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Florange : "Les ouvriers ne voient plus leur avenir qu'à court terme"

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Article rédigé par franceinfo
France Télévisions

Deuxième volet de notre série de portraits d'ouvriers de l'usine ArcelorMittal. Aujourd'hui, les jeunes du club de rugby voisin, dont certains ont déjà dû se reconvertir dans d'autres secteurs.

Un quarteron de syndicalistes et de sympathisants, le maire et quelques membres du Front de gauche, dont son leader, Jean-Luc Mélenchon : la maison des syndicats d'ArcelorMittal, à Florange, n'a pas fait salle comble ce soir-là. Les visages semblent résignés, même si les paroles annoncent des combats à la vie, à la mort, même si on pense encore pouvoir interpeller le pouvoir, si on pense encore que les deux derniers hauts-fourneaux de la vallée seront rallumés. "La ligne de front avec le libéralisme... elle est ici !" déclare Jean-Luc Mélenchon, mais aussi : "Il n'y a pas de problème avec l'acier en Europe, le problème c'est la finance internationale."

Les syndicalistes écoutent, espèrent encore "que le gouvernement va rouvrir le dossier", mais chacun sait ici ce qui s'est déjà passé à Rombas, à Pompey et dans toutes les communes qui vivaient à l'ombre des hauts-fourneaux : extinction des feux, démantèlement et, à l'endroit où étaient implantées des entreprises qui employaient jusqu'à 10 000 personnes, des friches.

Les années 1960 sont loin

Tout près, sur les hauteurs d'Hayange, le terrain de rugby des Saintes-Neiges n'a jamais aussi bien porté son nom. La venue d'un reporter de Francetv info forcera les quelques courageux à enfiler des chaussures et des survêtements pour quelques images sur un terrain immaculé.

Ici, les anciens joueurs se souviennent encore des années 1960, synonymes d'années heureuses, de plein emploi et d'un certain paternalisme au sein des entreprises sidérurgiques de Lorraine. La direction a subventionné les associations sportives et quelques instituteurs venus du Sud-Ouest ont créé le club Rugby fer Acier.

Mais dès les années 1970, retournement de situation. Pour le club, impossible de compter sur le "car de la boîte" ou sur une rallonge pour refaire un coin de pelouse malmenée. La sidérurgie a alors été frappée de plein fouet par la crise économique. La relation patriarcale entre patrons et ouvriers s'est éteinte. Les subventions avec.

Avec une moyenne d'âge de 30 ans, les seniors du Rush (Rugby union sportive Hayange) n'ont pas connu cette époque.

Travailler au Luxembourg ou "dans l'immobilier"

Cédric a travaillé quelques années comme sous-traitant dans les hauts-fourneaux d'Hayange ou de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Puis sa petite entreprise a perdu son client principal, ArcelorMittal. Alors, en bon rugbyman, il essaie de rebondir. Beaucoup de ses amis vont travailler au Luxembourg, pas lui. Il souhaite "monter une boîte" avec son père. "Dans l'immobilier", comme il dit. Racheter à bas prix, rénover, revendre. Pour l'instant, "ça fonctionne et puis, franchement, quand on a eu à souder dans des hauts-fourneaux, les métiers du bâtiment, ça semble très facile !"

Après le vrai-faux entraînement, alors qu'ils sirotent une bière, la discussion s'engage entre les rugbymen sur l'avenir de la sidérurgie. Grégoire travaille toujours chez ArcelorMittal, mais regrette que "les projets soient arrêtés, que des années de recherches ne débouchent sur rien, soient abandonnées comme pour Ulcos" [le projet de stockage de CO2, principale piste de reconversion du site].

Il constate qu'en France, au Luxembourg et en Belgique, son employeur ferme des unités et déplore "que les ouvriers ne voient plus leur avenir qu'à court terme". Tout cela "n'est pas très bon pour le moral".

"Pilou", une reconversion réussie

Mais "Pilou", alias Alexandre, intervient. Ce beau bébé d'un quintal au moins, pilier de son état comme son surnom l'indique, ne voit pas les choses comme ses deux compagnons de jeu. "Il faut savoir se reconvertir, trouver d'autres débouchés... et il y en a."

Après des études dans la métallurgie et quelques années en région parisienne, Alexandre a, un peu par hasard, trouvé un emploi dans l'aéronautique. Il travaille aujourd'hui pour la Société lorraine de construction aéronautique (groupe Safran), ce qui lui a permis de revenir vivre au pays. "Il n'y a pas qu'ArcelorMittal ici, il y a beaucoup d'autres sociétés et ça marche !"

Un petit rayon de soleil dans un froid d'outre-tombe.

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