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Edouard Martin en campagne pour les européennes : "Lâchez-moi avec Hollande !"

L'ancienne figure de Florange est tête de liste socialiste pour le Grand Est. Mais son passé de syndicaliste et surtout ses violentes attaques contre le gouvernement lui collent à la peau. Reportage. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'ancien syndicaliste de Florange Edouard Martin donne un meeting à Metz, le 13 mai 2014, en tant que tête de liste socialiste aux européennes pour la région Grand Est.  (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Pas besoin de chercher longtemps pour tomber sur Edouard Martin, place Carnot, à Nancy. Il suffit pour cela de suivre les caméras, perches et micros massés sur le trottoir, au pied de la fac de droit. En ce jour de premier grand meeting de la campagne européenne, mardi 13 mai à Metz, tout le monde est venu voir l'ancien syndicaliste de Florange, désormais emblématique tête de liste PS pour la région Grand Est.

Tracts à la main et badge aux couleurs du parti accroché au costard gris, Edouard Martin semble s'être parfaitement glissé dans le costume d'homme en campagne. Mais que les choses soient claires : "Je suis un candidat de la société civile, je ne suis pas encarté au PS et j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Je ne suis inféodé à personne."

"L'énarque, personne ne l'emmerde !"

Si Edouard Martin a besoin de marteler sa stature d'homme "libre", c'est que ses critiques contre le gouvernement, lors des derniers jours des hauts-fourneaux de Florange (Moselle), ont marqué les esprits. "Ah ! C'est celui qui a tourné sa veste !" s'exclame un passant en le voyant. A la sortie de la fac, Jean-Brice, étudiant en master, se montre lui aussi circonspect : "C'est intéressant d'avoir des gens qui viennent du monde du travail. Mais après, il faut voir si c'est opportuniste ou non..."

Toute la journée, Edouard Martin se débat avec ce passé. "Vous me ramenez toujours sur ce terrain-là. Lâchez-moi avec Hollande !" s'agace-t-il devant les caméras, rappelant qu'il fait campagne pour les européennes, pas sur le plan national.

Pour lui, c'est bien la preuve que son passé d'ouvrier dérange, "et pas seulement les politiques". "Il aurait fallu être énarque, lâche-t-il, amer. L'énarque, c'est normal, il peut aller au gré du vent, aller de Chevènement à l'UMP ou au FN, personne ne l'emmerde là-dessus !" Le discours s'enflamme : "Un ouvrier, ça doit rester ouvrier. Il ne doit pas réfléchir, il doit produire. Eh bien, un ouvrier, ça a un cerveau ! Même si ça en fait chier quelques-uns."

Catherine Trautmann veille dans l'ombre

La verve du sidérurgiste tranche avec le calme affiché par la candidate qui pointe deuxième sur sa liste, l'eurodéputée sortante Catherine Trautmann. Les deux apparaissent côte à côte sur la camionnette de campagne et s'affichent ensemble sur le terrain. Mais leur binôme a nécessité quelques ajustements. L'éviction de l'ancienne maire de Strasbourg, grande habituée de Strasbourg et de Bruxelles, en a étonné plus d'un.

"C'est vrai qu'en ce qui me concerne, ce n'est pas évident", concède-t-elle, précisant avoir dû remobiliser les militants "décontenancés" après que la première place sur la liste Grand Est lui a échappé. Pas question de polémiquer pour autant. "On se retrouve sur les engagements", explique-t-elle, évoquant la facilité avec laquelle le duo s'est accordé pour mener "une campagne très centrée sur les gens, l'emploi, la relance industrielle".

En retrait des médias, Catherine Trautmann semble impulser le cap de la campagne et canaliser la personnalité débordante d'Edouard Martin. Alors qu'il allume une énième cigarette, le candidat se fait gentiment recadrer par sa colistière : "Allez, dépêche-toi, on va être en retard !"  

"T'es sûr qu'il y a de la vie, ici ?" 

Le temps est compté en cette journée d'avant-meeting. Après avoir déjeuné avec les étudiants, direction Bar-le-Duc (Meuse), à une bonne heure de Nancy, pour une opération porte à porte dans la cité HLM du quartier de la Côte Sainte-Catherine. Il s'agit là de mobiliser, les habitants ayant très peu voté aux dernières municipales (60% d'abstention). Edouard Martin et Catherine Trautmann se séparent en deux groupes.

Edouard Martin, candidat socialiste aux européennes dans le Grand Est, distribue les tracts du parti dans les rues de Bar-le-Duc (Meuse), le 13 mai 2014. (JULIE RASPLUS / FRANCETV INFO)

Mais la mission se révèle peu fructueuse. Seules quatre personnes ouvrent leur porte à Edouard Martin. "T'es sûr qu'il y a de la vie, ici ?" plaisante-t-il, en marchant sous la pluie, au milieu des bâtiments gris. Il encourage les quelques habitants, croisés au pied des bâtiments : "Il faut aller voter, c'est important. On compte sur vous !" Le tract donné, il s'éloigne aussitôt, sans aucune allusion à Florange.

Sa spontanéité donne un coup de fraîcheur à la campagne européenne. Mais étonnamment, le candidat capitalise peu sur son image. L'emploi du temps serré d'une journée de campagne très scrutée lui en laisse peu le temps. Après une demi-heure à peine de rencontres avec les habitants, le petit groupe fait demi-tour. Il faut partir pour Metz. 

"Pour une fois qu'un ouvrier y va…"

Pour le meeting, tous les symboles ont cette fois été réunis. Arnaud Montebourg, "pasionaria" politique du dossier Florange, et Aurélie Filippetti, que l'on sait attachée à la région, sont venus spécialement pour Edouard Martin et Catherine Trautmann. Arrivés bien avant les ministres au parc des expositions, les deux candidats les ont attendus pour faire une entrée remarquée dans le hall et s'offrir leur instant médiatique. 

Arnaud Montebourg, Edouard Martin, Catherine Trautmann et Aurélie Filippetti réunis pour le meeting du PS pour les européennes, le 13 mai 2014, à Metz (Moselle).  (MAXPPP)

Une quarantaine de syndicalistes de Florange, vêtus du gilet orange des grévistes et coiffés de casques, ont aussi fait le déplacement pour soutenir leur ancien camarade de lutte. Ce sont eux qui l'ont poussé à se lancer.

Les mots de Marc et Jérôme, assis dans les premiers rangs, donneront sans doute du baume au cœur à celui qui s'est engagé dans cette campagne difficile : "S'il nous avait vraiment trahis, on ne serait pas là ce soir. Pour une fois qu'un ouvrier, qui s'est levé à 4 heures du matin et a partagé des luttes, y va, je ne vois pas pourquoi on cracherait dans la soupe." Cela suffira-t-il à convaincre les potentiels électeurs socialistes ? Selon les derniers sondages, sa liste ne recueillerait que 15,5% des voix, derrière le FN et l'UMP.

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