En Europe, l'économie sociale représente 10% de l'ensemble des entreprises et 10 millions de salariés
L'économie sociale tient depuis longtemps une place importante dans la société mais la crise financière et économique, qui impose de repenser les dispositifs de lutte contre l'exclusion et la solidarité Nord-Sud, pourrait encore la renforcer.
Le succès du secteur ne se mesure pas seulement à ses performances économiques mais à son apport en termes de solidarité, de cohésion sociale et d'ancrage dans les territoires.
Explications, exemples et témoignages dans ce dossier spécial consacré à l'économie sociale.
Sommaire
L'économie sociale s'est affirmée dès la fin du XIXème sous la forme d'associations, de coopératives et de mutuelles
Les entreprises de l'économie sociale privilégie la non-lucrativité et la juste répartition des excédents
Depuis son ouverture en octobre 2006, le chiffre d'affaires de la boutique Puerto Cacao progresse constamment
L'épargne solidaire soutient les activités professionnelles et associatives à finalité sociale et environnementale
Des structures de solidarité se développent un peu partout dans les universités françaises
Les banques coopératives fondées sur des valeurs sociales se sont laissées griser par les marchés financiers
Les plus grandes écoles de commerce ouvrent leurs portes à l'économie sociale et à l'économie solidaire
L'investissement et l'économie solidaire intéressent de plus en plus les particuliers et les entreprises
Les mutuelles se séparent en deux grandes branches: les mutuelles de santé et les mutuelles d'assurances
L'économie sociale s'est affirmée dès la fin du XIXème sous la forme d'associations, de coopératives et de mutuelles
En France, l"économie sociale pèse 106 milliards d'euros soit 11% du PIB et emploie 2 millions de salariés (7 % de la population active).
Au-delà de l'Hexagone, l"économie sociale est présente partout dans le monde, sous des formes diverses spécialement sous la forme de coopératives : on en compte environ 750.000.
En France
Les coopératives
21.000 entreprises coopératives.
Poids économique : 106 milliards d'euros
700.000 salariés et près de 20 millions de sociétaires
Les mutuelles d"assurance
41 mutuelles
33.000 salariés
17,4 millions de sociétaires en auto et multirisque habitation
21,4 millions de sociétaires au total dont 3,4 millions de bénéficiaires d"âge scolaire
11 milliards d"euros de cotisations, en croissance de 2,90 %
Les mutuelles de santé
2.000 mutuelles ou unions de mutuelles de santé
2.000 services de soins et d"accompagnement mutualistes
Un poids économique de 18,8 milliards d"euros (cotisations)
55.000 salariés et 110.000 bénévoles
38 millions de personnes protégées
Le secteur associatif
1,1 million d"associations (dont près de 100.000 dans le secteur sanitaire et social)
Un poids économique de 50 milliards d"euros
Plus d"un million d"emplois stables
Plus de 25 millions de membres
Les fondations
Près de 2.000 fondations
Plus de 31.500 salariés dans près de 550 entreprises d"insertion
Un milliard d"euros d"épargne solidaire
En Europe
150 millions de membres
10 millions de salariés
200.000 entreprises coopératives
Entre 2 et 3 millions d"associations
168 millions de personnes protégées par les mutuelles de santé
Dans le monde
Le secteur coopératif est très développé en Asie, en Amérique du nord, en Europe, En Afrique et en Amérique Latine.
L"Alliance Coopérative International (ACI) compte 230 organisations membres dans plus de 100 pays et représente plus de 800 millions de personnes
L"Association International de La Mutualité (AIM) regroupe 4 fédérations nationales représentant 32 pays
Les grandes dates
1850 : Loi sur les sociétés de secours mutuels
1901 : Loi de liberté d"association pour tous
1945 : Ordonnance portant statut de la mutualité
1947 : Loi sur la coopération
1981 : Premier décret reconnaissant l"économie sociale
2003 : Premières élections Prud"homales avec représentation des Syndicats d"Employeurs dans l"économie sociale.
2006 : Création du Conseil supérieur de l"économie sociale
Les entreprises de l'économie sociale privilégient la non-lucrativité et la juste répartition des excédents
Sous des formes et des statuts juridiques divers, l'économie sociale concilie intérêt général, performance économique et fonctionnement démocratique.
Elle se développe dans tous les secteurs de l'économie notamment la banque, la santé, les services de proximité, la production agricole, l"éducation, la formation, l"artisanat etc.
L"économie sociale : c"est quoi ?
Des organisations de personnes qui privilégient l"«homme » sur le « capital ». Ni entreprises capitalistes centrées sur les bénéfices, ni service public, l"économie sociale a sa propre éthique qui se développe autour des principes suivants :
- but non lucratif
- redistribution équitable des bénéfices au service des investissements et des ressources humaines
- primauté à la collectivité : intérêt général, utilité sociale
- défense et mise en œuvre des principes de solidarité et de responsabilité
- processus de décision démocratique : « une personne, une voix » et non « une action une voix » comme dans le capitalisme
- autonomie de gestion et indépendance par rapport aux pouvoirs publics
- ancrage territorial et/ou sectoriel
- adhésion libre et volontaire
Le succès des entreprises de l"économie sociale ne se mesure pas seulement à leurs performances économiques, condition toutefois indispensable pour réaliser leurs objectifs mutualistes et solidaires, mais surtout par leur apport en termes de solidarité et de cohésion sociale.
C"est qui ?
L'économie sociale correspond à des types d"organisation avec des statuts juridiques précis. Elle regroupe des associations, des mutuelles, des coopératives et des fondations.
Les associations sont incontournables de par leur nombre et leur rôle. On les retrouve dans de nombreuses activités sportives, culturelles, d"insertion, etc.
Les mutuelles sont très présentes dans l"assurance des biens et des personnes (auto, habitation…) et dans le secteur de la santé : gestionnaires des régimes de la sécurité sociale, acteurs des complémentaires santés. Les coopératives ont investi le secteur de la banque et de l"artisanat. Quant aux fondations, elles soutiennent des actions d"utilité sociale de type recherche scientifique, éducation, culture…
Et demain ?
