Transaction à l'amiable d'Axa : "On a un dialogue qui s'ouvre et qui peut-être va déboucher sur une sorte de moratoire", affirme l'avocat du collectif Resto ensemble
L'assureur Axa annonce qu'une enveloppe de 300 millions d'euros sera débloquée pour 15 000 de ses clients restaurateurs, après une "guérilla judiciaire" qui a duré plus d'un an.
"On a véritablement un dialogue qui s'ouvre et qui peut-être va déboucher sur ce qu'on appelle depuis longtemps de nos vœux, c'est-à-dire une sorte de moratoire", a commenté ce jeudi 10 juin sur franceinfo, Antoine Vey, avocat du collectif Resto Ensemble qui représente une centaine de restaurateurs en France, après l'annonce par Axa de débloquer 300 millions d'euros pour 15 000 de ses clients restaurateurs.
Ils lui reprochent d'avoir refusé d'indemniser leurs pertes d'exploitation liées à la crise sanitaire, Axa estimait que ses contrats ne couvraient pas les pertes liées à un épisode de pandémie. "Ce sont des contrats qui sont rédigés de manière claire et qui couvrent les risques de fermeture administrative dus à des pandémies", défend maître Antoine Vey.
franceinfo: Vous êtes avocat du collectif "Restons Ensemble", qui regroupe une centaine de restaurateurs. Qu'est-ce que vous pensez de l'offre d'Axa ?
Antoine Vey : On peut se réjouir qu'enfin il y ait une proposition qui soit faite au niveau d'Axa. Il faut dire que ça met un terme, une parenthèse ou une virgule plutôt dans une guérilla judiciaire que nous conduisons depuis plus d'un an dans toutes les juridictions de France, dans laquelle nous avons obtenu beaucoup, beaucoup de victoires pour des restaurateurs qui sont donc contraints d'initier un processus judiciaire dont on comprend aujourd'hui qu'il était tout à fait fondé. Quand on dit que ça correspond à une minorité de restaurateurs, là, je ne peux que m'en étonner. Parce qu'en réalité, la couverture assurantielle concerne absolument tous les restaurateurs qui, à cause de la pandémie, des mesures administratives qui ont été prises, ont eu des pertes considérables, pour partie d'ailleurs, prises en charge par l'Etat. Donc, on a véritablement un dialogue qui s'ouvre et qui peut-être va déboucher sur ce qu'on appelle depuis longtemps de nos vœux, c'est-à-dire une sorte de moratoire qui permettrait non pas à certains de toucher seulement leurs indemnités, mais plus globalement à tous les assurés de discuter dans un climat collaboratif avec leur assureur pour recevoir une partie des pertes qu'ils ont eu à cause de cette crise sanitaire.
Vous conseillez à vos clients d'accepter l'offre d'Axa. En tout cas, de rentrer dans un processus de négociation ?
Non, j'attendrai les propositions d'Axa. Je pense que pour beaucoup de restaurateurs, l'indemnisation totale est un droit qui était prévu dans leur contrat. Et dans ce cadre, je ne vois pas pourquoi les restaurateurs devraient accepter, au nom d'une forme de pression ou de chantage des conditions qui ne sont pas justes. Maintenant, vous savez, les propositions transactionnelles, et c'est aussi ce qui a été largement critiqué, elles n'étaient pas uniformes. Elles sont arrivées au compte-gouttes, de manière confidentielle. Et un des aspects du collectif "Resto ensemble", c'était de pouvoir essayer d'informer de manière collective et globale tous les restaurateurs et de sortir un peu du cas par cas qui a animé la crise et qui a beaucoup heurté les restaurateurs
Ce qu'on a compris dans ce que proposait Axa c'est qu'Ils vont couvrir 50% du manque à gagner de ces restaurateurs. En échange de quoi ils s'engagent à abandonner leurs poursuites ?
C'est une position que je lis dans la presse mais je pense que les discussions vont se faire entre avocats ceux d'Axa et ceux des restaurateurs. Et deuxième chose, il est clair que le choix reviendra à chacun des restaurateurs d'accepter ou non. Encore une fois, il n'y a aucun des restaurateurs qui, pendant cette crise, a eu à cœur de faire des procès qui n'étaient pas fondés. Donc, si une proposition intéressante émerge et se matérialise, il y a une partie des restaurateurs, une infime partie qui recevra cette proposition. Et à mon sens, le contentieux judiciaire des restaurateurs contre les assureurs n'est pas terminé, malheureusement.
Mais logiquement, les assureurs ne couvrent jamais les risques de pandémie. Finalement, c'est une erreur. Si j'ai bien compris dans les contrats d'Axa qui vous permet de vous engouffrer dans cette brèche ?
Non, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est une erreur. Ce sont des contrats qui, pour certains, sont rédigés de manière extrêmement claire et qui couvrent les risques de fermeture administrative dus à des pandémies. Donc, c'est plutôt le discours des assureurs qui vise à dire qu'on se crée une brèche dans un contrat alors que le contrat, en l'occurrence celui-là chez Axa est extrêmement clair en faveur des restaurateurs. Certains des risques sont couverts au titre de la force majeure. Mais au-delà, il y a un principe et c'est là où on peut parfois sortir un peu du technique et du juridique, c'est de se dire quand des assurés qui sont des établissements qui ont des relations de confiance très établies avec des assureurs sur des années et des années se trouvent face à une pandémie et à un dommage d'une telle ampleur, recevoir de son assureur une sourde oreille par rapport à son problème au motif qu'une clause serait rédigée ou non, est une incompréhension car l'assureur a un devoir d'information, il a un devoir d'accompagnement. J'espère sincèrement pour les restaurateurs que la démarche d'Axa va être suivie par d'autres compagnies et pour d'autres assurés.
Vos clients ont aussi beaucoup été aidés par les pouvoirs publics. Sont-ils vraiment très à plaindre ?
Oui, bien sûr, mais je pense qu'il faut quand même se rendre compte de ce qu'a été la crise pour les restaurateurs et plus largement pour les commerçants, les hôteliers aussi. Ce n'est pas possible de résumer juste un préjudice au fait qu'ils vont toucher pour certains des aides. Ils ont des personnels à gérer. Ils ont été largement marqués par les loyers qu'ils ont à payer pour beaucoup d'entre eux. Malheureusement, beaucoup d'entre eux ont mis la clé sous la porte. Et c'est pour ça qu'on peut saluer quand même le travail des collectifs de restaurateurs dont "Resto ensemble", qui leur ont apporté quand même un soutien dans ce combat.
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