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Cohabitation loups-éleveurs : "La France est un petit peu à la ramasse"

Interviewée mardi sur franceinfo, Geneviève Carbone, ethno-zoologue et spécialiste du loupm revient sur la difficile cohabitation entre les éleveurs et les loups dans les massifs. 

Article rédigé par franceinfo
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Un loup commun chassant aux abords d'une forêt (photo d'illustration).  (MAXPPP)

"On n'aide pas [les éleveurs] autant qu'il le faudrait [...], la France est un petit peu à la ramasse à ce niveau-là", a observé mardi 27 août sur franceinfo Geneviève Carbone, ethno-zoologue et spécialiste du loup, alors que neuf personnes cagoulées et armées, se présentant comme éleveurs dans les Hautes-Alpes, ont publié samedi une vidéo où ils annoncent qu'un "Front de libération du Champsaur" va "entrer en action" contre le loup"Trop, c'est trop, disent-ils dans cette vidéo qui reprend les codes des conférences de presse clandestines des nationalistes corses. Aujourd'hui, plus de 600 animaux sont morts sous les crocs du loup dans les Hautes-Alpes. La pression n'est plus tenable pour les éleveurs."

franceinfo : Que vous inspire cette vidéo ?

Geneviève Carbone : Aujourd'hui, ça fait le buzz et ça prend une forme très préoccupante avec cette mise en scène qui est très particulière. Mais ce ras-le-bol et ce sentiment de profond mal-être existent depuis le départ. La confrontation entre un élevage extensible de haute montagne et un prédateur, cela pose des problèmes réels. Il y a un suivi réel des loups, il y a un accompagnement des éleveurs, mais je pense que dans ces affaires, on peut toujours mieux faire. Au-delà des dommages qui sont réels, qui peuvent être compensés, au-delà des interventions qui peuvent être faites légalement sur le loup, il y a clairement quelque chose qui relève de l'humain. Parce qu'au-delà du seul métier d'éleveur, il faut rappeler des tas de choses. Ces gens, c'est leur identité sociale, ils ont des convictions qui sont liées à ce qu'ils sont. Cette identité sociale, ça fait des siècles qu'elle est basée sur l'aménagement des pâturages, l'aménagement de la montagne.

C'est leur identité sociale mais c'est surtout leur gagne-pain ?

Et c'est leur identité professionnelle, bien évidemment. C'est toute leur vie. Mais au-delà des simples éléments financiers, que je ne remets pas du tout en question, au-delà des problèmes que cela cause dans leur travail au quotidien, il est clair que ça remet en jeu tellement de choses qu'ils se sentent abandonnés. Et c'est clair que si l'on veut permettre une vraie cohabitation, a fortiori dans un parc national qui est une zone protégée et qui doit le rester, il faut les accompagner beaucoup plus et beaucoup mieux, et pas uniquement d'un point de vue technique. Il faut les accompagner humainement.

Il est clair que quand quelqu'un le matin trouve des bêtes tuées, personne n'est préparé à ça, surtout quand c'est en abondance.

Geneviève Carbone

sur franceinfo

Quelles formes cet accompagnement doit-il prendre ?

Il faut continuer un accompagnement humain, pas uniquement quand il y a eu des dommages. Quand on vient voir quelqu'un juste parce qu'il y a eu des brebis au tapis, ce n'est pas un accompagnement. On vient constater le décès. Un accompagnement humain, c'est y aller régulièrement, y compris quand ça va bien, pour prendre des nouvelles, pour savoir comment ça se passe, pour savoir si on peut mieux faire, s'ils ont vu les loups récemment, s'ils ont des inquiétudes. Parfois, c'est aussi faire de l'information sur ce qu'est vraiment le loup. Le loup est un animal qui vit en meute, qui a des stratégies adaptatives. On sait très bien qu'en fonction des pays, on a une gestion différentielle des prédateurs. On sait bien que la France est un petit peu à la ramasse à ce niveau-là. On souffle le chaud et le froid, on n'aide pas autant qu'il le faudrait, en tout cas d'un point de vue humain, et après on fait appliquer des procédures de tirs sur les loups. Cette espèce est légitimement présente. Elle pose des questions éthiques à notre société. Qu'est-ce que nous voulons faire de ces alpages, de ces zones protégées ? Sommes-nous capables de donner des leçons pour la protection de la nature et de ne pas les appliquer chez nous ?

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