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Témoignage "Il y a deux morts par jour au travail" : des familles de victimes demandent "plus de prévention" et "plus de répression"

Des proches de victimes d'accident du travail se rassemblent samedi après-midi à Paris pour réclamer un meilleur accompagnement du gouvernement.
Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un chantier à Perpignan, le 14 février 2022. (CLEMENTZ MICHEL / MAXPPP)

Un collectif de proches de personnes victimes d'accidents mortels au travail appelle à un rassemblement, samedi 4 mars à Paris. Selon la Dares, la direction des statistiques du ministère du Travail, le nombre de décès est passé de 476 en 2005 à 790 en 2019. Ces familles meurtries demandent notamment à ce que les morts au travail soient davantage mises en lumière par le gouvernement.

Le 28 février 2022, Caroline Dilly a perdu une partie d'elle-même. "J'ai perdu mon fils Benjamin dans un accident du travail, une chute de nacelle et, depuis ce jour, ma vie n'a plus jamais été la même", raconte-t-elle. Benjamin avait 23 ans et était couvreur-zingueur. "Il était entré en tant qu'intérimaire dans cette entreprise et ça faisait un an qu'il était en CDI." Depuis la mort de son fils, "il ne s'est absolument rien passé", dit-elle. 

Informations difficiles d'accès 

Caroline Dilly a porté plainte. La mort de son fils a été reconnue comme accident du travail par la sécurité sociale. Mais pour la mère endeuillée, il reste encore beaucoup de questions sans réponses. "La gendarmerie n'a toujours pas fini son enquête", déplore-t-elle. "Un an plus tard, je ne sais toujours pas à quelle heure mon fils est tombé, je ne sais pas de combien de mètres il est tombé."

Elle est déstabilisée par la procédure judiciaire. "On nous dit qu'il faut se constituer partie civile très rapidement, qu'il faut qu'on porte plainte très rapidement. On arrive dans un autre monde". Puis elle se met à la recherche d'un peu d'information sans succès. "Mais il n'y a rien en France pour les accidents mortels au travail". Démunie, elle se rapproche du "Collectif familles : Stop à la mort au travail". Toutes déplorent le vide qui suit ces décès brutaux, le manque d'accompagnement psychologique, les procédures judiciaires compliquées, l'errance administrative et surtout l'invisibilité de leurs morts.

"Il faut vraiment que les gens aient un vraie prise de conscience. Il y a deux morts par jour au travail. Deux personnes qui se lèvent le matin pour aller travailler et qui ne rentrent pas chez elles."

Caroline Dilly

à franceinfo

Le collectif demande plus de prévention : "Je suis persuadée qu'on pourrait éviter au moins huit à neuf accidents sur dix", estime Caroline Dilly. Le collectif réclame aussi de la répression "car il y a des entreprises qui n'en sont pas à leur premier mort au travail". "Les employeurs ont besoin de moyens pour qu'on les accompagne", poursuit Caroline Dilly. "Si on avait plus d'inspecteurs du travail qui fassent aussi de la prévention pour que ça n'arrive plus". Le collectif portera ses revendications ce samedi après-midi au ministère du Travail, où une délégation sera reçue. 

La France mauvaise élève en Europe

Sur la fréquence des accidents du travail, "la France se classe en tête des pays en Europe, selon la Commission européenne", note Matthieu Lépine, enseignant en histoire-géographie et auteur de L’hécatombe invisible, enquête sur les morts au travail. Et "c'est un des seuls pays où ça augmente", ajoute-t-il. Les secteurs les plus touchés par les accidents du travail sont "le BTP, avec des chutes, le secteur agricole et l'industrie, avec des accidents liés aux machines, le transport", mais aussi "des métiers dont on parle moins comme le bucheronnage ou les marins-pêcheurs". 

En outre, le phénomène est selon lui sous-estimé : "un accident sur deux ne serait pas déclaré", précise Matthieu Lépine. Il pointe le manque de moyens et "le mal qui est fait à tous les acteurs de la prévention". Il énumère "les inspecteurs du travail, la médecine du travail, les CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) qui ont été supprimés". Selon lui, ces acteurs de la prévention sont "moins nombreux, avec moins de moyens, et donc moins efficaces."
 

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