Les chantiers ne manquent pas. Les défis sociaux, économiques et environnementaux sont immenses : lutter contre l'exclusion, développer la solidarité intergénérationnelle et la solidarité Nord-Sud, renforcer les services publics, protéger l"environnement, lutter contre la pollution, etc. Les entreprises de l"économie sociale ont intégré ces enjeux et investissent de plus en plus dans les activités liées au commerce équitable et aux services à la personne.
En innovant, en mixant ressources publiques et privées, beaucoup ont déjà démontré que rentabilité économique pouvait rimer avec solidarité sociale.
Les plus ardents défenseurs de l"économie sociale mettent en avant son rôle « d"intégrateur » dans la société. Tout en évoluant dans un mode dominé par les marchés financiers, l"économie sociale parvient à modifier en profondeur les rapports sociaux et à renforcer la cohésion sociale.
Représentant près de 11% du PIB en France, l"économie sociale est par ailleurs le creuset de nouveaux emplois.
A contrario, d'autres critiquent le modèle. Selon l"économiste Milton Friedman, vouloir faire d"une entreprise autre chose qu"une organisation dont le but est le profit, c"est obtenir l"effet exactement inverse : la pauvreté généralisée. « La seule responsabilité sociale de l"entreprise, c"est de faire du profit ». Ignorer ces règles élémentaires reviendrait à décourager et appauvrir tous les individus, surtout les plus pauvres.
Autre reproche, ceux formulés par Pascal Salin. Pour cet économisme d"inspiration libéral, l"économie sociale empêche un exercice clair des responsabilités individuelles et entraîne une déresponsabilisation nuisible à tous. Seul système efficace et surtout juste à ses yeux, celui fondé sur des droits de propriété.
Les entreprises sont des formes d'intégration par excellence explique-t-il. Elles agissent côte à côte avec les associations qui, elles, n'ont pas d'objectif pécuniaire. Mais, les interventions diverses de l'Etat déséquilibrent ce système. « … l'interventionnisme étatique a suscité la création de pseudo-associations. [… ] Ainsi les excès de la fiscalité qui pèse sur le capital et sur les bénéfices ont souvent conduit à faire exercer par des associations des activités qui devraient normalement être assurées par des entreprises.
L'épargne solidaire soutient les activités professionnelles et associatives à finalité sociale et environnementale
Depuis près de 20 ans, la NEF (Nouvelle économie fraternelle) est la seule société financière engagée dans la gestion responsable et transparente de l"épargne en France.
A la différence des banques classiques, sa finalité n"est pas le rendement mais la plus-value écologique, sociale ou culturelle.
L'épargne solidaire pourrait bien bénéficier de la crise financière et de la méfiance envers les produits financiers classiques. C'est en tous les cas le souhait formulé par nombre d"acteurs de l"épargne sociale et solidaire, notamment la NEF. Créée il y a une trentaine d"années, cette structure occupe une place tout à fait singulière. Soumise au statut de société financière et non de banque, la Nef est pourtant agréée et contrôlée pas la Banque de France et offre aux épargnants la même sécurité que tous les autres organismes financiers français. Elle est soumise aux mêmes règles de prudence et aux contrôles de la commission bancaire. Tous les dépôts sont garantis.
« Au départ, tout est parti d"une envie et d"une question : comment aider des agriculteurs à s"orienter vers l"agriculture biologique ? », explique Henri Giroux, correspondant Ile-de-France à la Nef. « Les fondateurs cherchaient un outil afin de pouvoir exercer leur propre responsabilité sur leur argent, d"où l"idée de l"association ».
Puis en 1988, conformément à la loi bancaire de 1984, la Nef opte pour le statut coopératif. Fidèle à sa philosophie d"origine, elle se place ainsi volontairement dans le courant des entreprises de l'économie sociale centrée sur la coopération et la solidarité entre les individus.
Il y a plusieurs façons de placer son argent à la Nef. Les deux principales sont : la participation au capital et le dépôt d"épargne sur des comptes à terme. Ces derniers sont rémunérés au taux moyen du marché et les intérêts versés bénéficient des mêmes avantages fiscaux que ceux des actions françaises. Mais il est aussi possible d"orienter ses intérêts vers une association partenaire et de soutenir des actions particulières en faveur de l‘homme et de l"environnement, en France ou dans les Pays du sud.
Reste que le moyen le plus efficace pour soutenir l"activité et le développement de la Nef, c"est la participation au capital, son montant conditionnant directement la capacité des prêts que peut faire la Nef. C'est également le moyen d"en devenir sociétaire.
Pour la gestion des comptes courants (compte-chèques, compte sur livret), la Nef s"appuie sur le réseau des agences du Crédit Coopératif dans le cadre d"une convention de partenariat.
Transparence, confiance et capital social
L"un des principes de base de la Nef est la transparence. « C"est le critère qui nous différencie le plus des autres. On travaille en permanence sur la circulation financière : où va l"argent ? Comment est-il utilisé ? A quoi sert-il ? Cela permet de restaurer un autre rapport à l"argent, de faire acte de pédagogie et d"éducation » détaille Henri Giroux.
Autre illustration de la transparence, l"orientation de son argent. Toute personne physique ou morale peut ouvrir un compte à la Nef et en tant qu"épargnant, choisir pour son apport l"un des trois grands domaines proposés par la Nef : écologie et environnement, développement social et solidaire, culture et société.
« Tous les projets financés sont mis en ligne et chaque sociétaire peut ainsi suivre son évolution. Cela illustre aussi notre philosophie » détaille Henri Giroux. Le forum du site Internet de la Nef offre en effet un espace d"échanges entre les sociétaires de la coopérative aux niveaux national et régional. Il permet à chaque épargnant de suivre chacun des projets soutenus par la Nef ( www.lanef.com.).
