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Space X : le lancement d'astronautes par une entreprise privée souligne le fossé entre Américains et Européens dans l'espace

Invité de franceinfo ce dimanche, le spécialiste des questions spatiales Xavier Pasco décrypte la volonté des Américains de conquérir l'espace avec l'aide d'industriels privés. Il appelle l'agence spatiale européenne à s"inventer une vision politique".

Article rédigé par franceinfo
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Les quatre astronautes envoyés dans la capsule SpaceX vers la Station spatiale internationale, dimanche 15 novembre 2020. (SPACEX / AFP)

Le lancement d'astronautes par SpaceX permet au gouvernement amĂ©ricain "de rĂ©organiser son programme spatial" et d'"ajouter un peu au prestige amĂ©ricain et aux ressources pour les grands programmes d'exploration", a analysĂ© dimanche sur franceinfo Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratĂ©gique (FRS), spĂ©cialiste des questions spatiales. Dans la nuit de dimanche Ă  lundi (heure de Paris), le lanceur privĂ© amĂ©ricain doit envoyer quatre astronautes vers la Station spatiale internationale pour le compte de la Nasa. Ce premier vol opĂ©rationnel d’un transporteur privĂ©, dirigĂ© par Elon Musk, doit pousser l'Europe Ă  "inventer sa vision politique et ses dĂ©bouchĂ©s commerciaux".


Ce premier vol opĂ©rationnel d’un transporteur privĂ©, est-ce que cela veut dire que l'espace devient le champ de bataille des immenses fortunes ?

L'espace subit effectivement des transformations depuis quelques années avec ces nouveaux industriels qui ne sont pas des industriels du secteur spatial traditionnels comme Boeing ou Lockheed, par exemple, ou Airbus pour l'Europe, mais qui font fortune plus largement avec l'Internet, le monde de l'information. Ce que l'on voit arriver avec ces nouveaux acteurs, c'est une maniÚre, pour le gouvernement américain, de réorganiser son programme spatial en comptant sur cette immense fortune pour ajouter un peu au prestige américain et aux ressources pour les grands programmes d'exploration.

C'est un effet d'aubaine pour la Nasa ?

C'est quelque chose qui n'est pas tombé du ciel. Ces entreprises sont nées au début des années 2000 et elles ont profité d'un premier mouvement de délégation de service public vers le secteur commercial qui s'est passé dans les années 1990. Cela a permis de faire naßtre ces entreprises qui ont grandi sur les fonds publics et continuent bénéficier de la manne publique, mais qui, en retour, génÚrent aussi des ressources, s'ouvrent des horizons commerciaux. Et la Nasa, en l'occurrence, compte bien en profiter en devenant, d'une certaine maniÚre, une cliente de service apportée par ces entreprises.

Jusque-lĂ , la Nasa devait compter sur l'Europe, sur notre fusĂ©e Ariane notamment. OĂč en est-elle ? Elle est devenue complĂštement obsolĂšte ?

Non, la fusĂ©e Ariane ne devient pas obsolĂšte. La fusĂ©e Ariane, historiquement, est une fusĂ©e qui, trĂšs rapidement, a trouvĂ© ses marques d'un point de vue commercial. Pendant des annĂ©es, la fusĂ©e Ariane a occupĂ© plus de la moitiĂ© des lancements commerciaux. Cela veut dire Ă  peu prĂšs une dizaine de vols par an, sachant qu'en fait, il se tire Ă  peu prĂšs de 80 Ă  100 satellites par an, le reste Ă©tant des vols gouvernementaux. Mais la fusĂ©e Ariane avait trouvĂ© sa vitesse de croisiĂšre. Évidemment, avec SpaceX, avec bientĂŽt Blue Origin, puis d'autres fusĂ©es d'autres pays de l'Inde ou de la Chine, la part commerciale se rĂ©trĂ©cit. Et donc, c'est un peu plus dur pour Ariane aujourd'hui de s'imposer.

Est-ce que cela montre que l'Agence spatiale européenne est largement affaiblie dans cette histoire ?

L'Agence spatiale européenne, qui n'est pas une agence de l'Union européenne mais qui est historiquement la premiÚre organisation européenne à faire de l'espace, est d'abord une agence de recherches. C'est une agence scientifique qui lance des satellites scientifiques essentiellement. Et je dirais que, plus largement, c'est l'Europe qui doit trouver sa place dans le nouvel équilibre. Aujourd'hui, les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, sont des gouvernements trÚs actifs et lancent beaucoup de satellites, beaucoup de matériels en orbite, sans doute un peu plus que l'Europe. Et l'Europe, de ce point de vue-là, soutient moins son propre lanceur que les autres pays ne le font avec les leurs. Donc c'est un vrai sujet politique.

Et nous n'avons pas en Europe, ces milliardaires un peu fous, voire complÚtement fous, qui se lancent comme ça dans l'aventure spatiale.

Il se trouve qu'on n'a pas les Gafa en Europe, ni un Elon Musk qui compte aller sur Mars. MĂȘme si on peut mettre cela en doute, ça donne en rĂ©alitĂ© une vision presque politique qu'une agence spatiale a normalement. Et lĂ  maintenant, on a des acteurs privĂ©s qui ont ce type de vision. Mais il a aussi l'ambition de crĂ©er la grande constellation de satellites, plus de 40 satellites en orbite, pour diffuser Internet partout dans le monde. LĂ , il bĂ©nĂ©ficie de la prĂ©sence aux Etats-Unis des grands acteurs qui savent valoriser cela, des Microsoft et autres Gafa. En Europe on n'a pas ça. A nous d'inventer notre vision politique et aussi nos dĂ©bouchĂ©s commerciaux.

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