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"Grand humaniste", "géomètre" et "promeneur" : qui était le photographe Marc Riboud ?

Ceux qui l'ont côtoyé se souviennent d'un homme "fédérateur" et discret, qui a parcouru le monde et photographié ses habitants "avec respect et amour".

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le photoreporter Marc Riboud prend la pose, au Musée de la vie romantique, à Paris, le 10 mars 2009, pour l'ouverture de son exposition "L'instinct de l'instant". (JOEL SAGET / AFP)

Le photographe français Marc Riboud est mort mardi, à l'âge de 93 ans des suites d'une longue maladie, a annoncé sa famille, mercredi 31 août. Il est célèbre notamment pour ses photographies La fille à la fleur et Le peintre de la tour Eiffel, qui ont marqué l'histoire. Passé par l'agence Magnum, sous la houlette de Robert Capa et Henri Cartier-Bresson, Marc Riboud a remporté de nombreux prix et ses photos ont été publiées dans de nombreux magazines.

Grâce aux témoignages de ses proches, franceinfo vous raconte qui était Marc Riboud.

Un "grand humaniste"

"Il était le trait d'union entre deux styles, le photographe humaniste et le photojournaliste pur et dur", estime Alain Genestar, directeur de publication du magazine de photojournalisme Polka, dont le photographe était l'un des parrains. "Il était avant tout un grand humaniste, confirme Adélie de Ipanema, directrice de la galerie Polka, à Paris, un photographe qui, contrairement à beaucoup de ceux de cette génération, prenait réellement le temps de prendre des images".

"Marc Riboud apportait toujours une douceur" aux images, raconte encore Adélie de Ipanema à franceinfo. "Dans ses photos, il y a beaucoup d'amour pour les gens. Même dans un moment de contestation, il va chercher une image de paix. Il a d'ailleurs toujours refusé de photographier la guerre", explique la galeriste.

Chaque année, à l'occasion de Paris Photo, la foire internationale de la photographie, Marc Riboud invitait à dîner chez lui photographes et galeristes du monde entier. "C'était quelqu'un de fédérateur, qui répondait à toutes les demandes, qu'elles viennent de ses amis ou de jeunes photographes qui lui écrivaient", explique encore la galeriste.

Un "géomètre"

Le cofondateur de l'agence Magnum, Henri Cartier-Bresson, l'appelait "le géomètre", raconte Adélie de Ipanema. "Quand il regardait un tirage, il le retournait, pour s'assurer que même à l'envers, son image ait du sens", précise-t-elle. Marc Riboud était ainsi devenu un maître de la composition, "grâce à l'attention particulière portée aux formes, aux ronds notamment". Sans rejeter absolument la couleur, Marc Riboud est aussi resté fidèle à la photographie en noir et blanc, dans laquelle la composition est capitale.

Le surnom de "géomètre" est aussi un clin d'œil à la jeunesse de Marc Riboud. Après avoir pris le maquis dans le Vercors, en 1943-1944, le jeune homme étudie à l'école Centrale de Lyon, de 1945 à 1948. Il travaille ensuite comme ingénieur dans une usine de Villeurbanne où il s'abstient de revenir, après un congé de huit jours, pendant lequel il prend la décision de se consacrer à la photographie.

Une femme devant la photogrpahie "Le Peintre de la tour Eiffel", lors d'une rétrospective de Marc Riboud, à Guangzhou (Chine), le 25 lai 2012. (CHEN YEHUA / XINHUA / AFP)

En 1952, il arrive à Paris où il rencontre Henri Cartier-Bresson et Robert Capa, les créateurs de l'agence Magnum. Ils seront ses mentors. Il intègre l'agence en 1953, alors que paraît dans Life sa célèbre photo de Zazou, le peintre en salopette et en espadrilles qui repeint les poutrelles de la tour Eiffel.

Un "poète"

La photo du Peintre de la tour Eiffel"c'est la naissance du grand photographe Marc Riboud, explique à franceinfo Alain Genestar. Marc Riboud ne se rend pas à la tour Eiffel par hasard. Il sait qu'il y a des travaux. Il photographie ce peintre. Il a juste pris une pellicule. Il prend une douzaine de photos et cette photo fait la couverture de Life." 

Si la photo prête à sourire, elle est aussi empreinte de tendresse. Alain Genestar évoque la "formidable poésie" de Riboud, qui se retrouve aussi dans La jeune fille à la fleur. Prise le 21 octobre 1967 à Washington (Etats-Unis), le cliché immortalise une jeune militante contre la guerre au Vietnam, devant le Pentagone. La lycéenne Jane Rose Kasmir y oppose une fleur aux baïonnettes de soldats américains.

Une personne nettoire un tirage de "La jeune fille à la fleur", de Marc Riboud, exposée sur la grille du jardin du Luxembourg, le 8 juin 2005. (DAMIEN MEYER / AFP)

Un "promeneur"

Marc Riboud, qui n'aime pas se mêler au milieu des photographes, a d'abord voyagé en Angleterre, aux Etats-Unis, avant de faire le tour du monde. En 1957, il est l'un des premiers Européens à parcourir la Chine communiste et y retourne régulièrement. Il devient alors le premier témoin de la Révolution culturelle lancée par Mao Zedong dans les années 1960. Il voyage aussi en Algérie, dans plusieurs autres pays africains, au Vietnam, au Bangladesh, au Japon, à Cuba. Au printemps 2010, à 87 ans, il retourne en Chine à l'occasion d'une rétrospective de ses œuvres à Shanghai et Pékin.

Un visiteur observe des photographies de Marc Riboud, lors de l'exposition "Cuba", dans le cadre du festival Visa pour l'image, à Perpignan, le 31 août 2016. (RAYMOND ROIG / AFP)

"On l'appelait le promeneur", raconte l'équipe du magazine Polka. Un promeneur discret, timide et taiseux. "Capa m’avait envoyé prendre des photos d’une ville qui s’appelle Leeds [Royaume-Uni]. Je vais là-bas avec un jeune journaliste. Au bout de quatre ou cinq jours le journaliste en a marre de se promener avec quelqu’un qui ne parle pas. Alors il rentre à Londres. Moi, à ce moment-là, j’étais ravi", racontait le photographe à France Culture, en 2006.

"Pour lui, rien n’est écrit à l’avance et ce n’est pas parce qu’on appartient à une famille de banquiers et d’industriels de cette bonne ville de Lyon qu’on ne prend pas la poudre d’escampette", écrivait son épouse Catherine Chaine en 2011.

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