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"J'ai senti un choc au niveau de la colonne vertébrale" : des pilotes qui se sont éjectés de leur avion de chasse racontent leur expérience

Le livre "Eject ! Eject ! Eject !", du journaliste Jean-Marc Tanguy, vient de sortir aux éditions JPO. Il rassemble 40 histoires d'éjections de pilotes de chasse. Franceinfo a recueilli le témoignage de militaires qui ont dû un jour tirer la poignée de leur siège éjectable.

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un Mirage 2000 de l'armée française en mission au Sahel, le 22 décembre 2018.  (LUDOVIC MARIN / AFP)

Se préparer à l'éjection, c'est la base quand on monte dans un avion de chasse "Si on doit sortir et s'éjecter, ce sera : 'Éjection ! Éjection ! Éjection !'. Tu pars au deuxième 'Ejection', je pars au troisième." Le geste est simple : il faut se caler corps droit, tête haute dans son siège et tirer la poignée. Cependant, ce moment laisse des séquelles aux militaires. 

Le commandant Benjamin se souvient de son éjection le 14 janvier 2012. Ce pilote de Mirage 2000 biplace participe à un entraînement en un contre un en Arabie saoudite. Peu après 14h30, le F-15 saoudien, qui joue l'adversaire, percute l'arrière du Mirage 2000. "J'ai perdu une moitié de l'aile droite, se souvient Benjamin, et la partie arrière du moteur. L'avion est en roulis permanent. Il tourne sur lui-même quasiment un tour par seconde. Le Mirage 2000, ressemblant fortement à un fer à repasser, quand il n'y a plus de moteur ça vole beaucoup moins bien."

Je dis à mon navigateur que je n'arrive pas à récupérer l'avion et qu'il va falloir qu'on sorte.

Le commandant Benjamin

à franceinfo

Quand vous vous éjectez, le corps encaisse à ce moment-là entre 18 et 20 G (force d'accélaration) au moment de la sortie de l'avion. "J'ai vraiment senti un choc au niveau de la colonne vertébrale, plus qu'un écrasement, raconte le commandant Benjamin. C'est vraiment, vraiment bref. L'impression d'avoir un sac de plusieurs kilos qui vous tombe sur les épaules, comme si on vous lançait un sac de ciment du toit d'une maison." Dans l'éjection le pilote perd une chaussure que sa navigatrice retrouvera à quelques mètres de l'endroit où les deux éjectés se posent. 

Des séquelles physiques et psychologiques 

Le commandant Benjamin, qui s'éjectera une deuxième fois deux ans plus tard au dessus du Sahel à cause d'une panne technique, a été marqué par sa première éjection. Vertèbres tassées, chevilles en vrac et le souvenir de l'ombre noire de l'avion qui vient le percuter. Elle le poursuivra plusieurs mois, même dans des situations anodines, au volant de sa voiture par exemple.

Grâce à l'entourage et à la prise en charge psychologique, la séquelle disparaît, mais ce qui permet aussi d'évacuer le traumatisme, c'est une soirée. Chaque année, le fabricant de sièges Martin-Baker, leader mondial, remet une cravate et un pin's aux éjectés de l'année. Pour le commandant Benjamin "la remise de la cravate est une forme d'exorcisme". "On se dit : 'Je ne suis pas tout seul'", explique-t-il.

Un pilote, en général, quand il fait ça, il a tout essayé pour sauver son avion.

Le général William Kurtz

à franceinfo

Le général William Kurtz, ancien pilote de chasse, est le directeur de la branche française de Martin-Baker. Il comprend ce besoin de rencontrer d'autres "éjectés" : "Quand on se retrouve avec des copains qui se sont éjectés, chacun raconte son expérience et ça les sécurise de se dire qu'ils n'ont pas été les seuls. Et puis vous invitez également ceux qui participent à la construction et à l'élaboration des sièges parce que rencontrer également les personnes qui ont participé finalement à la sauvegarde de leur vie, c'est quelque chose d'important."  Sur la page d'accueil du site internet du fabriquant de sièges éjectacles, un chiffre s'affiche en gros : 7  633. C'est le nombre de vies sauvées en 70 ans grâce à l'éjection.

Le reportage de Franck Cognard

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