Autre élément de la transparence, l"Assemblée générale annuelle, temps fort de la vie coopérative. L"information, l"échange et les débats tiennent une place prépondérante. En vertu du statut coopératif, chaque sociétaire possède un droit de vote selon le principe une personne = une voix. Qu"il soit détenteur d"une seule part du capital ou de 1 000 parts, son vote a le même poids. Chaque épargnant peut ainsi participer à l"approbation des comptes, l"affectation du résultat ainsi qu"à toutes les décisions importantes concernant l"évolution de l"institution.
Deuxième principe clé de la Nef, la création de lien social. « Ce qui nous importe, c"est de faire vivre le réseau, aider à la rencontre et au dialogue entre les gens, qu"ils apprennent à se connaître » indique Henri Giroux qui poursuit, « nous sommes contre la concurrence acharnée et prônons bien au contraire des valeurs d"émulation et de solidarité entre tous les sociétaires. C"est la fraternité dans l"économie ».
Comme lui, ils sont une quarantaine de correspondants bénévoles qui participent à l"animation de toute la structure au niveau local comme national. « Le crédit accordé aux demandeurs est avant tout basé sur la confiance entre le ou les porteurs de projet et la personne chargée de représenter la Nef » explique Henri Giroux. « Les rencontres que nous organisons permettent d"apprécier les projets, leur viabilité et les motivations des entrepreneurs selon nos critères : impact sur l"environnement et la société, nature des relations aux autres et éthique du ou des entrepreneurs eux-mêmes. Quant à nos prêts, ils peuvent varier de 10.000 à 300.000 euros.
En décembre 2008, la Nef affichait un encours de capital de 16 millions d"euros pour un montant brut des prêts de l"ordre de 60 millions d"euros, le tout géré par une quarantaine de salariés sous la direction du Directoire. Le conseil de surveillance et le comité éthique complètent l"organisation.
De « Veja » au « Jardins de Lucie »
Parmi les centaines de projets soutenus par la Nef, les désormais célèbres basket Veja. La toile de ces baskets en coton biologique est produite par une coopérative de petits producteurs du Nordeste brésilien, région pauvre et semi-aride. La semelle est en caoutchouc naturel d'Amazonie, seule région où les hévéas poussent à l'état sauvage.
Autre exemple, ECHOPPE (Echange pour l'Organisation et la Promotion des Petits Entrepreneurs). Cette structure implantée à Montilliers (49) a pour objectif de développer l'autonomie économique et sociale des plus pauvres et de favoriser leur émancipation et leur épanouissement. Depuis 1990, Echoppe a développé deux programmes de lutte contre la pauvreté à Lomé (Togo) et à Cotonou (Bénin) à travers notamment un système de microcrédit orienté vers les femmes et le réseau Artisans du Soleil qui commercialise les produits des artisans selon les principes du commerce équitable. Un nouveau programme commence au Mali.
Tous les projets financés par la Nef ne sont pas couronnés de succès. « Il y a deux types d"échec » explique Henri Giroux « des projets financés par la Nef mais qui dévient de leur but initial au fil du temps et ceux qui n"apportent pas les plus-values voulues dans les domaines visés environnement, développement sociale, agriculture biologique etc. Mais nous sommes aussi présents dans ces moments là. Nous regardons comment relancer les choses et si le projet n"est pas viable, nous accompagnons alors les entrepreneurs jusqu"à la cessation de leurs activité. C"est la solidarité jusqu"au bout ».
Le grand projet européen
Première et unique structure financière de ce type en France, la Nef est en passe de renouveler cette prouesse au niveau européen. Membre de la Fédération Européenne des Banques Ethiques et Alternatives, la Nef est engagée dans la construction d"une banque éthique coopérative européenne, avec ses partenaires italien, Banca Etica, et espagnol Fiare.
Ce projet a pour vocation d"offrir en Italie et en Espagne, une alternative bancaire complète, reposant sur les principes d"éthique et de transparence qui régissent déjà la Nef. Selon Henri Giroux, cette future structure dénommée « Banque Ethica Europa » permettra de développer des échanges entre les filières. « Pourquoi ne pas imaginer une flotte marchande écologique pour le transport de produits biologiques ? » rêve déjà Henri Giroux. Autre exemple, la pénurie de fonciers agricoles en France qui pourrait être contournée en travaillant avec des partenaires agricoles au-delà des frontières.
Le lancement est prévu pour fin 2010, début 2011. « Notre projet de charte a déjà évolué depuis les premières discussions et nous devons encore travailler avec tous les sociétaires sur l"organisation finale de la structure » explique Henri Giroux.
Une certitude, le siège social sera en Italie, Banca Etica a obtenu l"agrément du statut de banque par la Banque Centrale Européenne. Exemple des initiatives qu"elle soutient déjà en Italie, la reconversion en agriculture biologique de terres confisquées à la Mafia. Tout un programme… et la preuve que « donner un sens à l"argent » n"est pas une vaine expression.
Des structures de solidarité se développent un peu partout dans les universités françaises
Chaque année en France, le nombre d'étudiants précaires augmente. Selon les derniers chiffres publiés par l'observatoire de la vie étudiante, ils seraient quelque 22 600 en situation de pauvreté grave et durable.
Pour les aider, plusieurs projets de coopératives et d'épiceries solidaires se développent dans les universités, un peu partout en France.Hausse des frais de scolarité, de logement, de nourriture…. les étudiants n"arrivent plus à faire face. "Le panier de l'étudiant coûte de plus en plus cher" explique Juliette Griffond du syndicat UNEF. "Les dépenses augmentent mais pas les revenus.
Les frais d'inscription progressent depuis quatre ans mais pas le niveau des bourses ou alors moins vite que celui de l'inflation". Autre souci, les frais de santé : « Beaucoup d"étudiants n'ont pas les moyens de prendre une complémentaire et n"ont donc pas accès à certains soins coûteux pourtant essentiels comme les soins dentaires » poursuit Juliette Griffond.
46% des étudiants déclarent pourtant exercer une activité rémunérée au moins occasionnellement, pendant l"année universitaire, qu"il s"agisse d"activités intégrées aux études (internes des hôpitaux, allocataires d"enseignement et de recherche), de "petits boulots" chez les particuliers (baby-sitting et cours particuliers) ou d"emplois de surveillants, d"employés, d"ouvriers...
