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Trois questions sur les "Malta files", la nouvelle grosse enquête sur l'évasion fiscale

Un consortium de treize médias, dont Mediapart en France, a mené une large enquête sur ce paradis fiscal méconnu et les activités qu'y mènent plusieurs grosses entreprises européennes.

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Un drapeau maltais flotte au dessus de la capitale, La Valette. (ALEXANDROS MICHAILIDIS / AFP)

Il y a eu les "Luxleaks", les "Panama Papers", les "Football Leaks"... Il y a désormais les "Malta Files". Les révélations sur cette large enquête, menée par le réseau European Investigative Collaborations (EIC) qui regroupe treize titres de presse, ont commencé jeudi 19 mai. Le but : mettre en lumière les "coulisses de ce paradis fiscal méconnu" qui "prive les autres pays de deux milliards d'euros de recettes fiscales par an", explique Mediapart (article payant), qui fait partie de l'équipe de journaliste. Franceinfo fait le point sur cette vaste enquête en trois questions ? 

D'où viennent ces révélations ?

"C’est le coup d’envoi de deux semaines de révélations fondées sur plus de 150 000 documents confidentiels", annonce Mediapart. Au total, 49 journalistes, issus de 13 médias ont enquêté sur les sociétés offshore de la petite île européenne, pratiquant l'optimisation et l'évasion fiscale, mais aussi du blanchiment d'argent et des faits de corruption, selon le site internet. Outre Mediapart, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, et les journaux portugais Expresso, espagnol El Mundo, italien L'Espresso, belge Le Soir, danois Politiken, maltais Malta Today et le média en ligne roumain The Black Sea figurent parmi ce consortium. 

Les "Malta Files" sont constitués de deux ensembles de documents. Le premier lot comprend des milliers de documents internes d'un cabinet fiduciaire maltais spécialisé dans l'immatriculation et l'administration de sociétés. Ces éléments, obtenus par les journalistes du titre allemand Der Spiegel, rappellent ceux obtenus lors de l'affaire des "Panama Papers".

Dans le cadre des "Malta Files", cette base de données a pu être croisée avec un tableau Excel, obtenu par le site roumain The Black Sea, qui comporte l'ensemble des données de registre des 53 247 sociétés immatriculées à Malte, explique Mediapart.

Que trouve-t-on dans ces fichiers ? Y a-t-il des sociétés françaises ?

Les journalistes de l’EIC ont passé au peigne fin la liste des 77 818 personnes et entreprises qui sont directrices ou actionnaires de sociétés maltaises. Ils y ont trouvé 1 291 citoyens français, révèle Mediapart. 

Selon le site, de grands patrons français auraient acquis des yachts et les auraient immatriculés à Malte afin de bénéficier d'une "fiscalité attractive", et de "charges sociales très basses qui réduisent le coût de l'équipage". Il cite Jean-François Decaux (JC Decaux), Maurice Ricci (Akka Technologies), Xavier Niel (Iliad-Free), Hubert Martigny (cofondateur d'Altran), Olivier Bertrand (groupe Bertrand) ou Stéphane Courbit (Lov Group). "Aucun n'a souhaité répondre" aux questions des journalistes, d'après le site.

Parmi ces sociétés immatriculées dans l'île, figurent aussi des grands chefs d'entreprise ainsi que des multinationales telles que les groupes "Bouygues, Total, BASF, Ikea" et des banques comme "Reyl et JP Morgan", précise Mediapart sans en dire plus pour le moment. 

Selon Der Spiegel (en allemand), plusieurs groupes allemands détiendraient des sociétés immatriculées à Malte, comme BMW, BASF, Deutsche Bank, Puma, Merck, Bosch ou Rheinmetall. Le géant de l'aérien Lufthansa possèderait "18 filiales à Malte"Contactées par l'hebdomadaire, les entreprises concernées ont assuré que leur présence à Malte était "légale" et déclarée au fisc maltais.

Pourquoi Malte ? 

Norbert Walter-Borjans, le ministre des Finances du Land allemand de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a qualifié Malte comme le "Panama de l'Europe". Il a eu lieu aussi accès aux documents consultés par l'EIC. "Les données révèlent comment des entreprises et des individus utilisent cette île de Méditerranée pour échapper massivement à l’impôt. C’est fait en partie avec des astuces légales, mais aussi fréquemment via des sociétés offshore dont le seul objectif est de créer des montages d’évasion fiscale", a expliqué ce dernier.

Malte a le taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) le plus bas d’Europe. Une enquête du journal Matla Today (en anglais), qui a participé à cette enquête, révèle que l'île méditerranéenne a remboursé 2 milliards d’euros d’impôts en 2015 aux sociétés détenues par des étrangers. Mediapart rappelle que ce paradis fiscal méconnu préside jusqu'en juin l'Union europénne. 

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