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"Un tiers des appels reçus concernent des victimes actuelles" : quel est le premier bilan de la plateforme d'écoute sur l'inceste ?

Cette plateforme téléphonique a été lancée il y a une semaine.

Article rédigé par Charles-Edouard Ama Koffi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une affiche lors d'une manifestation contre les violences sexuelles et sexistes, place de la République, à Paris, le 7 mars 2021. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS)

Quelques jours de fonctionnement et déjà des pistes de réflexion. Une semaine après la mise en place, mardi 21 septembre, de la plateforme d'écoute des victimes de violences sexuelles dans l'enfance, Emmanuelle Piet, la présidente du Collectif féministe contre le viol, qui accueille les locaux de la plateforme, estime que pour le moment, "il est trop tôt" pour établir un nombre précis d'appels entre 10 heures et 19 heures sur le 0805 802 804 (France hexagonale et Corse) et le 0800 100 811 (territoires d'outre-mer). "Nous n'avons pas de standard véritable encore, simplement trois à quatre personnes qui reçoivent les appels", justifie-t-elle.

Selon son estimation, parmi les appels déjà reçus, "un tiers" concerne des victimes âgées entre "50 et 70 ans qui racontent des récits très longs sur des violences dont elles ont été victimes dans l'enfance, sans en avoir parlé jusqu'à présent, ce qui les bouffe", développe Emmanuelle Piet. 

Le second tiers concerne des victimes aujourd'hui adultes qui ont raconté les violences qu'elles ont subies plus jeunes, mais qui "n'ont pas été crues". Après un parcours chaotique, elles se retrouvent désormais avec "une carrière de victimes de violences sexuelles car elles ont été déplacées de structure en structure avec d'autres violences", selon la présidente du Collectif féministe contre le viol. 

Le risque de fausse dénonciation est "résiduel"

Enfin, le dernier tiers des appels reçus depuis la mise en ligne est "le plus préoccupant car ce sont des victimes actuelles". Ce sont souvent des parents qui appellent "pour protéger les enfants d'un agresseur, comme un oncle ou un père, et la justice ou la police ne les croient pas", déplore Emmanuelle Piet. "Quel intérêt a un enfant à raconter des horreurs ? Il n'y a aucune raison de penser que ce n'est pas vrai, souligne-t-elle. On a aujourd'hui des enfants avec des vulves déchirées et il faut que ça change."

Cette difficulté pour les jeunes victimes d'être crues est également mis en lumière par Edouard Durand, le juge pour enfants et coprésident de la commission sur les violences sexuelles et l'inceste. Selon lui, "il faut croire l'enfant qui révèle des violences", car le risque de fausse dénonciation est "résiduel".

A l'autre bout du fil, les membres de la plateforme d'écoute réorientent vers "des endroits où les victimes peuvent être entendues", précise Emmanuelle Piet. Cela peut être dans des "associations spécialisées, lors de consultations chez un psychologue. Nous agissons en fonction des demandes des gens et des possibilités locales", selon elle. "Je me souviens d'au moins deux ou trois personnes qui nous ont indiqué aller porter plainte le lendemain de notre discussion. De notre côté, nous avons fait deux ou trois signalements d'appels où les enfants étaient gravement en danger", témoigne Emmanuelle Piet.

De quoi rendre optimiste la présidente de l'association. "Cette plateforme sera une réussite si on continue à avoir beaucoup d'appels et qu'avec nos analyses, les choses changent. Moi, je suis optimiste pour montrer à quel point les violences sexuelles abîment, sont fréquentes et méritent l'attention des professionnels qui s'en occupent."

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