Mais cela ne suffit pas. D'où l"émergence et la multiplication des réseaux de solidarité inter-étudiants sur les campus à l"instar des bourses aux livres, ou des coopératives étudiantes qui proposent sandwich et boisson à prix coutant. "Se nourrir au quotidien est devenu un réel problème. Les tickets restaurants augmentent tous les ans de 5 à 10 centimes. Or, l'Etat ne fait rien pour geler ces hausses ou augmenter les bourses " déplore Juliette Griffond.
Repas plus chers, peu variés, file d"attente de plus de 30 minutes, augmentation du nombre d"étudiants qui vivent seuls… la question de l"alimentation est également au centre des préoccupations de la FAGE. S'appuyant sur le constat de la dégradation des conditions de nutrition, établi par l"association nationale des étudiants en médecine de France, la FAGE se mobilise.
Début mars, elle a lancé, en collaboration avec la Fondation Carrefour, sa première épicerie solidaire sur le campus de Bobigny. "Nous avons alors travaillé pendant six mois avant d"ouvrir cette première épicerie pour un test. Nous la fermerons dans deux mois le temps de faire un bilan et la rouvrirons de façon pérenne dès la rentrée prochaine" détaille Maximilien Cartier, vice-président de la FAGE.
« Pour le moment nous proposons près de 1000 produits de première nécessité de différentes marques: pâtes, sucre, huile, boîtes de conserves… et notre objectif à terme est d"élargir cette liste à d'autre articles de la vie quotidienne : dentifrice, lessive" explique le jeune homme.
Les produits, donnés par la Fondation Carrefour, sont vendus dans l"épicerie solidaire à 20 % de leur valeur magasin. L"argent encaissé servira à élargir le panel à d'autres produits que ceux fournis par la Fondation Carrefour et à couvrir les frais de fonctionnement. "Nous emploierons des salariés pour gérer les stocks, tenir les comptes et surtout, assurer la pérennité de l"épicerie tout au long de l'année.
La FAGE n'entend pas en rester là. "Notre but est d'installer des épiceries dans toutes les universités de France, de mettre en place un véritable accompagnement à la nutrition des étudiants et surtout d"offrir un système d'offre plus large. L'accès à ces épiceries solidaires ne doit pas être discriminant. Elles seront donc ouvertes à tous les étudiants, quelque soit leur revenu", précise Maximilien Cartier.
L'association finalise la rédaction d'une charte type fixant les grands principes et les objectifs des épiceries solidaires. « Cette charte pourra ensuite être déclinée au niveau local et selon les partenaires » explique Maximilien Cartier.
Deux nouvelles épiceries doivent être mises en place d'ici la fin de l'année sur les campus de Strasbourg et Reims, en collaboration avec le Secours Populaire, et une dizaine d'autres seront lancées un peu partout en France à partir de 2010 indique le jeune homme.
Un précédent au Mans
Ce n"est pas la toute première initiative du genre. En 2005, une petite épicerie associative a été lancée à l"Université du Maine du Mans par des bénévoles, étudiants en management et gestion des organisations de l"économie sociale. « Notre but est de favoriser l"accès à des biens de première nécessité pour les étudiants en situation de précarité » explique Romain Martin, trésorier de l"association « aide alimentaire et convivialité » hébergée dans les locaux prêtés par l"université.
Chaque mardi en fin d'après-midi (hors vacances universitaires), des bénévoles de l'association et bénéficiaires de ce service se retrouvent dans l'épicerie. « Chaque bénéficiaire peut choisir ses produits - alimentation ou produits d'hygiène - selon un certain quota par personne, avant de passer en caisse pour la pesée et le règlement.
"On achète les produits à 0,18 euro le kilo à la Banque alimentaire du Mans et on les revend à 0,30 euro le kilo pour les produits de base, 0,40 pour les produits plus élaborés", indique Mathieu Denécheau, président de l'association.
Pour devenir bénéficiaire, les étudiants doivent obligatoirement passer par le service social de l'université qui permet d'accéder à l'épicerie en fonction de sa situation financière.
Pouvoir d'achat en berne ou efficacité de la communication autour du projet… toujours est-il que les demandes des étudiants ont sensiblement augmenté ces deux dernières années, notent bénévoles et assistantes sociales. "De cinq-six étudiants aidés en 2007-2008, on en est à une trentaine actuellement, pour la plupart étrangers », conclut Romain Martin.
Les banques coopératives fondées sur des valeurs sociales se sont laissées griser par les marchés financiers
En France, quatre banques coopératives, Banques Populaires, Caisses d'Epargne, Crédit Agricole et Crédit Mutuel détiennent ensemble une part majoritaire du marché de la banque de détail.
Bâties sur les règles de l'économie sociale, elles ont pourtant pris des risques insensés de pertes de plusieurs milliards d'euros.
L"économiste Michel Abhervé en est persuadé. A trop vouloir imiter les banques du secteur privé lucratif, les banques coopératives ont non seulement manqué à leur mission mais surtout entaché l'image de l'ensemble des acteurs de l'économie sociale.
Elles ont pris des risques inconsidérés qui les ont fragilisées : exposition aux titres toxiques issus des subprimes, à la faillite d'une autre banque (Lehmann Brothers), aux dérapages internes (pertes de trading), aux escroqueries (Madoff) sans oublier la chute des actions cotées en bourse...
Symbole, ô combien « douloureux » pour les quelques 1 million de Français qui y ont souscrit, l"opération « Natixis ». Né du rapprochement des banques d"investissements Ixis (issue la Caisse des Dépôts et de l"Ecureuil) et Natexis (dans le giron des Banques populaires), Natixis a été introduit en bourse en novembre 2006. Cinq milliards d"euros étaient recherchés, en plus du capital apporté par les fondateurs. Le prix maximum d"introduction envisagé était de 23,19 euros. Il s"est finalement fixé à 19,55 euros. Mi-janvier 2009, l"action Natixis s"est effondré à 1,28 euros, soit une perte de 90 % de sa valeur, la faute au retournement des marchés financiers et à des placements désastreux dans les fonds Madoff.
