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Mal-logement : trois questions sur le surpeuplement en France pointé du doigt par la Fondation Abbé Pierre

Le 23e rapport annuel de l'association sur l'état du mal-logement en France est publié, mardi 30 janvier, et alerte sur un phénomène en nette hausse en 2013 : les logements surpeuplés. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des tentes installées par l'association Droit au logement (DAL), où dormaient des personnes mal-logées, le 11 avril 2015 à Paris. (MAXPPP)

Quatre millions de personnes mal-logées, 12 millions de personnes "fragilisées" par leurs conditions de logement : le constat de la Fondation Abbé Pierre dans son 23e rapport annuel sur l'état du mal-logement en France est sans appel. Et "la plupart de ces chiffres montrent une dégradation de la situation", s'inquiète la fondation dans cette nouvelle étude, publiée mardi 30 janvier.

Cette année, la fondation alerte sur un phénomène "de retour, après des décennies de baisse" : le surpeuplement dans les logements français ; soit le manque d'une à deux pièces pour vivre décemment. De 2006 à 2013, le nombre de personnes vivant dans un logement au "surpeuplement accentué" (près d'un million de personnes) a augmenté de 17%. Franceinfo fait le point sur ce phénomène mis en lumière par la Fondation Abbé Pierre

Combien de personnes sont touchées ?

En 2013, environ 8,6 millions de personnes étaient "touchées par le surpeuplement" en France, selon la Fondation Abbé Pierre. Cela représente légèrement plus de 13% de la population. La plupart de ces ménages touchés par le surpeuplement sont locataires dont environ un tiers dans le parc privé et et un autre tiers dans un logement social.

Le parc social est d'ailleurs "le secteur qui a connu la hausse la plus importante de ménages en surpeuplement" ces dernières années, note la Fondation Abbé Pierre. Entre 2006 et 2013, la part de ménages vivant dans un logement surpeuplé au sein du parc social est ainsi passée de 15,1% à 16,8%

Les personnes vivant des situations de logement "précaires" – telles qu'en meublé, en hôtel ou en sous-location – sont également très touchées par le problème. En 2013, 52% d'entre elles étaient concernées par des problèmes de surpeuplement. 

Plus vous êtes dans une situation financière et sociale difficile, plus le surpeuplement de votre logement sera élevé. La hausse du surpeuplement qui vient rompre des décennies d'évolution positive concerne surtout les ménages modestes et pauvres.

Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre

à franceinfo

Pourquoi le phénomène est de retour ? 

"Le mouvement de desserrement des ménages, depuis plusieurs décennies voire plusieurs siècles était continu", assure la fondation. "Nous allions vers une disparition du problème", abonde Christophe Robert.

Ce retour inédit du surpeuplement entre 2006 et 2013 est "largement lié à la précarisation des couches populaires depuis la crise économique de 2008, couplé à un accès toujours plus difficile au marché du logement dans les zones tendues". L'organisation alerte sur la "pénurie de logements accessibles, face à laquelle les ménages se serrent, mais aussi se saignent pour ne pas tomber en impayés". Si les logements sont aujourd'hui de meilleure qualité, leur coût augmente, fragilisant particulièrement les "ménages à bas revenus, surtout dans les grandes agglomérations".

Cela est dû à la flambée des prix de l'immobilier, des loyers et des charges dans le courant des années 2000. Il y a aussi l'augmentation du chômage, environ un million de pauvres en plus sur cette période. Le surpeuplement, c'est un amortisseur de crise, mais avec des dégâts sociaux très importants.

Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre

à franceinfo

Souffrant d'une "précarité accrue" et de "discriminations dans l'accès au logement", les ménages immigrés sont plus touchés. Près d'un sur trois (29%) vivent dans un logement surpeuplé. L'évolution des structures familiales favorise également ce phénomène. "Les familles monoparentales sont les plus touchées, avec 18% de surpeuplement, devant les familles recomposées et les familles dites traditionnelles", relève la Fondation Abbé Pierre. Les jeunes de moins de 30 ans sont particulièrement concernés.

Quelles conséquences pour les ménages touchés ?

Dans son rapport, la Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d'alarme les conséquences en matière de santé. Les personnes vivant dans un logement surpeuplé sont davantage exposés aux problèmes respiratoires – tels que l'asthme ou des allergies –, au saturnisme, voire à la tuberculose. Les troubles du sommeil, ainsi que l'insécurité alimentaire, sont également bien plus fréquents. Sans compter, pour les plus petits, des problèmes de psychomotricité. 

Vous avez des situations où le petit ne peut pas sortir de son lit, car il n'y a pas assez d'espace ou que ce serait trop dangereux. Cela empêche son développement.

Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre

à franceinfo

La vie personnelle, familiale et sociale peuvent, elles aussi, être particulièrement perturbées du fait du surpeuplement. Comme le développe France Culture, les conséquences du surpeuplement sont importantes sur le développement et l'éducation des enfants concernés. Selon une étude de l'OFCE, citée par la Fondation Abbé Pierre, les élèves vivant dans un logement surpeuplé ont 40% de risques supplémentaires de connaître un redoublement entre 11 et 15 ans. 

A cela s'ajoute, selon la fondation, des projets familiaux souvent repoussés du fait d'un manque d'espace, et des risques de tensions, voire de violences intrafamiliales qui augmentent. "On a un toit, mais la vie est infernale", témoigne une personne dans le rapport, qui vit dans un studio de 13m2 avec son mari et leurs trois enfants auprès de la Fondation Abbé Pierre.

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