Il n'y a "pas de spirale déflationniste sensible pour les consommateurs" à espérer, selon un spécialiste de la grande distribution

"Le pic de l'inflation est derrière nous" mais "on est sur un plateau", explique le journaliste Olivier Dauvers sur franceinfo.
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En novembre 2023, les prix se stabilisent pour la plupart, mais certains produits qui repassent dans le rouge. (Photo d'illustration) (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS)

Avec des prix qui se stabilisent pour la plupart, mais certains produits qui repassent dans le rouge, le panier de courses franceinfo/France Bleu de novembre, en partenariat avec NielsenIQ, montre que la baisse constatée entre septembre et octobre ne s'est pas installée dans la durée. "On est sur un plateau", selon Olivier Dauvers, journaliste spécialisé grande distribution, avec des reculs certains mois, des hausses d'autres mois jusqu'en début d'année 2024, et de tout façon, "on ne sera pas dans une spirale déflationniste sensible pour les consommateurs".

franceinfo. Le pic de l'inflation a-t-il bien été dépassé ?

Olivier Dauvers. Le pic de l'inflation est toujours derrière nous dans le sens où les prix ne progressent plus. On est sur un plateau. Il y a eu des mois où on était en dessous de la ligne de flottaison, avec des petits reculs. Toutes les études l'ont montré. Ce mois-ci, on n'est plus en dessous. C'est la conséquence de plusieurs phénomènes qui s'annulent. Concrètement, vous avez des matières premières agricoles qui sont objectivement en baisse. Le blé, par exemple, est aujourd'hui plus bas que ce qu'il était au moment du déclenchement de la crise en Ukraine. Mais dans le même temps, vous avez d'autres matières premières qui, elles, sont aujourd'hui plus hautes. Je pense au sucre par exemple, qui a beaucoup augmenté. Le cours mondial du sucre est à peu près 30 % à 40 % plus élevé qu'il y a un an. Et malheureusement, aujourd'hui, on a du sucre dans beaucoup de produits. Donc vous avez des matières premières en baisse, d'autres qui sont en hausse. Ça produit une forme d'équilibre et ça se traduit dans votre panier franceinfo. Et puis, quand même, il faut expliquer aussi qu'il y a forcément un peu d'opportunisme de la part des marques et des enseignes. À partir du moment où le gouvernement leur a dit : 'Vous allez renégocier [avec les industriels] pour trouver un accord d'ici au 31 janvier', est-ce que vous pensez qu'une marque normalement constituée ne va pas anticiper une éventuelle baisse de prix si l'échéance qu'on lui a donné est au 31 janvier ?

Il ne faut donc pas s'attendre à une baisse des prix en décembre ?

C'est assez probable que désormais, avant le mois de février, il ne se passe pas grand-chose sur le terrain des prix. Ça ne progressera plus, puisque on est clairement sur un plateau. Mais on ne sera pas dans une spirale déflationniste sensible pour les consommateurs. Et de toute façon, même si vous aviez noté des baisses de prix ces deux derniers mois, personne ne s'en était rendu compte en rayon parce que les prix peuvent bien baisser un peu, mais ils sont tellement plus hauts que les habitudes que l'on avait, que pour les consommateurs que nous sommes tous, il n'y a pas de baisse des prix. Ce ne sont pas quelques centimes sur quelques produits qui font une tendance perceptible par les consommateurs. Et donc malheureusement, on va avoir probablement pendant des mois et des mois encore ce sentiment de vie chère, parce que la réalité, c'est que les prix sont aujourd'hui entre 20 % et 25 % plus cher qu'il y a deux ans.

La baisse pourra-t-elle venir des négociations entre industriels et distributeurs en janvier ?

C'est très difficile de le dire parce que beaucoup d'industriels sont rentrés dans ces négociations en envoyant des signaux de fumée très inquiétants pour les consommateurs. Je pense à Coca-Cola qui a demandé une hausse des prix de 7 %, et beaucoup d'industriels rentrent dans cette phase de négociations en demandant des hausses. Donc, quand vous demandez des hausses, ce n'est pas pour signer des baisses. Je suis très inquiet de voir que les grandes marques n'ont pas compris que les consommateurs sont en train de se détourner d'elles. Et on est en train de vivre le triomphe des marques de distributeurs. Après tout, si les grandes marques de l'alimentaire ne veulent plus des consommateurs, qu'elles se rassurent les consommateurs ne vont pas vouloir d'elles plus longtemps et iront vers les marques de distributeurs. Un peu de raison de la part de ces industriels ne ferait pas de mal.

Que peut faire le consommateur pour faire diminuer son ticket de courses en décembre ?

Il faut être extrêmement opportuniste, beaucoup plus opportuniste qu'avant, et notamment avec les promotions. Les prospectus que vous ne regardez plus, que vous jetez quand vous les recevez, feuilletez-les ! Ou alors, si vous n'avez pas les versions papier, regardez-les sur les applications, sur les sites internet. C'est très facilement accessible. Achetez majoritairement en promo aujourd'hui. Pour reprendre et pour paraphraser un slogan connu des années 80, il faudrait être fou pour acheter plein pot ! N'achetez pas vos fruits et légumes autrement qu'en promo. N'achetez pas votre volaille autrement qu'en promo. Il y en a en permanence dans toutes les enseignes. Il y a entre 400 et 500 produits en moyenne en promotion dans un hypermarché toutes les semaines. Alors il ne s'agit pas de les acheter tous, mais il s'agit de commencer par regarder ceux-là d'abord. Quand vous faites ça, vous pouvez effacer une partie de l'inflation, parce que vous allez acheter plus de produits en promotion.

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