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Rapport de l'OCDE sur l'emploi : "La croissance ne profite pas à tous"

Suite à la publication du dernier rapport sur l'emploi de l'OCDE, l'économiste Eric Heyer revient sur le phénomène de stagnation des salaires constaté en France.

Article rédigé par franceinfo
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Photo d'illustration. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a rendu, jeudi 5 juillet, son dernier rapport sur l'emploi. Si les experts constatent une embellie, avec une croissance économique en redressement et un chômage à un niveau exceptionnellement bas dans certains pays, ils alertent cependant sur la stagnation des salaires, en particulier les petites rémunérations.

Invité de franceinfo, Eric Heyer, économiste et directeur du département analyse et prévision à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), estime qu'"il y a un mécanisme qui fait que la croissance ne profite pas à tous." Ce spécialiste de l'emploi estime également que "la qualité des emplois créés est finalement moindre que ceux qui étaient créés avant la crise."

franceinfo : Comment expliquer le fait que l'emploi progresse mais que les salaires stagnent ?

Eric Heyer : Il y a un mécanisme qui fait que la croissance ne profite pas à tous. La croissance progresse mais la redistribution des richesses que l'on créées ne se répartit pas de façon équitable et profite d'avantage aux classes aisées qu'aux classes basses. Ce déséquilibre passe en partie par la distribution des salaires et la qualité de l'emploi qui est créé. Dans un grand nombre de pays de l'OCDE, on peut constater que le taux de chômage est revenu au niveau qui prévalait avant la crise, ce qui signifie qu'on a créé suffisamment d'emplois par rapport à tout ce qu'on avait détruit pendant cette période. Nous aurions donc "effacé la crise" mais la qualité des emplois créés est finalement moindre que ceux qui étaient créés avant la crise.

Qu'entendez-vous par une "qualité de l'emploi moindre" ?

Ça peut être plus de précarité avec des contrats plus courts, ça peut également passer par la rémunération un peu plus faible qui est associée à ce type d'emploi, ça peut aussi vouloir dire que la durée du travail est plus faible, avec plus de temps partiels que de temps complets. On constate également des phénomènes de polarisation, c'est-à-dire que ce ne sont pas les mêmes emplois que l'on crée. Avec la mondialisation et le progrès technique qui continue à améliorer la productivité, on crée moins d'emplois industriels et plus dans les services. Dans ce secteur, il y a deux types d'emplois créés : ceux de très haute qualité et ceux de très basse qualité. La polarisation, c'est le fait que les emplois intermédiaires, qui étaient rémunérés à un salaire convenable, ont disparu. Désormais on est soit sur un emploi de faible qualification, soit de très forte qualification. On constate que les salaires dans les emplois à forte qualification progressent assez fortement. En revanche, les emplois bassement qualifiés ont non seulement un salaire faible mais également peu ou pas de progression.

Est-ce inéluctable ?

Si on laisse faire, le système est franchement inégalitaire. Ça ne peut déboucher que vers ce type de mécanismes et c'est très difficile de lutter contre ces phénomènes. Il est donc important d'essayer, dans un premier temps au moins, de mieux redistribuer ces richesses. C'est sur ce point que l'on retrouve toute les discussions sur l'imposition et les dépenses sociales. Il y a ensuite des politiques de long terme. Sur ce point, l'OCDE propose deux volontés politiques. Tout d'abord, mieux qualifier les salariés, non pas aux besoins des entreprises mais à être polyvalent, en montant en compétences et en productivité. Ensuite, il va falloir plus de négociations collectives et que les partenaires sociaux soient plus puissants et plus indépendants.

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