Reportage Ruptures, retards et délais de paiement... "On n'a jamais connu ça", alertent des salariés du BHV, inquiets pour la survie de l'emblématique grand magasin parisien
Trouve-t-on encore tout au BHV, comme le dit le slogan ? Il semble qu'il y a quelque chose qui cloche au sein de l'un des grands magasins emblématiques de France. Les salariés du mythique Bazar de l'Hôtel de ville de Paris sont inquiets pour la survie du magasin.
Moins d'un an après le rachat, en novembre 2023 aux Galeries Lafayette du magasin par la SGM (Société des grands magasins), une petite foncière lyonnaise spécialisée dans la réhabilitation de centres commerciaux. Une réunion du CSEC, le Comité social et économique central, est prévue vendredi 13 septembre.
L'intersyndicale a lancé un droit d'alerte pour demander des comptes à la direction sur la santé financière du magasin. Selon des révélations de Médiapart confirmées à franceinfo, certains fournisseurs ne sont plus payés depuis plusieurs mois et des marques menacent de se retirer. C'est une situation totalement inédite.
Étagères vides et espaces fermés
Dans les rayons du grand magasin, il y a des étagères vides à chaque étage. Des espaces entiers sont fermés par des paravents noirs. Ludivine est vendeuse pour une marque de cuisine, elle a des problèmes de livraison depuis le printemps dernier. "Mon patron a stoppé les livraisons suite à des impayés, c'est pour ça qu'on a des ruptures dans certaines marques. Donc on attend, on ne sait pas, explique-t-elle. On est dans l'attente. Voilà dix ans que je suis ici, on n'a jamais connu ça."
De nombreuses boutiques achètent leurs propres marchandises aux fournisseurs. Mais quand les clients passent à la caisse, c'est le BHV qui empoche, puis il rembourse les enseignes. La somme est déduite du montant du loyer de leur emplacement.
"On ment tout le temps et on dit qu'il y a des retards."
une vendeuse du BHVà franceinfo
Sauf que depuis l'arrivée du nouveau propriétaire, les retards de paiement s'accumulent. Cette responsable d'un stand de meubles a déjà perdu une quinzaine de clients, elle doit rembourser 130 000 euros. "Il y a des gens qui deviennent fous, dit-elle, parce qu'ils ont mis beaucoup d'argent et puis ils ne savent pas où est leur marchandise. On ment, on dit que c'est à la douane. Moi, là, j'ai une réunion dans deux semaines, on va peut-être avoir un licenciement économique."
Le repreneur du BHV reconnaît des délais de paiements plus longs
Les syndicats craignent de gros problèmes de trésorerie au sein de la Société des grands magasins, le nouveau propriétaire du BHV. Un argument balayé par le président de la SGM, Frédéric Merlin : "Je reconnais volontiers qu'il y a des délais de paiement qui sont supérieurs à ceux qui étaient pratiqués par les Galeries Lafayette, l'enseigne à laquelle appartenait le BHV. Nous travaillons encore avec les outils des Galeries Lafayette et donc nous avons un système de double contrôle de ces facturations. Et forcément, on a des délais paiements qui sont supérieurs. Il y a 1 000 fournisseur au BHV. S'il y a une dizaine de fournisseurs qui sont concernés justement par ces problématiques, c'est le grand maximum."
"Le BHV a été capitalisé à hauteur de 38 millions d'euros. Ils perdent 15 millions d'euros par an. Ça veut dire que nous pourrions assumer deux ans et demi de perte au BHV. "
Frédéric Merlin, président de la SGMà franceinfo
Frédéric Merlin ajoute que le pari de l'équilibre financier sera tenu avant la fin de l'année. De leur côté, les syndicats attendent des explications pendant la réunion du Comité social et économique central de vendredi. S'ils ne sont pas convaincus, ils mandateront un expert pour éplucher en détail les comptes de l'entreprise.
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