À vrai dire. La France vit-elle la "catastrophe agronomique du siècle" ?
Une vague de gel s'est abattue sur la France ces dernières semaines. Elle a détruit des milliers d’hectares de cultures. Aussitôt, les déclarations se sont multipliées pour décrire l’ampleur des dégâts. Le ministre de l'agriculture a carrément parlé de "la plus grande catastrophe agronomique du siècle". Alors, Julien Denormandie a-t-il exagéré ? Pas si sûr.
Évènement sans précédent, historique... Les politiques -comme les médias d'ailleurs- ne sont souvent pas avares de superlatifs. Voilà pourquoi on s'est demandé si le ministre français de l'agriculture, Julien Denormandie, ne se montrait pas outrancier en déclarant ceci sur la chaîne Public Sénat :"On a eu un évènement climatique dramatique, probablement la plus grande catastrophe agronomique de ce début du XXIe siècle."
Il semble que cette fois, cette déclaration ne soit pas exagérée.
Alors que s'est il passé ?
Depuis début avril, la France connaît ce que les météorologues appellent un épisode de froid tardif : des températures très en dessous des normales saisonnières, avec du gel intense dans tout le pays. Jusqu'à moins 10 degrés dans certaines zones.
Gaétan Heymes, prévisionniste à Météo France : "Depuis le début du XXIe siècle, on a jamais eu de températures aussi basses moyennées à l'échelle du pays, que celle calculée le 7 avril. Ce jour-là, on a observé une température de 5,1 degrés environ. Pour avoir un niveau de froid aussi intense en avril, il faut remonter à 1996."
Problème : cette période de froid a, en plus, été précédée d'un début de printemps très chaud, quasi estival. Alors qu'il faisait -7 degrés à Beauvais le 6 avril par exemple, le thermomètre affichait 24 degrés dans la même ville, une semaine plus tôt.
Une chaleur précoce qui avait déclenchée la floraison et la fructification des végétaux avec beaucoup d'avance.
Benjamin Bois, agro-climatologue au Centre de recherche de climatologie : "Quand on a un début de printemps plus chaud, cela favorise le départ en végétation des végétaux. Et quand les végétaux commencent à pousser et bien ils sont plus sensibles au gel. Et donc si derrière, il y a du froid, des gelées, on se retrouve avec des dégâts considérables sur les cultures."
Voilà comment beaucoup de cultures de vignes, d'arbres fruitiers ou de céréales ont été dévastées en France.
10% du colza et de la betterave auraient été détruits. Les viticulteurs parlent d'un tiers de leur production perdue. La moitié des récoltes de fruits pourraient également avoir été réduites à néant.
Le bilan n'a jamais été aussi lourd depuis le début de ce siècle. Et même sur la fin du siècle dernier, les épisodes comparables ont été rares.
Benjamin Bois, agro-climatologue au Centre de recherche de climatologie : "Il y a eu certes 2003 et 2017 mais c'était circonscrit à certaines cultures et à certaines régions de la France. Là, on a tout le territoire national qui a été atteint et nombre de cultures qui ont été affectées. Si on remonte un peu dans le passé, c'est difficile de retrouver des périodes similaires. On a des successions chaud/froid avec des dégâts en 1947 ou en 1991. Mais cette brutalité dans l'étendue du territoire est assez exceptionnelle, en tous les cas pour le XXIe siècle."
En résumé : le ministre français de l'agriculture n'est pas alarmiste quand il parle de la pire catastrophe agronomique du siècle. Le gouvernement prévoit d'ailleurs d'importantes aides financières pour les agriculteurs touchés.
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