Plus grave, le plongeon de l"action « Natixis », a entraîné dans ses déboires des pertes vertigineuses pour les Caisses d"Epargne estimées à 1,3 milliard d"euros sur les 2 milliards de perte totale pour l"Ecureuil en 2008. Seul consolation, les banques coopératives ne sont pas susceptibles d"être victimes d"OPA amicales ou hostiles. Ouf…on respire !
Petit retour en arrière
Selon Michel Abhervé, les difficultés des banques coopératives sont liées, paradoxalement, à leur succès financiers passés construits au cours des dernières dizaines d"années et même depuis près de 200 ans pour les Caisses d"Epargne. Leur force, c"était la confiance des sociétaires, des classes populaires et moyennes, des salariés, des petits et moyens entrepreneurs, et leur principe de bonne gestion du père de famille : collecte de l"épargne de proximité, financements de prêts à la consommation et de crédits immobiliers soutien de l"investissement productif de proximité.
En conséquence, au fil du temps, elles ont fini par produire de très bons résultats financiers, parmi les meilleurs du marché. Et c"est là le nœud de l"affaire : que faire de cette importante manne financière ?
On connait la suite explique Michel Abhervé. Les banques coopératives se sont laissées griser par les mirages de la bourse, « ne se sont plus senties, ont voulu jouer dans la cour des grands. Elles ont fait preuve d"une ambition dont on constate aujourd"hui qu"elle était démesurée : devenir des groupes bancaires universels, comme la loi bancaire de 1985 le leur permettait, multi métiers (avec diversification dans l"assurance et les produits de placements), multi enseignes, devenir à la fois banques commerciales et banques d"affaires, de financement et d"investissement ».
Mais le tableau est incomplet. Il faut y ajouter les multiples processus à travers lesquel s"est opéré ce changement de cap. Et la liste est longue : création de filiales, changements de statut juridique, acquisitions de banques ou d"institutions du secteur privé, fusion de caisses locales et régionales, absorption…. avec cerise sur le gâteau, le développement d"un secteur « assurance » en concurrence directe avec celui des mutuelles, l"autre pilier de l"économie sociale. « La crise aurait du consolider ces banques. Or, c"est l"inverse qui s"est passé » s"indigne l"économiste.
A qui la faute ?
A ce stade du diagnostic, plusieurs questions se posent. Qui a pensé ces stratégies et pris de telles décisions ? Pourquoi les banques coopératives se sont-elles comportées de la sorte alors qu"elles n"ont pas d"obligation de rémunérer leur capital ? (elles n"ont pas d"actionnaires).
L"une des hypothèses développées par Michel Abhervé est que les dirigeants salariés ont pris le pouvoir au profit des dirigeants bénévoles élus, les sociétaires. Or, qui sont ces dirigeants salariés ? Des cadres au profil de plus en plus semblable à leurs homologues du privé. Leur recrutement l"atteste. Même trajectoires professionnelles, mêmes diplômes, même culture professionnelle.
« J"ai repris les communiqués et étudié les dernières nominations à Natixis. Certains viennent de la Société Générale, certains ont des profils tout à fait intéressants… Mais il n"y en a pas un qui a une seule expérience dans une structure de l"économie sociale… Ils donc ont mis en place un système dans lequel la question du mode de rémunération des dirigeants ne semble pas totalement étrangère à cette dérive », ce qui soulève un second problème pour l"économiste, celui de l"établissement des rémunérations des dirigeants des banques coopératives.
Les dirigeants, seuls responsables ?
Sûrement pas. Dans un système mutualiste, si les dirigeants ont pris leur pouvoir, c"est que les sociétaires les ont laissé faire, eux aussi séduits par les rendements annoncés analyse l"économiste. En toute logique de l"économie sociale et solidaire, ils auraient dû exiger que l"argent gagné soit consacré à l"augmentation de la valeur des parts du capital social et que quelques dividendes leur soient versés sous la forme par exemple de réduction des taux des emprunts. La faute à la complexité croissante des techniques bancaires comme s"en défendent certains, soulignant que bon nombre d"experts sont eux-mêmes dépassées ?
Un peu facile répond Michel Abhervé pour qui reprendre le pouvoir sans être ni un spécialiste ni un expert est possible. « On peut se réapproprier notre pouvoir, notre argent, en posant une question claire : à quoi utilisez-vous notre argent ? Il faut se faire entendre, ne pas ni se satisfaire, ni se contenter des règles de fonctionnement, désormais courantes mais pour le moins édifiantes des Assemblées Générales ».
Présentation très technique des résultats, énonciation très rapide des décisions qui ne peuvent être adoptées qu"unanimement tant elles incarnent le bon sens et l"intérêt de tous et de chacun… autant de mécanismes qui poussent à l"inertie.
Redonner du sens
Pour Michel Abhervé, « Il y a urgence à revitaliser l"économie sociale, à l"assumer, la renforcer et la valoriser dans sa diversité. L"économie sociale n"est pas un système honteux et marginal ».
Autre devoir, remettre l"argent à sa place. « L"argent est un moyen et non une fin. Faire de l"argent, toujours plus d"argent pour consommer toujours plus n"est pas le but de la vie. L"argent ne doit pas être le fruit de la spéculation mais celui d"un travail productif, un travail salarié ou entrepreneurial.
En résumé, en revenir aux principes fondamentaux de l"économie sociale : privilégier une épargne de précaution à faible rendement mais garanti, investir dans des emplois durables et non dé localisables, l"innovation et la recherche.
« Il faut repenser l"argent comme outil et non comme valeur, casser la mentalité du gain facile, appâtée par les rendements mirobolants des produits financiers qui illustrent les excès de cette dérive ». Il conclut en s"amusant des récentes déclarations du publicitaire Jacques Séguéla pour qui : « Si à 50 ans, on n"a pas une Rolex, c"est qu"on a raté sa vie ». (Dans « Les 4 vérités » sur France 2, le 13 février 2009).
