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Capsules recyclables, neutralité carbone... Pourquoi Nespresso est accusé de pratique commerciale trompeuse

Deux associations estiment que certains "messages forts et très positifs pour la marque" constituent des "allégations excessives".

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Devant une boutique Nespresso, à Paris, le 20 novembre 2020. (ORYANE LANGENBRONN / HANS LUCAS / AFP)

S'agit-il de "greenwashing" ? Les associations CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) et CCFD-Terre solidaire ont lancé une action en justice contre la marque Nespresso, accusée de pratique commerciale trompeuse. Selon François Carlier, président du CLCV, la société a recours à des "allégations excessives" en affichant sa neutralité carbone ou en mettant en avant des capsules en aluminium "100% recyclable""Le consommateur ne dispose pas des clés de compréhension" pour aller au-delà de ces "messages forts et très positifs pour la marque", estime-t-il. Contactée par franceinfo, la direction de Nespresso ne souhaite pas commenter ces accusations, la procédure étant "en cours", mais assure "rester confiante".

Seule une capscule sur 5 est recyclée

Au sujet des capsules présentées comme étant "100% recyclables", ce ne sont pas des spots publicitaires qui sont épinglés par les associations CLCV et CCFD-Terre solidaire, mais des messages présents sur le site de la marque. Ces messages se trouvent également sur des "supports commerciaux", comme des totebags ou encore des cartons de livraisons, "qui sont, mine de rien, un support de communication très fort", d'après François Carlier.

Capture d'écran du site de Nespresso. (NESPRESSO.COM)

"Dans l'absolu, tout est recyclable", remarque Olivier Guichardaz, rédacteur en chef du site spécialisé Déchets-infos.com, interrogé par franceinfo. "Le mot 'recyclable' renvoie à la potentialité. Ce qui importe est ce qui est réellement fait. Alors parler des capsules en aluminium '100% recyclables', c'est se moquer du monde", juge celui qui a publié plusieurs enquêtes sur les capsules (article payant).

En réalité, les capsules de café usagées sont composées d'aluminium, de marc de café et de laque alimentaire (pour colorer la dosette). Et le devenir de ces différents éléments est variable. La "laque alimentaire" n'est jamais recyclée, relève Olivier Guichardaz. Le marc de café peut servir de combustible ou de compost. Quant à l'aluminium, une partie s'évapore lors du recyclage, un phénomène appelé la "perte au feu", explique le journaliste spécialisé.

"Finalement, même si toutes les capsules étaient collectées et triées, il n'y aurait pas d'aluminium 100% recyclé."

Olivier Guichardaz, rédacteur en chef de Déchets-infos.com

Par ailleurs, quelle est la part des capsules effectivement recyclées ? Difficile d'apporter une réponse. L'état exact de la collecte demeure flou, même si Nespresso martèle sur son site et sur les plateaux télé que des points de collecte de dosettes usagées se trouvent à proximité de 95% des consommateurs. Ensuite, seuls 10% des centres de tris sont équipés de machines "à courant de Foucault", qui permettent de trier l'aluminium, d'après France aluminium recyclage. Finalement, la marque faisait état, en 2018, d'une capsule sur cinq recyclée via un traitement spécifique aux Pays-Bas, rapportait Le Monde. Nespresso n'a pas souhaité communiquer à franceinfo de chiffres actualisés.

Des dosettes qui ne sont pas neutres en CO2

Les association CLCV et CCFD-Terre solidaire reprochent également à Nespresso de ne pas apporter de précisions au concept de neutralité carbone – qui consiste à ne pas émettre davantage de gaz à effet de serre que ce que la planète peut absorber – qu'il revendique. En réalité, cet objectif environnemental est atteint par la marque "grâce à la plantation de 500 000 arbres dans les fermes de café en Colombie, au Guatemala, en Ethiopie et en Ouganda", explique-t-elle sur son site. Une pratique très classique en la matière, lorsque des entreprises ou des organisations entendent compenser leur empreinte carbone.

D'après François Carlier, il faudrait mentionner ce mécanisme de façon plus visible pour que le consommateur n'imagine pas que les capsules de café sont sans coût pour l'environnement.

"La compensation carbone, on y croit ou non. Mais si une marque affirme que l'un de ses produits est neutre en carbone, il faut immédiatement dire que cela est rendu possible grâce à un système de compensation."

François Carlier, président de l'association CLCV

à franceinfo

"Il faut le dire dans le même canal de vente, au même moment, poursuit-il. Evidemment, cela apparaît sur le site internet. Mais la plupart des gens ne vont pas se rendre sur cette page du site."

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