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Pourquoi il ne faut pas se réjouir de la baisse du nombre de ménages soumis à l'impôt sur le revenu

Si l'information, révélée mardi par "Le Monde", a tout d'une bonne surprise en apparence pour les ménages français et le gouvernement, qui espère calmer le "ras-le-bol" fiscal, elle cache aussi quelques mauvaises nouvelles.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Moins de la moitié des ménages français sont soumis à l'impôt sur le revenu en 2014, une première depuis 1996. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Enfin un chiffre positif pour le gouvernement ? L'impôt sur le revenu va toucher moins de la moitié des ménages français en 2014 : 48,5% d'entre eux sont concernés, contre 53% en 2013, selon les informations du Monde du 19 août. Un cap symbolique qui n'avait plus été franchi depuis 1996. 

Plus largement, 4,2 millions de Français verront leurs impôts baisser cette année : c'est 500 000 de plus que prévu lors de l'adoption, en juin, de réductions fiscales pour les ménages les plus modestes. Mais derrière ces chiffres, qui apaiseront le "ras-le-bol fiscal", espère le gouvernement, se cachent quelques mauvaises nouvelles.

C'est le signe d'un appauvrissement des Français

La baisse du nombre de ménages assujettis à l'impôt sur le revenu s'explique en grande partie par la mesure prise par le gouvernement en juin. Un célibataire au revenu fiscal inférieur à 1,1 smic net par mois a bénéficié, en 2014, d'une réduction forfaitaire de 350 euros, le double pour un couple au revenu comparable. Mécaniquement, 4,2 millions de ménages ont donc vu leurs impôts baisser, et un certain nombre de ces contribuables sont sortis de la première tranche de l'impôt.

Mais ce n'est pas ce qui explique les 500 000 personnes de plus concernées par les baisses d'impôt par rapport à ce qui était prévu en juin. "L'estimation a été faite par rapport aux années précédentes, explique Anne Guyot-Welke, secrétaire nationale du syndicat Solidaires Finances publiques, contactée par francetv info. Le fait qu'il y ait plus de foyers concernés signifie qu'il y a eu un appauvrissement sur le plan salarial." Ce serait, en effet, la baisse de leur revenu qui aurait fait tomber ces Français dans une tranche d'imposition inférieure, voire qui les aurait fait sortir de l'impôt sur le revenu. Début août, on apprenait également que les demandes de non-paiement au fisc de la part des contribuables étaient en forte hausse en 2013. Autant de signes préoccupants pour la santé financière des ménages français. 

La réduction n'est que temporaire

Cette baisse d'impôt devrait soulager un grand nombre de ménages cette année, mais, rappelle Anne Guyot-Welke, "la mesure n’est pas pérenne, elle concerne juste 2014". On est loin de la remise à plat de la fiscalité qu'avait annoncée Jean-Marc Ayrault en 2013. L'an prochain, le pourcentage de contribuables soumis à l'impôt sur le revenu devrait donc de nouveau augmenter. Et si la baisse se poursuit, "ce sera un vrai signe de paupérisation", tranche la secrétaire nationale du syndicat Solidaires Finances publiques. A moins qu'une nouvelle mesure ne soit prise : le 20 août, dans un entretien au Monde, François Hollande a annoncé sa volonté de réformer le barème de l'impôt sur le revenu pour le rendre "plus juste et plus simple notamment pour les premières tranches".

Ça ne calmera probablement pas le "ras-le-bol fiscal"

L'annonce, par Manuel Valls en mai, d'une baisse d'impôt apparaissait comme un moyen, pour le gouvernement, d'apaiser le "ras-le-bol" lié à la pression fiscale. Mais pas sûr que cette mesure soit efficace. Les Français sortis de l'impôt sur le revenu cette année sont les plus modestes, ceux qui gagnent à peine plus du smic. Or, le "ras-le-bol fiscal dépasse largement les milieux les plus modestes", explique à francetv info Amandine Lama, directrice d'études pour l'institut de sondage Ipsos.

C'est plutôt dans la classe moyenne qu'il semble le plus virulent. En juin, selon un sondage de l'institut BVA pour le Parisien / Aujourd'hui en France, les deux tiers des Français jugeaient les baisses d'impôts annoncées "insuffisantes", mais le chiffre grimpait à 72% pour les sondés gagnant entre 2 500 et 3 500 euros par mois. Un sentiment d'acharnement partagé par près de trois-quarts des Français, tous milieux confondus, qui estimaient en octobre 2013 que les classes moyennes étaient les plus mises à contribution par l'impôt. Et, selon Amandine Lama, il y a peu de chance que ces nouvelles annonces aient un effet sur l'opinion : elles peuvent "peut-être donner [au gouvernement] une marge auprès des Français les plus modestes", mais guère plus.

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