Qu'est-ce que l'ICIJ, le collectif international de journalistes à l'origine des "Paradise Papers" ?
Qui sont donc ces journalistes cachés derrière l’acronyme ICIJ du Consortium international des journalistes d’investigation ? Comment s’organise leur travail collaboratif ?
Panama Papers, ça vous dit quelque chose ? Lux Leaks, ça vous rappelle des souvenirs ? Ces désormais célèbres enquêtes journalistiques ont des caractéristiques communes. Elles sont fondées sur des fuites de données anonymes (les "leaks") ; ces fuites ont été dépouillées par plus de 200 journalistes de toutes nationalités ; elles concernent plus de 70 pays. Et elles révèlent des informations systématiquement mises en commun.
Pour ces "Paradise Papers" révélés dimanche 5 novembre, la cellule Investigation de Radio France, en partenariat avec l'ICIJ (consortium international des journalistes d'investigation) et le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, a eu accès à quelques 13 millions de fichiers, pour moitié issus du cabinet-conseil britannique Appleby installé aux Bermudes et dans 10 autres paradis fiscaux.
Ce travail d’investigation et de recoupement est chaque fois conduit dans la discrétion durant de longs mois avant d’aboutir à la révélation de faits criminels transfrontaliers et/ou de phénomènes de corruption, amplement couverts par des personnalités de la classe dirigeante de nombreux et puissants pays.
Un travail collaboratif
Dans un monde globalisé, où les économies nationales sont interdépendantes, où les circuits financiers ne connaissent aucune frontière et dans lequel la délinquance et la criminalité ont depuis longtemps appris à emprunter les voies technologiques les plus avancées, le journalisme a lui aussi changé de dimension.
D’abord, parce que le temps nécessaire à des enquêtes approfondies représente un important budget pour les chaque média d’information, il est devenu collaboratif. Ensuite parce que conduire des investigations sur les agissements de groupes puissants aux intérêts financiers considérables est une activité dangereuse, il est mené en secret. Enfin parce qu’à l’ère des "fake news" aux effets amplifiés par les réseaux sociaux, il est enfin soucieux d’impact.
Des sujets sensibles
Si dans les dernières années, leurs objets d’enquêtes se sont particulièrement ancrés dans le monde financier, dans ces marges de l’économie capitaliste où prospère l’argent occulte, les journalistes du consortium s’attachent aussi à appliquer leur démarche d’investigation approfondie à tous les secteurs : le commerce de corps humains recyclés dans des implants médicaux; les dégâts de l’industrie minière australienne en Afrique ; les excès de la pêche en mer ; le rôle occulte des compagnies militaires privées dans des zones de guerre ; l’influence du lobby du tabac sur les marchés émergents des pays en développement. Des sujets très divers, toujours très sensibles, où de gros profits sont réalisés sur le dos des plus faibles.
Fondé en 1997 par l’association américaine de presse à but non lucratif Center for Public Integrity, l’ICIJ s’est transformée depuis février 2017 – après le considérable succès des Panama Papers – en média autonome, également à but non lucratif, financé par diverses fondations philanthropiques, donations et dons privés.
Fidèle à ses origines, le consortium affiche clairement son objectif : fournir un appui (juristes, spécialistes en informatiques, équipe de fact-checking) aux journalistes tout autour du globe afin de lutter contre les menaces provenant des industries polluantes, des réseaux internationaux du crime, des États voyous, etc. Et ce, en éliminant l’esprit de rivalité entre les journalistes afin de promouvoir, à l’inverse, l’esprit de collaboration.
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