Reportage "Détecter un ennemi", "faire une demande d'artillerie"... Dans le désert californien, l'armée française s'entraîne avec les armées anglo-saxonnes

Pour la première fois, la France a été intégrée aux armées anglo-saxonnes des "Five eyes" lors d'un exercice militaire conjoint.
Article rédigé par Eric Biegala - édité par franceinfo
Radio France
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Le Griffon de commandement français. C'est lui qui va coordonner les remontées d'information du terrain et redistribuer les ordres notamment de tir, ordonnées par l'un ou l'autre des alliés. (Eric Biegala / Radio France)

À quoi ressembleront les armées de terre en 2040 ? Certainement beaucoup à celles d'aujourd'hui, en plus automatisées. C'est pour cette raison que les armées américaine, britannique, canadienne, australienne et néo-zélandaise, surnommées les "Five eyes", s'entraînent à faire fonctionner ensemble leurs systèmes d'armes les plus modernes. Durant le mois de mars, elles ont mené un exercice commun, baptisé Capstone 4, avec pour la première fois la participation de l'armée française.

Cet entraînement se déroule sur quelques collines abruptes, parsemées de petits buissons épineux, dans le désert Mojave, en Californie (États-Unis). Un drone de reconnaissance français est sur le point d'être lancé. "Il va se rendre sur sa zone de recherche pour pouvoir détecter un ennemi au sol, explique le capitaine Laure, du 61e régiment d'artillerie, en charge de l'image pour cet exercice. On transmettra ses coordonnées rapidement afin de le neutraliser via un tir allié ou via un tir français. On s'entraîne pour que ça puisse être n'importe lequel."

Le drone de reconnaissance SMDR de l'armée française a une autonomie de 2 heures et demi (1h dans le désert Mojave où les vents violents contraignent sa portée). Il permet de renseigner et de désigner des cibles sur un théâtre d'opération. (Eric Biegala / Radio France)

200 soldats français détachés

L'objectif est de faire communiquer tous les systèmes de repérage, de ciblage et les armements, tous différents d'un pays à l'autre, histoire de pouvoir combattre en coalition. D'habitude, ce rendez-vous militaire, Capstone 4, ne regroupe que les membres de l'alliance entre les États-unis, la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. C'est donc la première fois que la France y participe.

"On avait quelques craintes parce qu'ils ont leurs réseaux et leurs habitudes de travail et nous, nous insérer là-dedans, on se demandait si ça allait fonctionner, admet le colonel Antoine de Labretoigne, qui commande le détachement français sur l'exercice. Force est de constater que ça marche" se réjouit-il. Près de 200 soldats français participent à cet exercice d'une durée d'un mois. Il y a notamment ceux de l'escouade de l'adjudant Timothée, qui a posé des capteurs déjà utilisés par les Britanniques notamment. "Les informations arrivent sur ma tablette. Il y a quelques minutes, j'ai fait une demande d'artillerie et ça peut être un canon des "Five eyes" qui va venir neutraliser l'ennemi sur cette position", éclaire-t-il.

Le micro drone NX 70 de l'armée française - carbone et impression 3D - et son pilote peuvent aller confirmer la présence effective d'un ennemi dont le déplacement a été repéré par les capteurs au sol. (Eric Biegala / Radio France)

Vers un fonctionnement beaucoup plus automatisé des armées d'ici 2040

Les armées en profitent pour se projeter sur le fonctionnement des armées à horizon 2040, qui sera beaucoup plus automatisé. Comme chaque système est développé par des opérateurs différents selon le pays, ils doivent pouvoir s'harmoniser et fonctionner ensemble dans le cadre d'une coalition. L'exercice porte ses fruits si l'on en croit le colonel Zachary Miller, en charge de la modernisation de l'armée américaine.

"L'année dernière, lors d'expérimentations similaires, nous avons souvent dû faire intervenir des personnels dans les processus, par exemple pour transférer des données d'un système à l'autre. Ce qu'on a réussi à faire notamment avec les Français, c'est d'éviter toute intervention humaine pour que les informations qui étaient générées par un système ou un autre puissent passer numériquement dans tout le réseau et arriver à leur terme", analyse-t-il, avant de rappeler que l'interopérabilité des systèmes est devenue indispensable. Le colonel Miller le confirme : l'armée américaine ne conçoit plus de partir au combat en opérations autrement qu'au sein d'une coalition.

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