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Battes, manches de pioche… Les étranges méthodes "dissuasives" des services d'ordre syndicaux

Dans le cortège parisien, mardi, l'attirail déployé dans les rangs syndicaux a choqué de nombreux manifestants contre la loi El Khomri. 

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des membres du service d'ordre de Force ouvrière se déplacent avec des manches de pioche, le 17 mai 2016, à Paris, lors d'une manifestation contre le projet de loi Travail. (THOMAS SAMSON / AFP)

Mardi 17 mai, 16h30. A Paris, le rassemblement contre le projet de loi Travail touche à sa fin. Au moment de quitter les abords de la place Denfert-Rochereau, une jeune femme, foulard autour du cou, s'emporte contre des CRS postés là. "Expliquez-nous ! Expliquez-nous comment ces gens-là ont pu venir avec des battes de base-ball, alors que vous nous empêchez d'arriver avec un simple cure-dent !"

Dans le viseur de cette manifestante ? Non pas des casseurs, mais des membres des services d'ordre (SO) syndicaux. Casqués et munis de manches de pioche pour certains, ils quittent le cortège sous les huées de quelques dizaines de manifestants. Un homme, visiblement furieux, les apostrophe en se présentant comme un syndicaliste de SUD Santé : "Un tel équipement, c'est du jamais-vu, une honte !" Le ton monte.

"C'est de la dissuasion"

Une honte ? "Je comprends que cela puisse choquer, répond Jacques, un chef du service d'ordre de la CGT, interrogé par francetv info au sujet des manches de pioche. C'est de la dissuasion, nous n'en avons pas fait usage. Mais nous étions prêts si jamais des casseurs nous agressaient, comme le 12 mai." Ce jour-là, les syndicats ont déploré treize blessés dans leurs rangs, pris pour cibles par des casseurs en fin de cortège.

"J'ai des collègues qui ont été blessés la semaine dernière, je me suis moi-même pris un pavé à l'épaule", justifie un autre membre de l'organisation. Pour lui aussi, l'impressionnant attirail arboré par les services d'ordre vise uniquement à ce que "ça se passe bien cette semaine".

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Avant ce nouveau défilé, mardi, un appel avait été lancé à des volontaires pour renforcer les services d'ordre syndicaux. Un appel bien suivi, d'où un nombre conséquent de brassards rouges autour du cortège. "Je leur ai conseillé de passer chez Decathlon avant de venir", reconnaît Jacques, faisant allusion aux casques d'escalade portés par de nombreux membres de SO.

Une surenchère de violence ?

En cherchant à se protéger, les services d'ordre pourraient bien avoir attisé les tensions. Certes, aucun syndicaliste n'a cette fois été blessé, mais, en fin de cortège, l'apparition de battes en bois et même de matraques télescopiques choque nombre de manifestants, y compris dans les rangs syndicaux. Les slogans qui s'échappent de la foule en témoignent : "SO collabos !", "SO, police : même combat"… Dans les rangs, certains parlent même de "miliciens".

D'autres affirment avoir été témoins ou victimes d'abus. Parmi eux, cet homme, le nez en sang, qui se fait soigner par un "street medic", un membre du service médical. "Je me suis fait agresser par un SO, aucun doute là-dessus, assure-t-il. Il m'a donné un coup de coude au visage alors que je filmais."

Un matériel à la légalité douteuse

Comment éviter que les agressés ne deviennent les agresseurs et ne se fassent justice eux-mêmes ? La question de la légalité des manches et matraques dans le cortège se pose, notamment avant les nouvelles manifestations prévues jeudi. Les membres des services d'ordre sont en effet de simples syndicalistes, bénévoles, peu formés et pas habilités à utiliser de telles armes par destination : les matraques étant assimilées à des armes de 6e catégorie, leur port et leur transport est par exemple prohibé dans l'espace public.

A l'issue de la manifestation, la CGT ne s'y est pas trompée. Les volontaires ont été priés de rendre les battes en bois, qui ont été rangées dans une camionnette. "Vous n'entrerez pas dans le métro avec ça", leur a lancé leur responsable.

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