Cet article date de plus de quatre ans.

Lutter contre les discriminations sur le marché du travail permettrait à la France "de gagner 7% de PIB sur deux décennies", assure un économiste

Crever le plafond de verre de la majorité blanche et masculine sur le marché du travail permettrait un gain économique, assure le chef de la division emploi et revenus de l’OCDE. Il faut par exemple encourager le congé paternité et aider les minorités à "se hisser".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Depuis juillet 2021, le congé paternité est passé de 11 à 28 jours, dont quatre jours obligatoires. (MAXPPP)

Le Conseil d'analyse économique (CAE) publie mardi 30 juin une série de recommandations pour mettre fin aux discriminations sur le marché du travail. Parmi elles, un congé paternité de quatre semaines, se rapprochant ainsi de la durée du congé maternité, "afin de libérer du temps et de la charge mentale aux mères".

Mettre fin à ces discriminations permettrait à la France "de gagner 7% de PIB sur deux décennies", commente sur franceinfo Stéphane Carcillo, économiste, chef de la division emploi et revenus de l’OCDE, chercheur associé à Sciences Po.

franceinfo : Pourquoi proposez-vous de porter à quatre semaines le congé paternité ?

Stéphane Carcillo : La France est en retard dans ce domaine. Surtout, il y a des pays qui ont fait vraiment des réformes très offensives comme récemment, l'Allemagne ou comme en Suède où la durée du congé paternité a été rallongée pour se rapprocher de la durée du congé maternité. L'objectif, c'est vraiment que dès la naissance, on puisse prendre une place importante auprès des enfants afin de libérer aussi du temps et de la charge mentale aux mères. Et on sait que pour mettre fin à la discrimination des femmes dans l'entreprise, il faut également s'intéresser à ce qui se passe à la maison.

Faut-il rendre obligatoire le congé paternité ?

Il y a un débat sur le fait de le rendre obligatoire ou pas. L'avantage de le rendre obligatoire, c'est que ça force les hommes à le prendre parce que dans certains pays où le congé a été allongé, les hommes n'ont pas pris le congé paternité qui leur était offert. Donc, les choses n'ont pas beaucoup bougé. Mais cela étant, il faut vraiment essayer de faire changer les choses non seulement du point de vue des pères, qui sont souvent assez allants pour prendre le congé, mais aussi du côté des employeurs qui, parfois, peuvent mettre la pression sur les pères pour qui ne prennent pas la totalité de leur congé de paternité.

Vous vous intéressez à d'autres cas de discrimination. Par exemple, pour les jeunes des quartiers populaires, vous dites qu'il faut favoriser l'estime de soi pour que ces personnes discriminées ne tombent pas dans le piège des stéréotypes dont ils sont la cible. Faut-il les aider à se hisser ?

On doit être aidé pour se battre et se hisser. Pour ces jeunes issus des quartiers défavorisés et de l’immigration, l'enjeu c'est autant ce qui se passe chez l'employeur que ce qui se passe à l'école. Il faut donner les moyens, habiliter ces jeunes à avoir des carrières intéressantes dans les entreprises, à accéder à de bonnes formations et à de bonnes écoles. Et pour cela, il y a des interventions qui existent, qui leur permettent finalement de rattraper leur retard, dans certains cas, sur des compétences qu'on appelle sociales, sociétales de comportement, sur leurs aspirations grâce au fait de pouvoir leur montrer des modèles de réussite qui leur ressemblent. Tout cela est extrêmement important pour qu'ils puissent se projeter dans un avenir professionnel qu'ils méritent.

Ces discriminations représentent-elles un coût économique pour la société ?

Effectivement, on estime que s'il n'y avait pas de différences de salaires et de carrière entre ces minorités et la majorité blanche et masculine dans notre pays qui englobe aussi les femmes, on pourrait gagner 7% de PIB sur deux décennies. Donc, effectivement, le coût est très important. Pourquoi? Tout simplement parce que les discriminations, ça exclut des gens du travail ou ça réduit leur potentiel. Ça les exclut de certains métiers alors qu'ils pourraient être excellents. Puis, ça mine aussi leurs talents et leur capacité de concentration dans certains métiers. Par exemple, quand on est gay et lesbienne et qu'on a peur de révéler son identité sexuelle dans l'entreprise parce qu’il y a des collègues qui ne sont pas très ouverts, on peut y penser tous les jours et ça peut miner ses capacités dans le de travail.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.