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Qu'Emmanuel Macron "assume qu'il veut moins de paysans et plus de profits pour l'agroalimentaire", dénonce la Confédération paysanne

Laurent Pinatel, porte-parole national de la Confédération paysanne, s'avoue dubitatif sur les intentions d'Emmanuel Macron de recevoir lundi les dirigeants des syndicats agricoles dans le cadre du Grand débat puisque, selon lui, rien n'est ressorti des Etats généraux de l’alimentation menés pendant un an.

Article rédigé par franceinfo
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Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, le 12 février 2016, à Paris. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Qu'Emmanuel Macron "assume qu'il veut moins de paysans et plus de profits pour l'agroalimentaire", a déclaré, lundi 11 février sur franceinfo, Laurent Pinatel, porte-parole national de la Confédération paysanne, alors que le chef de l'Etat reçoit ce lundi les dirigeants des syndicats agricoles pour qu’ils participent au Grand débat. "Cela fait un an qu’on a débattu des Etats généraux de l’alimentation, de toutes les questions agricoles et alimentaires, ce qui peut être assimilé à un grand débat national : rien n’en est ressorti", a aussi estimé le porte-parole paysan.

franceinfo : Si vous aviez une proposition, quelle serait-elle ?

Laurent Pinatel : Cette histoire de grand débat national est un peu compliquée. Cela fait un an qu’on a débattu des Etats généraux de l’alimentation, de toutes les questions agricoles et alimentaires, ce qui peut être assimilé à un grand débat national : rien n’en est ressorti. On ne comprend pas trop l’invitation d’Emmanuel Macron. Il y a le discours du président de la République, des prises de parole régulières en direction de l’agriculture et de l’alimentation qui se veulent plutôt séduisantes, habiles, vertueuses et il n’y a pas d’acte. Donc, au bout d’un moment, ce qu’on va porter à Emmanuel Macron cet après-midi c’est de dire : vous venez de rater la loi sur les Etats généraux de l’alimentation. Quand est-ce que vous allez prendre conscience que des paysans et paysannes souffrent ? Que des gens n’ont pas de quoi manger ? Et quand est-ce qu’on réconcilie agriculture et alimentation ?

La loi alimentation est entrée récemment en vigueur, avec l’augmentation des prix de certains produits en supermarché pour aider en principe les exploitants agricoles. Vous en voyez la couleur ?

Non, on n’en voit pas la couleur et on n’en verra pas la couleur. De toute façon, il y a une obligation faite aux grandes surfaces de faire 10% de marge minimum sur tous les produits qu’ils vont vendre. Sur la grande théorie macronienne du ruissellement, on nous dit que ces 10% vont revenir automatiquement et de façon très fluide aux producteurs. On sait très bien que ces gens-là s’ils n’ont pas de contrainte, s’ils n’ont pas l’obligation de nous reverser les marges supplémentaires, ils ne les reverseront pas, il n’y a aucun contrainte dans la loi.

Vous allez le dire au chef de l’Etat ?

On va le dire au chef de l’Etat, on l’a dit au ministre de l’Agriculture Didier Guillaume il y a 15 jours, on va le redire à Emmanuel Macron. Qu’il assume qu’il veut moins de paysans et qu’il veut plus de profits pour l’agroalimentaire. Aujourd’hui, la politique qu’il est en train de mener c’est ça : moins de paysans et de paysannes, une dégradation et une standardisation de la qualité de l’alimentation, et puis une industrie agroalimentaire qui se gave. On le voit avec la reculade sur le glyphosate : les pesticides, c’est une question de santé publique, et Emmanuel Macron est en train de se coucher devant les lobbys de l’agroalimentaire. On a qu’à se donner les moyens d’en sortir. Aujourd’hui 50% du glyphosate est utilisé sur de la vigne. Qu’est-ce que le glyphosate vient faire sur les vignes, sinon éviter les coûts de main d’œuvre, notamment dans le Bordelais chez des gens qui vendent leur vin à des prix élevés et qui ont de quoi se payer un peu de mécanisation dans leur vigne ? C’est beaucoup de promesses pour finalement faire complètement autre chose. On a l’impression que les paysannes et paysans n’y croient plus, et quand les gens n’y croient plus, il ne faut pas s’étonner que tous les trois jours, il y ait deux paysans qui se suicident.

Vous allez aussi lui demander d’accélérer le versement des aides aux producteurs bio ?

Oui, des producteurs attendent leurs aides de 2016. On a rencontré les services du ministère de l’Agriculture il y a 15 jours et on nous a promis que fin juin tout serait réglé. On nous a dit que c’était un problème de logiciel. Même un gamin de CM2 ne le croirait pas !

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