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"Les agressions ont été banalisées, c'est notre lot quotidien" : la lassitude des soignants aux urgences de Strasbourg

Un rassemblement est organisé vendredi devant l’hôpital Hautepierre, dans la capitale alsacienne.

Article rédigé par franceinfo - Justine Leclercq, édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une infrmière s'occupe d'une patiente au service d'urgence de l'hôpital de Hautepierre, à Strasbourg (illustration). (OLIVIER MORIN / AFP)

"On a essuyé des coups, des insultes. Mais ce qu'on ressent surtout, c'est de la frustration, de ne pas avoir pu gérer mieux et de ne pas être plus soutenus", lâche cette infirmière aux urgences de Strasbourg. Anne porte encore une attelle au poignet, stigmate de l'agression qu'elle et une dizaine d’autres collègues soignants ont subie, il y a deux semaines.

Alors que la ministre de la Santé doit annoncer lundi des mesures pour les services des urgences des hôpitaux, un rassemblement est organisé vendredi 6 septembre devant l’hôpital Hautepierre de Strasbourg, à l’appel de Force ouvrière. L'objectif est de dénoncer la hausse des incivilités et des agressions aux urgences.

Les gens qui ne viennent pas travailler ne sont pas remplacés. C'est une famille les urgences, du coup, on se soutient.

Anne, infirmière

à franceinfo

La dernière agression a eu lieu fin août, donc. "J'ai une entorse au poignet, qui aurait nécessité trois semaines d'arrêt, mais je n'en ai pris qu'une", raconte Anne. "Le problème, c'est que toutes ces insultes et agressions ont été clairement banalisées. C'est notre lot quotidien."

Des professionnels lassés

Manon, elle, a également subi une agression aux urgences de Strasbourg, c'était début juillet. Depuis, la jeune infirmière a changé de service : "Après la dernière agression que j'ai vécue il y a un mois, j'ai dit 'stop, c'est fini'. Cela faisait un an que je voulais partir, mais là ça m'a vraiment convaincue de partir définitivement et ne plus revenir."

Au départ, quand on est devenu soignant, on n'est pas devenu flic. On est devenu soignant pour aider. C'est quelque chose d'assez violent de devoir utiliser de la force contre quelqu'un.

Manon, infirmière

à franceinfo

Manon se remémore l'agression : "C'était une jeune, agressive, dans un contexte d'alcoolisation, qui devait avoir 21 ans, 50 kilos. Elle a quand même mis une collègue au tapis en lui mettant un coup de pied au visage. Moi, elle m'a agrippée au niveau de la main, j'ai une eu bonne douleur pendant quelques semaines."

"Pas de solution à proposer"

En sept ans de travail aux urgences, Manon a été agressée cinq fois, sans compter les insultes, quasi quotidiennes. Pourtant, la jeune infirmière élue Force ouvrière arrive à analyser l'agressivité des patients : "On n'a plus le temps de discuter avec eux, on n'a plus le temps de faire le point avec eux, de leur expliquer les situations. Ce qui engendre souvent un peu de violence, d'agressivité. Seulement on n'a pas de solution à proposer."

Moi, si c'était ma grand-mère qui attendait pendant 20 heures sur un brancard, je deviendrais aussi un peu frustrée et je commencerais à devenir un peu agressive.

Manon, infirmière

à franceinfo

Après les deux agressions de cet été aux urgences, la direction des hôpitaux universitaires de Strasbourg a accepté de déployer des vigiles 24h sur 24. Mesure souhaitée notamment par Florian Brunet, infirmier représentant du Collectif Inter-Urgence : "Forcément, quelqu'un qui s'énerve, s'il voit un policier ou un vigile, va être moins amené à imploser, à faire acte de violence, verbale ou physique, mais le fond du problème ce n'est pas de mettre des policiers dans tous les services d'urgences de France."

Pour le Collectif Inter Urgence et Force ouvrière, il faut surtout plus de moyens humains pour un meilleur accueil des patients aux urgences.

Le reportage franceinfo de Justine Leclercq aux urgences de Strasbourg

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