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Baisse des contrats aidés : "Je me sens trahi par le gouvernement"

Le gouvernement a décidé de baisser le nombre de contrats aidés. En Seine-et-Marne, rencontre avec Benoît dont le contrat n'a pas été renouvelé, et Jean-Yves est dont l'emploi est menacé. 

Article rédigé par Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Benoît Ménager, projectionniste du cinéma de Mons-en-Montois, en Seine-et-Marne, en septembre 2017. (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

La diminution du nombre des contrats aidés annoncée par le gouvernement, continue de peser sur la rentrée. Plusieurs écoles ou collèges, cantines scolaires ou encore établissements spécialisés manquent de personnel. Le monde associatif aussi est touché : le non-renouvellement d’un contrat aidé a parfois d’importantes conséquences.

En Seine-et-Marne, les dégâts provoqués par la baisse des contrats aidés : le reportage de Matthieu Mondoloni

Le cinéma de Mons-en-Montois est un peu le lieu de vie de ce petit village de moins de 500 habitants, en Seine-et-Marne. Dans la petite maison discrète aux murs décrépis, Michel Leclerc, le propriétaire, compte les entrées de la séance de la veille. Cette séance sera peut-être l'une des dernières dans la petite salle d'art et d'essai ouverte il y a 15 ans.

C'est en téléphonant à Pôle emploi quelques jours avant la réouverture du cinéma, le 1er septembre, que Michel a découvert que le contrat aidé de son projectionniste ne serait pas renouvelé par l’État. Au téléphone, l'agent lui a répondu : "Non, c'est fini, tout est gelé, il n'y a plus rien, c'est terminé, il n'y a plus de contrat, raconte l'homme de 88 ans. C'est comme ça : je l'ai appris du jour au lendemain. Il n'y a qu'une solution, c'est de fermer."

C'est tombé comme de la grêle en plein mois d'août.

Michel Leclerc, propriétaire du cinéma de Mons-en-Montois

à franceinfo

Michel Leclerc, le propriétaire du cinéma de Mons-en-Montois (Seine-et-Marne), en septembre 2017. (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Pour l'instant, le projectionniste, Benoît Ménager, continue à venir bénévolement. Pour ne pas tourner en rond, il fait tourner le projecteur. Mais il s'inquiète pour l'avenir du cinéma de Mons-en-Montois : "Il y a plein d'associations comme la nôtre qui n'ont pas assez d'argent", rappelle cet homme de 57 ans, embauché il y a trois ans. Il était le seul salarié de l'association qui gère le petit cinéma. "C'est une petite association qui pouvait survivre grâce à ces contrats. Si on ne peut pas trouver une solution, on ferme ce cinéma. Et ça, c'est réellement très dur." 

Chômeur du jour au lendemain

"Voilà, je me retrouve au chômage", lâche Benoît Ménager encore sous le choc. Victime d’un accident vasculaire cérébral, il y a plusieurs années, il a perdu une partie de sa mobilité et sait qu’il aura du mal à trouver un travail. Et puis, il y a son âge, "c'est ça le gros souci, c'est jeune et pas jeune"; affirme le quinquagénaire. Alors, la colère monte car, dit-il "un petit truc comme ça peut entraîner beaucoup de choses, de mauvaises choses. Ça peut tuer des personnes. Il y en a tellement maintenant qui se suicident dans les entreprises."

Je me sens trahi par le gouvernement. On te demande toujours de t'adapter, j'ai toujours connu ça, sauf qu'il n'y a rien derrière.

Benoît Ménager, projectionniste au cinéma de Mons-en-Montois

à franceinfo

Le cinéma de Mons-en-Montois, en Seine-et-Marne, en septembre 2017. (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Des contrats essentiels dans le social et le scolaire

À 3 km de là, à Donnemarie-Dontilly, Jean-Yves Derbecque, 56 ans, prend son service à la mairie. Cela fait trois ans qu'il s’occupe de la voirie et des espaces verts pour les 2 900 habitants de la commune. Son contrat aidé court jusqu'en septembre. Après cela, il ne sait pas s'il sera renouvelé. Jean-Yves sait qu'il gagnerait plus d'argent en étant au chômage, mais il n'imagine pas ne plus travailler. "J'ai connu des personnes qui étaient en difficulté, qui sont tombées et ne sont jamais remontées, confie-t-il. Elles n'ont jamais pu retrouver du travail et sont tombées dans une autre dimension : l'alcool, la déprime... C'est comme ça !" 

La mairie a promis de défendre son dossier auprès de l'État. "C'est quelqu'un qui est proche de la retraite, qui n'a pas de moyen de locomotion, qui est polyvalent mais sans qualification, indique Marie-Christine Henderycksen, la secrétaire de mairie. Elle espère qu'avec la polémique autour de cette baisse des contrats aidés, le gouvernement reviendra sur sa décision, au moins en partie : "Peut-être qu'il y a eu des excès à un moment donné, c'est vrai, dit-elle, mais au moins que le gouvernement soit sensibilisé sur certains domaines, notamment scolaire ou social, de manière à ce que ça puisse perdurer."

Jean-Yves Derbecque, salarié de la mairie de Donnemarie-Dontilly (Seine-et-Marne) depuis 2014. Ici en septembre 2017. (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Pas certain que cela suffise à obtenir gain de cause. Le Premier ministre, Édouard Philippe, a confirmé dimanche que, pour 2018, il y aurait "nettement moins de contrats aidés qu'en 2017", année qui doit déjà voir ce type de contrats baisser d'environ 30% par rapport à 2016. "Nous voulons progressivement réduire le nombre des contrats aidés et développer la formation", a-t-il déclaré lors de l'émission Questions Politiques de franceinfo/France Inter/Le Monde.

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