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Vidéo Du lait de chèvre toute l'année : quand même les pionniers du bio ne respectent pas la saisonnalité

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Complément d'enquête. Quand le bio ne respecte pas la saisonnalité
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Article rédigé par France 2
France Télévisions

Le 30 septembre 2021, "Complément d'enquête" dévoile la face cachée du "bio business" et ses dérives. Les journalistes ont enquêté sur les coulisses de la bouteille de lait de chèvre bio vendue chez Biocoop, l’un des pionniers du secteur. 

Des produits bruts, locaux, de saison, 100% bio, des agriculteurs rémunérés au juste prix, un commerce équitable : depuis trente-cinq ans, Biocoop communique sur l'éthique et les valeurs qu'affiche encore aujourd'hui sa charte déontologique. Malgré ces belles promesses, le pionnier du bio est critiqué par certains de ses producteurs, pour ses méthodes qui ressembleraient un peu trop à celles de la grande distribution, selon eux. "Complément d'enquête" vous fait découvrir les coulisses de la bouteille de lait de chèvre bio.

Les journalistes ont rencontré deux des producteurs du lait de chèvre vendu chez Biocoop. Jean-Hugues Sicot est éleveur dans les Deux-Sèvres, et Philippe Jousserand dans le Larzac. Le premier vient du conventionnel, et a fui le système par conviction. Sa production ne permet, à lui et sa femme, de dégager qu'un salaire de 500 euros chacun par mois. Pour gagner plus, il lui faudrait se résoudre à forcer la nature...

Perturber le cycle hormonal des chèvres pour leur faire produire du lait toute l'année

En effet, une chèvre ne met bas qu'une fois par an, et ne donne du lait que pendant dix mois, de janvier à octobre. Pour étendre sa période de lactation à douze mois, il faut perturber son cycle hormonal. C'est ce que l'on appelle le "désaisonnement". La chèvre peut alors parfois avoir deux petits par an. C'est une pratique admise dans le conventionnel, mais Jean-Hugues se refuse à l'envisager.

Notre second producteur, lui, s'est résolu à installer des néons dans sa bergerie. Utilisée deux fois par jour, la lumière artificielle sert à "tromper" le métabolisme de ses chèvres afin qu'elles puissent aussi avoir des petits pendant l'hiver. "C'est simplement de l'éclairage qui doit être capté par l'œil de la chèvre, de façon à ce qu'elle sécrète de la mélatonine [pour entrer en chaleur]. En fait, on lui fait croire qu'en plein hiver, on est en fin d'été", explique Philippe Jousserand, affirmant que les bêtes ne souffrent pas de cette méthode. Sans les 15 000 euros supplémentaires que lui assure ce lait "désaisonné", il ne s'en sortirait pas, dit-il.

Un respect de la saisonnalité garanti noir sur blanc dans la charte Biocoop

Chez Biocoop, peut-on ignorer le recours à cette technique contre-nature ? Difficile à imaginer : les assemblées générales du groupement de producteurs (CBF, Chèvres bio France) auquel appartiennent nos deux éleveurs se tiennent en présence d'un représentant de Biocoop. L'enseigne a aussi investi dans l'entreprise qui transforme leur lait, La Lémance. Le lait y est acheté plus cher l’hiver, les éleveurs ont donc tout intérêt à produire hors saison. La bouteille de lait de chèvre Biocoop, elle, est vendue 3,79 euros toute l'année...  

Quid alors du respect de la saisonnalité, garanti noir sur blanc par la charte de déontologie de Biocoop ? "Pour la question des laits animaux, ce n'est pas encore un engagement de Biocoop", argue son président, Pierrick De Ronne, qui néanmoins "souhaite que ça le devienne (...) dans les prochaines années".

Depuis le tournage de "Complément d'enquête", le groupement CBF a été dissous, et nos deux éleveurs ne veulent plus travailler avec Biocoop.

Extrait de "Grandes surfaces : main basse sur le bio !", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 30 septembre 2021.

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