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Réacteurs nucléaires à l'arrêt : l'approvisionnement en électricité de la France est-il menacé ?

Après la détection de possibles problèmes de corrosion dans trois réacteurs nucléaires supplémentaires  c'est désormais 20% du parc nucléaire qui est à l'arrêt. Les gestionnaires du réseau électrique restent toutefois optimistes face à un risque de "black out".

Article rédigé par Raphaël Ebenstein
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le logo d'EDF à l'entrée de la centrale nucléaire de Fessenheim, dans le Haut-Rhin, le 21 juin 2021. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Série noire pour EDF. Le groupe français annonce l'arrêt de trois réacteurs nucléaires supplémentaires, le temps d'effectuer des contrôles sur de possibles problèmes de corrosion sur un circuit de sécurité. 

Tout est parti de la détection, en décembre dernier, de fissures dans la tuyauterie du circuit d’injection de sécurité - qui sert à refroidir le cœur du réacteur en cas d'incident - à la centrale de Civaux, dans la Vienne.

"Evénement sérieux"

Ces dégâts sont provoqués par un phénomène de corrosion encore inexpliqué. De quoi susciter une certaine inquiétude aussi bien chez EDF qu'auprès de l'Autorité de la sûreté nucléaire. Son directeur a ainsi qualifié le problème "d'événement sérieux", d'autant qu'il touche des réacteurs de type ou de puissance différent. 

"C'est un évènement sérieux parce que les circuits qui sont touchés sont ceux qui servent à annuler les éventuelles conséquences d'un accident"

Nicolas Golberg

à franceinfo

"Ce n'est pas ce qui sert à faire fonctionner le réacteur, mais sert à le noyer si le réacteur fond. C'est un outil de sûreté essentiel, décrypte Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus ConsultingC'est vraiment sérieux car si on retrouve cela sur une grande partie du parc nucléaire, on pourrait l'arrêter. Il faudrait alors arbitrer entre la sûreté du nucléaire et la sécurité de l'approvisionnement."

EDF est ainsi obligée d'enchainer les mises à l'arrêt préventives, le temps de faire les vérifications nécessaires... sans savoir encore s'il ne faudra pas mettre à l'arrêt d'autres réacteurs, ces prochaines semaines ou ces prochains mois. Un nouveau coup dur pour la production électrique puisque cinq autres réacteurs sont déjà à l'arrêt en ce moment. 20% du parc nucléaire est donc à l'arrêt : onze réacteurs vont être fermés cette année, sur les 56 que comptent la France. 

Alors, faut-il s'inquiéter ? 

EDF doit abaisser ses prévisions de production d'électricité, alors qu'elle était déjà inférieure à une année normale. Pour autant, pas de scénario catastrophe d’un "black out" en cas de grosse vague de froid sur la France, rassure RTE. Il n’y pas d’aggravation du risque de coupures à court terme, sauf si la météo est particulièrement défavorable d'ici la fin du mois. Le gestionnaire du réseau d'électricité en France avait toutefois maintenu dans ses prévisions en début de semaine une "vigilance" jusqu'à la fin de l'hiver, en raison de l'arrêt, déjà inédit, de cinq réacteurs nucléaires en même temps. 

S’il est encore évidemment trop tôt pour mesurer l'impact des prochaines fermetures de ces trois nouveaux réacteurs situés à Chinon, Catennom et Bugey – dont les fermetures vont s'échelonner entre le 19 février et le 9 avril - la production d'électricité va mécaniquement baisser. EDF anticipe désormais une capacité comprise entre 295 et 315 térawattheures... au lieu de 300 à 330 jusque-là. Tout en sachant qu'on se situe entre 330 et 360 une année habituelle.

Craintes pour l'hiver prochain

Jamais la production nucléaire n'aura été aussi faible ces dernières années. Il faut ainsi remonter à 1991 pour trouver un niveau de production équivalent… et avec six centrales nucléaires en moins par rapport à 2022.

Conséquence, déjà observée par RTE : un record d'importation d'électricité, venue des pays voisins, enregistré au cours de l'hiver. Le gouvernement a par ailleurs accordé une autorisation début février aux dernières centrales à charbon françaises pour produire davantage... et donc d'émettre exceptionnellement plus de CO2 que les normes en vigueur, pour les mois de janvier et février. A plus long terme, l'inquiétude peut désormais porter sur l'hiver prochain, en fonction bien sûr des résultats des contrôles menés par EDF sur ces réacteurs... et de leur durée d'indisponibilité encore difficile à évaluer.

Enfin, politiquement, cela tombe d'autant plus mal en terme de calendrier : Emmanuel Macron doit annoncer jeudi 10 février à Belfort un plan de construction de plusieurs réacteurs nucléaires.

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