: Vidéo "Parce qu'ils ont refusé de lui donner un verre d'eau, ils ont laissé mourir mon frère" : la famille d'un saisonnier dénonce les conditions de sa mort
En 2011, Elio Iban Maldonado, un travailleur détaché de 32 ans, mourait déshydraté après huit heures de récolte dans le sud de la France. "Envoyé spécial" a rencontré la sœur d'Elio Iban.
"Ce n'était pas un homme, sur ce champ. Ce n'était pas un travailleur. C'était juste un outil. Et cet outil-là, à la fin, il est tombé au sol, on l'a laissé au sol. Et on s'est dit : 'Surtout, on ne veut pas le voir, on n'appelle pas les secours', et il mourra à cause de ça." Ce sont les mots de maître Yann Prevost, l'avocat de la famille Maldonado. Depuis l'Espagne, les proches d'Elio Iban se battent pour faire connaître les conditions de son décès.
Sous la chaleur écrasante de juillet 2011, après huit heures à ramasser des melons dans le sud de la France, Elio Iban Maldonado, envoyé par l'agence d'intérim espagnole Terra Fecundis, s'est écroulé, déshydraté. Quatre jours plus tard, il est mort à l'hôpital, à 32 ans. Terra Fecundis, qui envoie en France plus de 2 000 saisonniers agricoles chaque année, est au cœur d'une enquête sur le business de ces "travailleurs de l'ombre", à voir dans "Envoyé spécial" le 7 janvier 2021.
"Il s'est évanoui, et ils l'ont laissé par terre, plusieurs heures"
Les journalistes Laura Aguirre de Carcer et Thomas Guery ont rencontré Carmen Maldonado, la sœur d'Elio Iban. Elle ne comprend pas comment il a pu mourir d'un coup de chaleur, lui qui était si "plein de vie, habitué aux conditions de travail difficiles". Elle a interrogé d'autres saisonniers qui travaillaient avec lui ce jour-là. D'après eux, raconte-t-elle, "[s]on frère a commencé à se sentir mal, il a demandé de l'eau, mais le chef ne laissait personne boire de l'eau ce jour-là. Ils lui ont dit de continuer à travailler. Il s'est évanoui, et ils l'ont laissé par terre, plusieurs heures".
Selon les récits qui lui ont été faits, personne n'aurait alors alerté les secours. Seule l'une des camionnettes chargées de répartir le personnel d'exploitation en exploitation a fini par arriver, "des heures plus tard, précise-t-elle, quand mon frère était encore au sol, presque mort. Le médecin m'a dit que s'il avait été emmené plus tôt à l'hôpital, il aurait pu être sauvé. Parce qu'ils ont refusé de lui donner un simple verre d'eau, ils ont laissé mourir mon frère".
"Des situations qui confinent à l'esclavage moderne"
L'exploitant agricole conteste cette version des faits. Il affirme que tous les travailleurs avaient à boire. Poursuivi pour homicide involontaire, il a été relaxé. Quant à l'agence d'intérim qui avait envoyé Elio Iban en France, elle n'a pas été inquiétée. "Une injustice de plus" pour Carmen Maldonado qui estime, avec Me Yann Prevost, que Terra Fecundis aurait dû être mise en examen.
L'avocat dénonce "des situations qui confinent à l'esclavage moderne, une forme d'exploitation systématique sur des travailleurs qui sont dans des situations personnelles précaires et vont suivre des rendements de travail élevés, dans des conditions de sécurité ou de logement parfois insalubres et indignes, et qui vont mettre en danger leur santé".
Suite à ce décès et à plusieurs signalements de l'Inspection du travail, la justice a ouvert une enquête préliminaire en 2014. Reporté à plusieurs reprises, le procès de Terra Fecundis, soupçonnée de "travail dissimulé en bande organisée", devrait enfin se tenir sept ans plus tard, en 2021.
Extrait de "Les travailleurs de l'ombre", une enquête à voir dans "Envoyé spécial" le 7 janvier 2021.
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