Combats aériens : l'intelligence artificielle va-t-elle remplacer le pilote ?
Une intelligence artificielle a battu un pilote de l’US Air Force en combat aérien simulé. Le score est sans appel : 5 à 0 pour la machine. Au-delà du fantasme de la révolution technologique, cette victoire est à nuancer.
Heron a battu Banger le 20 août dernier. Heron, c’est le nom du programme informatique, et Banger le surnom du pilote américain, instructeur de combat aérien aux 2 000 heures de vol. Le combat en cinq manches était retransmis en direct sur sa chaine TV par la Darpa (Defense advanced research projects agency), l’agence de développement technologique des programmes militaires. Pour autant, expliquent des pilotes de chasse français, "il ne faut pas se laisser endormir par le marketing US fait autour de cette victoire", 5 à 0.
Le pilote "fessé" par la machine ?
"L’IA et l’homme ne partaient pas à armes égales", explique l’ancien pilote de l’Aéronavale Pierre-Henri Chuet. Ses 2 500 heures de vol sur Super Etendard et Rafale Marine, ses missions au-dessus de l’Afghanistan et de l’Irak, ses deux ans passés au sein de l’US Navy l’amènent à fortement relativiser la "fessée" prise par le pilote américain. "D’abord", souligne t-il, "la machine a été nourrie par des milliers de données relatives au combat aérien, pour en faire une vraie bête de course. Le pilote, lui, ne disposait pas de ces infos parfaites."
Les graphismes pourris du simulateur n'avantagent pas le pilote.
Pierre-Henri Chuet, ancien pilote de chasseà franceinfo
À Balard, au QG des armées françaises, on ajoute que l’environnement simulé ne favorise pas l’humain, qui ne "sent" pas l’avion. De plus, ajoute Pierre-Henri Chuet, "les graphismes sont pourris, le pilote a un casque de réalité virtuelle qu’on peut acheter dans le commerce. Et clairement, il n’est pas au top de sa forme dans ses prises de décision, peut-être est-ce du au manque d’entraînement dans ce simulateur". Banger, le pilote américain, a lui avancé comme explication dans Air Force Magazine le fait que l'intelligence artificielle n’était pas "limitée par la formation et les réflexes enracinés chez les pilotes de chasse. Par exemple, le fait de ne pas passer à moins de 500 pieds (150 mètres) du sol." Ce dont la machine se moque, elle.
Bientôt un assistant virtuel dans un cockpit ?
Pour autant, "les résultats restent impressionnants", peut-on lire dans une note militaire, "ils n’augurent pas le remplacement de l’homme par l’algorithme dans l’aviation de combat, mais au contraire dans leur association pour faire émerger un véritable système cognitif". Dit plus clairement, cette expérience américaine, baptisé Alpha Dogfights Trials, est le point de départ d’une plus grande interaction entre "la précision et la vitesse" de la machine, "tout en décuplant l’agilité et la créativité de l’intelligence humaine." Pierre-Henri Chuet voit deux étapes à venir : "la première, c’est une sorte de bouton dogfight (combat canon contre un autre appareil) dans l’avion, qui donnera à la machine le lead dans le combat, et la deuxième, c’est l’avion de chasse sans pilote."
En France, les industriels Dassault et Thalès planchent depuis deux ans sur le projet Man Machine Teaming. Si on simplifie, aujourd’hui, la technologie embarquée dans un avion de chasse sert avant tout à exécuter les tâches demandées par le pilote. Demain, un assistant virtuel dans le cockpit devrait pouvoir prédire certaines actions, et guider le pilote dans sa prise de décision. Une révolution ? Non, une évolution. Récemment, un pilote du Régiment de Chasse Normandie-Niemen nous confiait : "Dans le Rafale, tout est fait pour que le pilotage devienne une tâche annexe, pour que je sois concentré sur l’aspect tactique de ma mission." Dans les semaines à venir, la Darpa devrait à nouveau organiser des duels entre pilote et l'intelligence artificielle.
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