Les plus grandes écoles de commerce ouvrent leurs portes à l'économie sociale et à l'économie solidaire
La chaire Management Associatif et Economie Solidaire a été créée en mars 2008, au sein du Groupe Reims Management School. Son but: suciter des vocations et garantir la réussite des étudiants qui veulent travailler dans l"associatif.
HEC, l'ESSEC et l'ESSCA d'Angers proposent également des formations dans le secteur de l'économie sociale.
En France, le secteur associatif est très dynamique. Le secteur de l"économie solidaire l'est aussi. Des initiatives liées à l'insertion par l"activité économique, l"épargne solidaire ou le commerce équitable se concrétisent partout d'où le lancement de la Chaire Management Associatif et Economie Solidaire sous l"impulsion de ses membres fondateurs : le Crédit Agricole du Nord Est, Price Waterhouse Coopers, RMS-Network, l'association avec l'association des anciens diplômés de l'école.
Laure Haddad, titulaire de la Chaire, et professeur de marketing depuis une dizaine d'années à l'école de commerce de Reims, veut développer tout un cursus. Des discussions sont en cours avec l'Université de Reims qui propose déjà une licence et un master en économie sociale.
Comment est née l'idée de la Chaire ?
Laure.Haddad : Les trois partenaires financiers à l'origine de la Chaire sont partis d'un constat: l'explosion de l'économie solidaire d'un côté et l'absence de formation adaptée de l'autre. Ils ont eu envie de montrer aux étudiants qu'il existait une autre économie que "l'économie classique" et de leur faire découvrir d'autres matières que celles enseignées traditionnellement comme l'audit, le marketing, etc... Ils ont d'abord créé une fondation puis lancé cette première chaire.
Pourquoi une chaire ?
C'est une formule qui plait beaucoup aux entreprises. Elle leur permet de monter des partenariats avec les écoles de commerce et leur offre aussi un bon retour sur image lors des conférences colloques auxquelles leur nom est associé. Elles sont aussi directement concernées en termes de créations de nouveaux emplois: chargé de crédit et de microcrédit, postes dans le secteur du financement de l'économie sociale et du développement durable, etc... et ont besoin de personnel qualifié.
Comment avez-vous travaillé depuis son lancement ?
Nous avons multiplié les démarches pour nous faire connaître et être reconnu comme acteur du secteur dans la région. En parallèle, nous avons créé un supplément au diplôme de l'école: une sorte de cursus à la carte. Concrètement, les étudiants choisissent des matières dans une liste pré-existante, en plus de leur cursus de base. Ils doivent aussi faire un stage et rédiger un mémoire dans le secteur de l'économie sociale et solidaire. Et puis, nous avons recruté nos dix premiers étudiants.
Quels sont les profils de cette première promotion ?
Essentiellement féminin. Il n'y a qu'un seul garçon. Au-delà de cette particularité, tous sont sensibilisés à la thématique et déjà investis dans des associations. Leur recrutement s'est fait sur dossier et entretien à l'issue de la première année d'étude.
Quels sont vos objectifs ?
En juin, nous lançons un nouveau cours de 45 heures qui sera ouvert à tous les étudiants de l'école: "management associatif et économie solidaire". Pour l'animer, nous allons faire appel à des professionnels du secteur comme la Crpox Rouge et l'Institut français des administrateurs. Nous organisons aussi un colloque sur le "mécénat de compétences" en novembre prochain et travaillons sur la reconversion des salariés afin de faciliter les échanges entre le monde associatif, le monde de l"entreprise et l"économie solidaire. Nos objectifs d'ici deux ans sont d'avoir une trentaine d'étudiants et de proposer des programmes de formation continue à des salariés et à moyen terme, de développer une recherche de qualité.
L'investissement et l'économie solidaire intéressent de plus en plus les particuliers et les entreprises
Beaucoup dissertent sur l"explosion du système financier: appât du gain, défaillance des agences de notation, paradis fiscaux...
Partout, des voix dénoncent ces dérives notamment Nicolas Sarkozy qui entend bien «moraliser le système». Le peut-il ? Le veut-il vraiment ? D"aucuns y croient. D"autres en doutent et s'orientent vers la finance solidaire.
Née au milieu des années 80 d'un désir de plus de solidarité et d"éthique, l'économie solidaire repose, comme l'économie sociale, sur la volonté de placer l'homme au cœur de la société mais elle met davantage l'accent sur la réduction des inégalités sociales. Par ailleurs, elle se définit plus par la nature des projets que par des statuts.
Elle désigne :
- les placements d'épargne dont tout ou partie des actifs est investi dans une entreprise solidaire par sa nature juridique, son activité ou la situation sociale des personnes employées
- les placements d'épargne dont tout ou partie des revenus est donné à une œuvre d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, culturel ou environnemental (placements de partage).
Conjuguant cohésion sociale, respect de l"environnement et pérennité financière, l"épargne solidaire renforce les valeurs de fraternité et de responsabilité, ciments de la société.
Quatre domaines essentiels sont concernés: l"emploi (insertion par l"activité économique, revitalisation des territoires en difficulté, égalité des chances), le social et le logement, l"environnement (filières biologiques, énergies renouvelables, protection de la nature) et la solidarité internationale (commerce équitable, micro crédits et le secteur humanitaire).
Les placements se diversifient
Progressivement, l"épargne solidaire se développe: 1,7 milliard d"euros en France en 2007, près de 25.000 emplois créés et 11 millions de microcrédits dans 96 pays du Sud et de l"Est.
Au-delà des chiffres, l"épargne solidaire représente un vaste ensemble de milliers d'initiatives locales portées par des citoyens qui veulent produire, consommer, employer, épargner et décider autrement.
Conséquence de cet essor, la gamme des placements d"épargne s"est élargie. L"épargne solidaire comprend désormais des actions et des parts sociales de financeurs solidaires, des comptes à terme, des Fonds Communs de Placement (FCP) ou des Sicav, des Fonds Communs de Placement d"Entreprise (FCPE), des livrets d"épargne et des contrats d"assurance vie.
