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La France est "un pays qui souffre d'un retrait des services publics", selon le Défenseur des droits

Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a affirmé mercredi sur France Inter avoir "le sentiment que l'indifférence est en train de monter" en France.

Article rédigé par franceinfo - Avec France Inter
Radio France
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Jacques Toubon, le Défenseur des droits, mercredi 11 avril sur France Inter. (RADIO FRANCE)

Le Défenseur des droits publie mercredi 11 avril son rapport annuel sur l'année 2017. Il montre que le nombre de saisines a augmenté de 7,8% en un an, avec près de 94 000 dossiers en 2017. Sur France Inter mercredi matin, Jacques Toubon est venu apporter des détails sur ce rapport.

France Inter : Quel portrait de la France de 2017 se dessine à travers tous les courriers que vous recevez ?

Jacques Toubon : Un pays qui, manifestement, souffre d'un retrait des services publics. L'accès aux droits semble rendu plus difficile par le fait que l'accès aux services publics est plus complexe et plus rare. Il suffit de lire les journaux le matin pour voir que, dans telle ou telle commune, a fermé un centre de sécurité sociale ou un bureau de Pôle emploi. Ceci ne peut pas être pallié par la dématérialisation parce que dans la dématérialisation, il y a quelque chose qui n'est pas accessible pour une partie des gens. Et puis, il y a des maux collectifs qui sont simplement les maux d'une époque [replis identitaires, inégalités], où nous avons le sentiment que l'indifférence est en train de monter. D'une certaine façon, le Défenseur des droits est une arme anti-indifférence. Nous disons : "Voyez les choses et ne faites pas comme si elles étaient invisibles". C'est le titre de l'éditorial de ce rapport : "Ne détournez pas les yeux".

Vous avez reçu 110 réclamations relatives à l'état d'urgence. De quelle nature étaient-elles ?

Pratiquement la moitié portaient sur la manière dont avaient été faites des perquisitions administratives et ça mettait en cause le comportement des policiers ou des gendarmes qui ont fait ces perquisitions. Ça, c'est au titre de l'une des cinq missions qui sont les miennes, à savoir le contrôle de la déontologie de la sécurité. À ce titre, j'ai demandé un certain nombre de sanctions disciplinaires, par exemple, lorsque dans une perquisition on a cassé la porte de quelqu'un.

Que pensez-vous du projet de loi Asile et immigration qui a été adopté en Commission des lois ?

Il y a quelque chose qui est préoccupant. Il y a avait dans le texte [tel qu'écrit par le gouvernement] une première partie où il y avait des mesures plutôt favorables, par exemple qui permettaient d'accorder le droit d'asile à des personnes victimes de violences conjugales, familiales, etc. Et aussi la possibilité de faire de la réunification familiale à partir des frères et sœurs d'enfants eux-mêmes déjà reconnus comme réfugiés. Cette disposition a sauté car un amendement présenté par Les Républicains a dit que c'était extrêmement dangereux. Donc la majorité de la Commission des lois a adopté ce texte qui est en fait un recul.

Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur, parle d'une "submersion". Qu'en pensez-vous ?

Dans un pays comme la France de 67 millions d'habitants, le fait que nous ayons comme l'année dernière 100 000 demandeurs d'asile – nous sommes au même taux d'immigration qu'il y a 40 ans – signifie qu'il n'y a pas du tout d'envahissement, il n'y a pas du tout de submersion. [On fait] du phénomène migratoire un drame, un traumatisme, alors qu'on pourrait parfaitement le traiter par l'accueil. On ferait dix centres comme celui qui était à la porte de la Chapelle [à Paris] avec une politique d'accueil qui ferait, qu'aux yeux de la population, l'immigration n'apparaisse pas comme un problème ni même comme un drame. Je suis malheureux parce que j'ai le sentiment que la France a toutes les possibilités de conduire une politique véritablement humaine d'accueil, d'hébergement, d'orientation des personnes immigrées, et la possibilité de mieux traiter les étrangers qu'elle ne le fait.

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