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Plan de lutte contre la fraude fiscale : "Il faut être prudent vis-à-vis des annonces", tempère Attac France

"Le sentiment d'injustice fiscale participe à la dégradation du consentement à l'impôt", prévient mardi sur franceinfo Vincent Drezet, porte-parole d’Attac France, en réaction au plan de lutte contre la fraude fiscale du gouvernement.
Article rédigé par franceinfo
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Déclaration d'impôts, en avril 2023 (image d'illustration). (MAGALI COHEN / HANS LUCAS)

"Le problème, c'est que le plan ne vise pas à renforcer les moyens humains, ni matériels ou juridiques, c'est pour cela qu'il faut être prudent vis-à-vis des annonces", tempère Vincent Drezet, porte-parole d’Attac France, ancien secrétaire général de Solidaires Finances publiques. Il était invité mardi 9 mai sur franceinfo pour réagir au plan de lutte contre la fraude fiscale présenté ce jour par Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics. Vincent Drezet reste prudent et explique qu'il faudrait davantage de personnels pour lutter contre l'évasion fiscale. Il ajoute que la fraude sophistiquée augmente et prévient : "Le sentiment d'injustice fiscale participe à la dégradation du consentement à l'impôt".

>> Plan de lutte contre la fraude fiscale : Gabriel Attal souhaite "s'attaquer à la zone grise, l'optimisation fiscale"

franceinfo : Est-ce que 1 500 personnes de plus c'est suffisant selon vous ?

Vincent Drezet : Ce ne sont pas des créations d'emplois auxquels nous allons assister mais à un redéploiement. La direction générale des Finances publiques va perdre 3 000 emplois d'ici 2027. Des services de gestion, qui détectent aussi des anomalies et qui participent au contrôle, vont donc perdre des emplois au profit d'autres services. On peut s'interroger sur la portée réelle des mesures. Par exemple, le contrôle des 100 plus grandes capitalisations boursières annoncées tous les deux ans : c'est une gageure parce qu'avec les suppressions d'emplois qui vont se poursuivre, y compris dans le contrôle fiscal, aller vérifier l'ensemble d'une comptabilité d'un grand groupe, des filiales, sur l'ensemble des transactions avec une ou deux personnes - c'est le cas actuellement - ce n'est pas possible. Il faudrait 10 ou 15 personnes.

L'estimation de l'évasion fiscale est-elle sous-évaluée ?

Il y a deux méthodes pour évaluer la fraude fiscale : celles qui partent de données macro-économiques et celles qui partent des résultats du contrôle fiscal. On avait estimé la fraude autour de 80 à 100 milliards d'euros. Ce qui est assez frappant c'est que quand on compare cette estimation à d'autres travaux, on est toujours dans les mêmes ordres de grandeur. Il y a deux utilités à cela : mesurer ce que l'Etat perd tous les ans et regarder l'évolution de la fraude. Il y en a qui se sont taries : les salariés ne peuvent plus frauder puisque l'administration fiscale leur envoie leur déclaration pré-remplie. D'autres en revanche, ce qu'on appelle les produits hybrides ou bien toute la fraude sophistiquée, ont eu tendance à se développer. Donc, si cette mesure [gouvernementale] est composée de personnes qualifiées d'origines diverses, qu'elle a accès à l'ensemble des données utiles à ses travaux, du temps et une totale indépendance, alors ça pourrait être intéressant. 

"Le problème c'est que le plan ne vise pas à renforcer les moyens humains, ni matériels ou juridiques, c'est pour cela qu'il faut être prudent vis-à-vis des annonces."

Vincent Drezet, porte-parole d’Attac France

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Est-ce qu'on peut dire que la France est un des pays où le taux d'imposition est le plus élevé mais où le moyen d'échapper au paiement de ses impôts est le plus facile ?

On dit souvent que le taux de prélèvement obligatoire en France est un des plus élevés au monde. C'est vrai. Notamment parce qu'on a une Sécurité sociale développée et des services publics. Quand on regarde la structure du système fiscal, on a énormément de mesures dérogatoires. Les dépenses fiscales, qu'on appelle les niches fiscales, dont bénéficient les entreprises (crédit impôt recherche) mais aussi les particuliers, peuvent être optimisées et/ou fraudées. Ça démultiplie les possibilités de fraudes, ça enrichit l'industrie et la défiscalisation et ça augmente aussi le sentiment d'injustice fiscale qui participe à la dégradation du consentement à l'impôt. Or, dans une démocratie, le consentement à l'impôt, c'est un pilier.

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