Assurance-chômage : "Le gouvernement n'est pas sur la bonne voie", selon un économiste
Un tour de vis concernant l'indemnisation des chômeurs ? L'annonce du Premier ministre fait beaucoup réagir depuis mercredi 27 mars. Gabriel Attal a évoqué "une réforme de l'assurance-chômage cette année" et a notamment proposé de baisser de plusieurs mois la durée d'indemnisation, qui est aujourd'hui de 18 mois. Pour Alexandre Delaigue, professeur d'économie à l'université de Lille, "le gouvernement n'est pas sur la bonne voie".
franceinfo : Avec ces propositions, le gouvernement prend-il une bonne décision afin de réduire le chômage ?
Alexandre Delaigue : Ce n'est pas ça qui va permettre de faire les économies nécessaires pour atteindre les objectifs, qui sont très ambitieux en matière de déficit. Ce n'est ni quelque chose qui en soi permettrait d'atteindre le plein-emploi, ni quelque chose qui permettrait de réduire les déficits de manière suffisante. C'est essayer de faire quelque chose.
Que pensez-vous du tour de vis envisagé par le Premier ministre, de baisser la durée d'indemnisation des chômeurs de 18 à 12 mois ?
Réduire la durée d'indemnisation, c'est une chose, mais cela suppose que les chômeurs sont au chômage parce qu’ils sont indemnisés et donc qu'ils attendent la fin de l'indemnisation pour reprendre un emploi. Oui, il y a des métiers en tension, mais ce n'est pas parce qu'il y a des métiers en tension que tous les gens ont les compétences pour pouvoir exercer ces emplois.
"La majorité des gens en France souhaitent exercer des emplois qualifiés. Et le problème, c'est que si l'indemnisation du chômage est réduite, les gens vont se ruer sur les premiers emplois disponibles."
Alexandre Delaigue, professeur d'économie à l'université de Lillesur franceinfo
Et par ailleurs, le problème de fond, c'est que les gens ont un certain nombre de compétences qu'ils ont atteintes. Si vous réduisez la durée d'indemnisation de l'assurance-chômage, le risque c'est d'avoir des gens qui ont des qualifications moyennes qui attendent un certain temps avant de trouver, mettons, un emploi d'assistant dans une région et qui vont prendre un emploi de livreur ou pour fabriquer des sandwichs dans une sandwicherie, pour reprendre des exemples souvent utilisés. Ce n'est pas une mauvaise chose, mais c'est un gaspillage à un autre niveau. Sur le court terme bien sûr, ça augmente le niveau d'emploi. Mais sur le long terme, ce n'est pas quelque chose qui fait que les qualifications vont être utilisées de la bonne façon, ce qui est le problème permanent d'assurance-chômage.
Le résultat risque-t-il d'être une forme de plein-emploi artificiel ? Sachant que le taux de chômage est légèrement supérieur à 7% de la population aujourd'hui et que le gouvernement vise toujours le plein-emploi, à savoir 5% de chômeurs ?
Peut-être que cet objectif sera atteint, mais c'est le genre de choses pour lesquelles on vous donne un chiffre et vous allez atteindre ce chiffre, quelle que soit la manière dont vous l'atteignez ce chiffre. Là, c'est un petit peu ce qu'on est en train d'observer. À titre de comparaison, aux États-Unis, le plein-emploi est atteint parce que la demande de travail, soutenue par une dépense publique des programmes d'investissement, est très importante. Et de ce fait, on observe que les gens qui, il y a trois ou quatre ans, avaient un salaire minimum à 8 dollars par heure, ont aujourd'hui un salaire minimum à 15 dollars par heure, et les employeurs se les arrachent.
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