Du personnel non qualifié dans les blocs opératoires
Inconnues des patients, ces pratiques pourraient en effrayer
plus d'un. Certains hôpitaux et cliniques, publics et privés, emploient du personnel
non diplômé dans les blocs opératoires pour assister les chirurgiens, comme le
révèle vendredi Le Parisien. L'Ordre national des infirmiers (ONI) a saisi la
justice et levé le voile sur ces pratiques.
Entre février 2011 et juillet dernier, cinq plaintes ont ainsi
été déposées à l'encontre de 14 aides-soignants et un agent d'entretien un peu
partout en France. Motif : exercice illégal de la profession d'infirmier
et mise en danger d'autrui. Car oui, le danger pour les patients est bien réel.
Mise en danger des patients
"Ce sont des personnes qui n'ont pas de diplôme
d'infirmier et exercent des actes normalement dévolus à des infirmiers de bloc
opératoire" , a expliqué Didier Borniche, président de l'ONI. Souvent au
poste de circulant, ces faux infirmiers contrôlent le fonctionnement des
équipements nécessaires à l'intervention, accueillent, préparent, ou encore installent
le patient. Un rôle clé dans la garantie de l'hygiène et de la sécurité
de ce dernier.
Brigitte Ludwig, présidente de l'Union des associations d'infirmiers
de bloc opératoire (Unaibode), qui a tiré en premier la sonnette d'alarme, se
dit inquiète. " On nous a signalé le cas de brancardiers mettant les
patients en position sur les tables d'opération, ce qui relève de la compétence
du chirurgien (...) et des cas de secrétaires faisant office d'aide opératoire " , explique-t-elle au Parisien .
"La face
émergée de l'iceberg"
Pourtant, la réglementation est stricte : toute
personne n'étant pas au moins infirmier diplômé d'État est interdit d'accès
aux salles d'opération lors des interventions. Mais les chirurgiens et les
dirigeants des établissements hospitaliers, visés pour complicité d'exercice
illégal et mise en danger d'autrui, semblent fermer les yeux. Une complicité
dénoncée par Me Jean-Christophe Boyer, avocat de l'ONI qui explique que chaque
plainte " a donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire " . Pour l'avocat, " ces cas ne sont que la face émergée de l'iceberg " .
Les patients eux ne se doutent de rien mais le scandale ne date
pas d'hier, comme le précise Claude Rambaud, vice-présidente du Collectif
interassociatif sur la Santé (CISS). En 1999, alors que des chirurgiens
faisaient appel à leur épouse ou à leur secrétaire pour les assister au bloc,
les pouvoirs publics avaient tenté de mettre fin à ces pratiques. À en croire
le président de l'Union des chirurgiens de France, Philippe Cuq, le problème " a
été réglé depuis longtemps " .
Une formation à la dérive
Un mensonge aux yeux de l'ONI qui a notamment pour
prérogative de contrôler que les personnes exerçant cette profession sont
habilitées à le faire. Problème : seuls 6.000 infirmiers sur 500.000 sont
spécialisés pour les blocs opératoires alors que près de 20.000 chirurgiens exercent en France.
Et cet enseignement attire de moins en moins. Selon Brigitte
Ludwig, 50% des places dans les centres de formation sont " vacantes " .
Une pénurie qui se justifie notamment par le contexte économique difficile dans
lequel évolue de nombreux établissements. Un infirmier voulant se spécialiser
doit suivre cette formation longue de 18 mois. Pour certains hôpitaux au bord
de la cessation de paiement il est quasiment impossible de les financer et de
se priver de leurs membres infirmiers.
Les contrôles des autorités se faisant rares, le
phénomène prend de l'ampleur. Et puis après tout, pour Philippe Cuq, "ça
n'est pas le diplôme qui fait la compétence " . Difficile après ça de ne pas
angoisser avant une opération, d'autant plus quand on sait que 100.000 " accidents
indésirables graves " se produisent chaque année dans les blocs...
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.