Le vocabulaire s"enrichit
Finance éthique, micro finance, actionnaire solidaire… parallèlement à la diversification des produits financiers, les concepts se structurent, les notions se précisent.
La finance éthique, ou Investissement Socialement Responsable (I.S.R.) désigne l"intégration des critères extra-financiers, de nature sociale et environnementale en plus des critères d"investissements classiques, dans les décisions de placements et la gestion de portefeuilles. A distinguer de l‘épargne solidaire qui s"entend comme la possibilité offerte aux épargnants de soutenir des activités à forte utilité sociale là où des fonds éthiques permettent de promouvoir des bonnes pratiques en investissant dans de grandes entreprises généralement cotées en bourse qui affichent les meilleures pratiques en matière sociétale et environnementale.
Autre signe des temps, l"élargissement de tout le champ de la « microfinance ». Inventée au Bangladesh par Mohammed Yunus, la microfinance consistait à l'origine à promouvoir l'activité économique dans les pays du Sud en proposant des services financiers à très petite échelle, pour pallier les carences du système bancaire local. Il fait partie aujourd"hui du paysage des pays développés pour lutter contre la pauvreté en faisant reculer l'exclusion bancaire.
Si le microcrédit professionnel désigne le financement d"une activité économique dont les revenus permettent à terme de rembourser l"emprunt, le microcrédit social consiste à proposer un financement pour répondre à un besoin social. Il permet à des personnes n"ayant la plupart du temps aucune garantie, d"accéder à une somme qui, par effet de levier, contribuera à débloquer une situation sociale difficile et doit servir à financer des projets durables et nécessaires (passage du permis de conduire, achat d"un ordinateur...).
Quant à l'investissement solidaire, il est le fait, pour un financeur solidaire, d'investir dans des activités solidaires ou pour un établissement financier, d'investir dans le capital de financeurs solidaires.
La fiscalité s"adapte
Comme dans la finance classique, les particuliers ou les personnes morales bénéficient de mesures fiscales spécifiques en « épargnant solidaire ».
L"avantage « Madelin » donne droit à une réduction d'impôts équivalente à 25 % de l'investissement réalisé dans des actions non cotées de l"épargne solidaire, dans la limite annuelle de 20.000 € pour un célibataire et de 40.000 € pour un couple ; une condition : conserver les titres au moins 5 ans.
La loi Tepa permet à un contribuable soumis à l"impôt sur la fortune (I.S.F.) qui souscrit un placement solidaire sous la forme de parts de capital d'une P.M.E. non cotée (ou d'une coopérative) et sous réserve que les titres contractés soient bloqués au moins 5 ans, de déduire 75% du montant de sa souscription, dans une limite annuelle de 50.000 €. Le dispositif Tepa n'est pas cumulable avec le dispositif Madelin.
Les dons ouvrent aussi des dispositifs particuliers : les placements de partage ouvrent droit à une déduction de l'impôt sur le revenu à hauteur de 66% des revenus d'épargne solidaire donnés dans la limite de 20% du revenu imposable pour les particuliers, de 60% sur l'impôt sur les sociétés et 5% du chiffre d'affaires pour les entreprises. La déduction d'impôts est de 75% pour les dons aux associations offrant aide alimentaire, soins et hébergement aux démunis.
Les placements solidaires de partage ouvrent droit à un prélèvement libératoire à taux réduit de 5 % (au lieu de 18 %) hors CSG sur le montant des intérêts donnés à une ONG par les épargnants (amendement « Finansol »).
Enfin, l'épargne salariale investie dans les Fonds Communs de Placement d'Entreprise Solidaire est exonérée d'impôts sur le revenu tant pour les revenus que pour les plus-values éventuelles. Pour bénéficier de ce dispositif, l'épargne doit être bloquée au moins 5 ans pour un PEE et jusqu'à la retraite pour les PERCO.
La garantie d"un label
Décerné pour la première fois en 1997 et reposant sur des critères de solidarité et de transparence, le label Finansol permet de distinguer les placements solidaires. Attribué pour une période indéterminée, il fait l'objet d'un contrôle annuel par le comité indépendant du label.
Le label garantit aux épargnants qu'ils contribuent au financement d'activités génératrices d'utilité sociale et qu"ils bénéficieront d"une information fiable, régulière et claire sur les produits d'épargne de l'intermédiaire financier (clarté du bulletin de souscription, information régulière sur l"utilisation des produits d'épargne solidaire et les financements réalisés).
Pour le recevoir, l'épargne doit remplir au moins l'un des deux critères suivants :
- l'encours de l'épargne finance des projets solidaires (au moins 5 à 10 % sous réserve de contrainte légale)
- les revenus de l'épargne financent des projets solidaires : au moins 25 % du revenu ou de la performance de l'épargne est versé sous forme de don à des organismes solidaires (ONG...)
Les mutuelles se séparent en deux grandes branches: les mutuelles de santé et les mutuelles d'assurances
Malgré leur originalité, pas de capitaux autres que ceux apportés par les sociétaires, les mutuelles ont réussi à atteindre des tailles très importantes, investissent sur les marchés et sont aussi confrontées à la crise financière.
La Mutualité française rassemble 823 mutuelles de santé régies par le Code de la Mutualité et protège 38 millions de personnes.
Le Groupement des entreprises mutuelles d"assurances (Gema) regroupe lui 45 sociétés adhérentes régies par le Code des Assurances ; ce sont des sociétés d"assurance mutuelle ou sociétés anonymes filiales de mutuelles ou autres entreprises ayant un statut coopératif ou mutualiste. Le Gema rassemble plus de 21 millions d"assurés et 35 300 salariés en France.
Parmi ces mutuelles d"assurance figure la MAIF, 6e assureur automobile et 7e assureur toutes assurances dommages confondues, créée en 1934 par des instituteurs autour de trois principes :
- indépendance vis-à-vis des grands groupes financiers,
- responsabilité et solidarité de ses adhérents,
- distribution directe des contrats, sans intermédiaires commissionnés.
