", promet aussi Generali. C'est une société distincte de l'assureur qui hébergera, stockera et sécurisera les données, conformément à la loi Informatique et libertés, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) se charge de faire appliquer. Pour vérifier si l'utilisateur n'enjolive pas ses performances sportives, des justificatifs pourront être demandés, ajoute toutefois Generali.

Pour Reine-Claude Mader, présidente de l'association Consommation, logement, cadre de vie (CLCV), contactée par francetv info, c'est "aberrant". "A l'heure actuelle, des examens médicaux sont déjà demandés à certaines personnes qui veulent souscrire un contrat d'assurance. On leur demande leur poids, si elles fument, boivent... Alors si on accepte une surveillance encore plus importante, où va-t-on ? C'est incroyable, on entre en assurance comme on entre en religion !" s'indigne-t-elle. Elle assure que la CLCV sera vigilante. "Les consommateurs doivent l'être aussi." Selon elle, il faut être prudent sur l'aspect marketing : "Les produits annoncés ont souvent valeur de test. Il faut savoir ensuite combien ils sont vendus."

"On ne peut pas accepter de telles méthodes, intrusives. Ce n'est pas le rôle des nouvelles technologies", dénonce Reine-Claude Mader. Elle regrette que ce type d'offres concerne une clientèle en particulier, "ciblée" : les personnes de 25 ans en bonne santé, qui déchanteront une fois qu'elles vieilliront, ou lorsqu'elles auront des problèmes de santé. "C'est attractif dans un premier temps, mais pas dans un second." Elle craint ensuite que le client soit mis en cause tout au long du contrat. "Les assurances ne doivent pas être là pour fliquer les gens."

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