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Retraités modestes : comment les députés PS ont fait plier le gouvernement

Dans la précipitation et la confusion, le gouvernement a décidé de faire un geste pour les retraités veufs aux revenus modestes. Une décision bien tardive pour les députés de la majorité contactés par francetv info.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Près de 900 000 retraités veufs ont vu leurs impôts locaux augmenter en 2015. (CHARLES PLATIAU / REUTERS)

"Cette dame n'avait plus de quoi manger, on en était là." Au téléphone, Hervé Féron, député-maire socialiste de Tomblaine (Meurthe-et-Moselle), raconte la visite, début octobre, d'une retraitée de sa circonscription, à qui le centre d'action sociale de sa commune a dû verser une aide alimentaire. "Elle m'a dit : 'Je payais 137 euros d'impôts locaux, cette année, je paye 845 euros, qu'est-ce que je fais ?'" poursuit le député.

Comme 900 000 retraités veufs, cette habitante de Meurthe-et-Moselle a vu ses impôts locaux exploser en 2015, sous l'effet de la suppression de la demi-part fiscale des personnes veuves, votée en 2008 mais qui a pris pleinement effet cette année. "Je lui ai expliqué que la mesure avait été votée sous le gouvernement Fillon, mais que les socialistes n'étaient pas revenus sur cette mauvaise disposition", se souvient l'élu. 

"On aurait dû agir depuis bien longtemps"

C'est précisément ce que le député frondeur et ses collègues reprochent au gouvernement. "On aurait dû agir depuis bien longtemps (...). Cette histoire ne date pas d'hier, mais de 2012", peste Laurent Baumel, député de l'Indre-et-Loire. "Ça a été l'un des premiers sujets débattus au groupe socialiste après les élections de 2012", abonde Philippe Noguès, député du Morbihan, qui a claqué la porte du PS depuis. Mais, contrairement au gel du barème fiscal, voté sous la droite et retiré sous la gauche, le gouvernement n'a pas touché à cette mesure. "Quand les députés remontent quelque chose, Bercy a pour réflexe de refuser, regrette Laurent Baumel. Je mesure à quel point, dans notre système, ce sont les administrations qui gouvernement."

Avec une trentaine de députés, des frondeurs socialistes, des écologistes et des communistes, les trois hommes signent une lettre ouverte dans Marianne le 14 octobre. Un texte refusé auparavant par plusieurs journaux. "J'ai eu beaucoup de mal à me faire entendre, regrette Hervé Féron, son auteur. On veut des élus de proximité, mais on se retrouve dans un fonctionnement où il est impossible de faire remonter la réalité." La bataille se poursuit à l'Assemblée, pour l'examen du projet de loi de finances. "J'ai déposé un amendement pour rétablir la demi-part des veufs, le gouvernement l'a refusé", raconte Laurent Baumel.

"Une indécence fiscale"

Pour le chef de file des frondeurs, c'est "l'entrée dans la danse", la semaine dernière, de députés plus proches du gouvernement qui a fait basculer les choses. Dans un courrier à Manuel Valls, le 26 octobre, une centaine de députés, conduits par Jean-Louis Bricout (Aisne) et Jean-Jacques Cottel (Pas-de-Calais), s'alarment de la situation. "Des personnes avec de petites retraites se retrouvent avec des taxes foncières autour de 500, voire de 1 500 euros. C'est une injustice flagrante, une indécence fiscale", s'indigne Jean-Louis Bricout, pour qui le gouvernement "aurait dû le voir avant" et "anticiper plus que ça".

A demi-mot, l'élu de l'Aisne reconnaît que son profil de député "discret, qui ne court pas après les micros" a pu jouer dans la prise de conscience gouvernementale. "A un moment donné, on ne peut plus mettre des œillères et ne pas voir la réalité quand elle vous explose à la figure, ironise Laurent Baumel. Le gouvernement a été mis devant une contradiction : vous ne pouvez pas communiquer sur la baisse des impôts et avoir des contribuables modestes qui se mettent à en payer de nouveaux."

"Le mal est réparé"

Le secrétaire d'Etat au Budget rencontre les parlementaires le 28 octobre. En catastrophe, alors que les élections régionales se profilent, Christian Eckert annonce, dimanche 1er novembre, dans un entretien au Journal du dimanche, que ceux qui ont payé des impôts locaux cette année, alors qu'ils en étaient jusque-là exonérés, seront "remboursés". Il enjoint même les retraités veufs qui n'ont pas encore réglé leur taxe d'habitation de ne pas le faire. Dans la journée, le Premier ministre, Manuel Valls, annonce le maintien de l'exonération pour 2015 et 2016.

Pour Jean-Jacques Cottel, "le mal est réparé". "Je suis soulagé de cette mesure, c’était très compliqué sur le plan humain, les gens ne comprenaient pas", confie-t-il. "Il faut s'assurer que les gens soient bien remboursés, qu'il y ait des consignes bien précises de Bercy pour les directions régionales des impôts", se méfie cependant son camarade Jean-Louis Bricout.

D'autres sont plus sceptiques. "On est dans une situation ubuesque", regrette Hervé Féron. "Depuis le début du quinquennat, il n'y a pas de ligne de conduite sur la politique fiscale, constate Philippe Noguès. On s'adapte en fonction des événements à chaque fois, et là, on en arrive à des déclarations presque antirépublicaines", avec un ministre qui propose de ne pas payer l'impôt. "On a hérité d'une situation compliquée", nuance Jean-Jacques Cottel, avant d'admettre que "d'un autre côté, on avait le temps de régler le problème…"

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