Au fil des ans, la MAIF a beaucoup évolué, et a élargi son offre de produits et de services bien au-delà de l'assurance auto : assurance habitation, vie quotidienne, accidents corporels, assurance vie, service d'aide à domicile, contrat d'assurance assistance obsèques, gamme de prêts auto à taux avantageux avec la Casden Banque Populaire et la Socram, création de la MAIF Solution Financières, filiale de distribution de produits financiers et bancaires, etc.
En 2007, la MAIF comptait :
2,6 millions de sociétaires,
2,0 millions de contrats vie quotidienne et habitation,
3,2 millions de véhicules assurés,
2,5 millions de contrats assurance de personnes.
Après avoir diversifié ses placements sur les marchés financiers et s"être orientée vers l"activité bancaire, comment l"un des acteurs clés de l"économie sociale, la MAIF, traverse-t-elle cette crise ? Quelle place accorde-t-elle à l‘investissement solidaire ?
Eléments de réponse avec Eric Berthoux (EB), Directeur Délégué Administratif et Financier et Sabine Castellan-Poquet (SCP), Responsable de la Gestion de Valeurs Mobilières et de la Trésorerie.
La MAIF est-elle touchée par la crise ? Et si oui, à quel niveau ?
EB. De part notre construction et notre mode de gouvernance, nous sommes moins affectés que d"autres groupes. N"ayant pas l"obligation de distribuer des dividendes aux actionnaires, nous pouvons mettre en œuvre une gestion sur le moyen et long terme, sans pression et guidée par le principe de prudence. Nos placements sont essentiellement des placements obligataires ou des emprunts d"Etat donc beaucoup moins exposés que ne pourraient l"être d"autres titres. Mais, c"est vrai, sur certaines lignes d"obligation, il y eu des impacts notamment sur l"émetteur Lehman Brothers.
A combien chiffrez-vous ces pertes ?
EB. Nous n"avons pas pour habitude de communiquer sur de telles données et réservons ces informations à nos sociétaires s"ils en font la demande. Beaucoup d"autres acteurs font de même pour des raisons de stratégie. C"est un sujet sensible.
Détenez-vous des actions ?
EB. A travers les trois principales sociétés du groupe : MAIF, Filia-MAIF et Parnasse-MAIF, nous gérons 11 milliards d"euros. Dans chacune de ces entités, nous avons près de 80% investis en obligations, 5 à 10% en actions et une part minime en valeurs monétaire et dans l"immobilier. En ce qui concerne les actions, ce ne sont pas des pertes mais des manques à gagner que nous constatons. Je m"explique : nous procédons régulièrement à des arbitrages sur ces actions pour décider ou non de les vendre. Début 2008 par exemple, nous avons procédé avec succès à quelques cessions.
En somme, tant que vous n"avez pas vendu, nous n"avez rien perdu ?
EB. Exactement.
Avez-vous vu venir la crise ?
EB. C"est toujours difficile de prévoir les choses. Une anecdote: le 13 septembre dernier, je m"entretenais encore avec un banquier d"affaire persuadé que l"Etat américain allait sauver Lehman Brothers. Deux jours plus tard, cette banque d"affaires était en faillite. Nous avions conscience d"un certain nombre de risques mais il y avait deux difficultés : une liquidité quasi nulle et un problème de confiance sur les marchés. Ce n"était donc pas très facile de tout vendre avant le 15 septembre.
Avez-vous changé votre organisation de travail ou votre fonctionnement ces derniers mois ?
EB. Nous avons augmenté la fréquence de nos « reportings » et surveillons de près certaines lignes et certains secteurs, comme l"automobile par exemple. Nous avons porté une attention particulière aux besoins de trésorerie de certaines banques fin 2008.
Investissez-vous dans l"épargne solidaire et/ou éthique ? Et si oui, quel est le montant de ces investissements ?
SCP. A la MAIF, nous parlons d"investissement socialement responsable, d"ISR. Nous avons mené toute une réflexion sur ce sujet en 2007, puis adopté une charte en 2008 dont la mise en application est effective depuis le début le début de l"année. Concrètement, nous intégrons des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance sur la partie action de nos placements.
Et sur les placements obligataires ?
SCP. Ces investissements sur les obligations ne sont pas encore très courants. Cependant, nous avons exclu de nos portefeuilles depuis longtemps tout ce qui touche au secteur de l"armement. La MAIF a davantage axé son côté éthique dans sa relation avec les sociétaires.
N"arrivez-vous pas tout de même tardivement sur l"investissement solidaire compte tenu des valeurs fondatrices de solidarité de la MAIF ?
EB. C"est sûr que l"on peut dire que nous y sommes venus tardivement.
Quelle est la finalité de votre rapprochement avec la MACIF et les Caisses d"Epargne ? L"activité bancaire n"est-elle pas un autre métier ?
E.B. C"est un autre métier que nous avons la conviction de faire autrement. L"idée, c"est de mettre aux services des sociétaires des Mutuelles des panels d"offres liés à leurs besoins. Notre objectif est de répondre au mieux aux besoins des sociétaires.
La CAMIF vient d"être placée en liquidation judiciaire. Aviez-vous des liens avec elle et l"avez-vous soutenu d"une manière ou d"une autre ?
EB. Nous n"avions plus de lien juridique, ni économique avec la CAMIF depuis plusieurs années mais il y a une très forte attention de la MAIF vis-à-vis de la CAMI sur le plan social, notamment à travers un examen attentif des candidatures des ex salariés de la CAMIF. C'est une démarche que nous avons toujours eu même si nous devons aussi tenir compte de nos besoins. Sur le plan financier, nous détenons des titres émis par la CAMIF.
Comment voyez-vous les prochains mois ?
EB. C"est un regard confiant mais prudent. Le groupe MAIF est l"un des plus solides en France. Notre ligne pour 2009, c"est de continuer à accompagner tous nos sociétaires au maximum comme nous l"avons fait par exemple lors de la récente tempête à travers l"abandon des franchises.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.