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Grèce : comprendre le défaut de paiement en trois questions

Alors que les négociations entre Athènes et ses créanciers n'ont pas porté leurs fruits, francetv info vous explique en quoi consiste un défaut de paiement au regard de l'expérience des pays qui ont aussi connu cette situation.

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des Grecs font la queue pour retirer de l'argent, le 28 juin 2015, à Athènes (Grèce). (MENELAOS MYRILLAS / SOOC / AFP)

On y est. La Grèce avait jusqu'à mardi 30 juin pour rembourser une partie de sa dette à ses créanciers, d'un montant de 1,5 milliard d'euros. Le défaut de paiement semble inévitable alors que les négociations pour obtenir un nouveau plan d'aide, qui durent depuis plusieurs semaines, ont échoué. A quelques jours d'un référendum sur le plan proposé par ses créanciers, qui se déroulera le 5 juillet, la Grèce a pris ses dispositions pour protéger ses finances et son économie en décidant de fermer ses banques, de limiter les retraits aux guichets et de contrôler les capitaux.

Mais en quoi consiste réellement un défaut de paiement ? Francetv info vous aide à cerner ce qui pourrait attendre la Grèce.

Le défaut de paiement, c'est quoi?

C'est lorsqu'un pays (ou, plus couramment, une entreprise) ne parvient plus à rembourser sa dette au moment d'une échéance de paiement. "Cela résulte soit d'un problème de liquidité soit de solvabilité", explique Christian Chavagneux, journaliste économique et chercheur associé au Centre for Global Political Economy de l'université de Sussex (Angleterre).

Dans le premier cas, cela signifie que le pays ne dispose pas, à l'échéance, de l'argent nécessaire mais que celui-ci sera disponible à une date postérieure. Lorsqu'un pays n'est plus solvable, en revanche, cela signifie que le fonctionnement de son économie ne lui permet plus de générer suffisamment de recettes pour rembourser la dette.

"Dans le cas de la Grèce, c'est justement la question de la solvabilité qui est posée, résume le chercheur. Le FMI assure aux Grecs qu'ils ont juste un problème de liquidité et leur demande de renforcer encore la politique d'austérité, et donc de se serrer la ceinture encore deux ou trois ans, afin de pouvoir rembourser. De l'autre côté, le gouvernement d'Alexis Tsipras répond que ces politiques d'austérité ont tellement tué l'économie du pays que celui-ci n'est aujourd'hui plus capable de rembourser."

Comment en arrive-t-on là ?

Chaque situation est différente, mais les défauts de paiement sont plus fréquents qu'on ne l'imagine. Dans les années 1980, une grave crise touche les pays d'Amérique latine, les menant un à un jusqu'au défaut de paiement. Le phénomène commence en 1982 avec le Mexique. Après les deux chocs pétroliers qui ont marqué la décennie précédente, les pays exportateurs de pétrole décident de faire fructifier l'argent gagné dans les banques. Celles-ci se mettent à distribuer de l'argent à tout-va, prêtant à des taux variables aux pays en voie de développement. En une décennie, de 1970 à 1980, la dette de l'Amérique latine passe de 40 à 240 milliards de dollars, rapporte Le Monde.

Avec l'augmentation des taux d'intérêt et ses caisses qui se vident, le Mexique finit par suspendre ses remboursements à l'été 1982. Les banques décident alors d'arrêter de prêter dans la région. "Les créanciers ont paniqué, raconte Christian Chavagneux. Ils craignaient une grave crise internationale. Le FMI a décidé de prêter aux pays d'Amérique latine afin qu'ils remboursent les banques." En retour, il oblige le pays à mettre en place des politiques d'austérité.

"Les banques n'auraient pas dû prêter autant", assure le spécialiste. Une situation qui se rapproche de celle de la Grèce avant la crise. "Les investisseurs se sont dit que, comme la Grèce était entrée dans la zone euro, ils pouvaient lui prêter autant qu'à l'Allemagne. Or, ils ne prenaient pas du tout le même risque."

Comment on s'en sort ?

Pendant sept ans, le Mexique souffre : coupes drastiques dans les charges sociales (les salaires baissent de 40% entre 1981 et 1989), nationalisation des banques déficitaires, privatisation du secteur public... La croissance stagne, on parle de "décennie perdue". En 1989, "l'économie était complètement plombée, comme celle de la Grèce aujourd'hui, et la dette n'avait pas diminué", raconte Christian Chavagneux. Le plan Brady est mis en place. Il efface une partie de la dette mexicaine et allonge la durée des prêts. Aujourd'hui, la situation économique du pays s'est stabilisée, mais "le pays en garde des stigmates avec des inégalités considérables", note Le Monde.

Des sacrifices qu'a refusé de faire l'Argentine. Après sa crise économique en 2001, elle a décidé de ne pas rembourser la totalité de sa dette. Ainsi, 93% de ses créanciers ont été contraints d'accepter de perdre 70% de la somme prêtée. "En annulant une partie de sa dette, le pays redevient solvable, explique le chercheur. Sachant que le mieux est d'avoir un accord négocié de réduction de la dette avec les créanciers." Si tel n'est pas le cas, le pays a davantage de risques de ne plus pouvoir emprunter sur les marchés internationaux. Une situation qui perdure aujourd'hui encore en Argentine, à qui désormais plus personne ne veut prêter.

Un sort que pourrait connaître aussi la Grèce si elle sortait de la zone euro, selon Christian Chavagneux. Dans ce cas, la nouvelle monnaie, que ce soit une monnaie de papier de titre de dettes de l'Etat ou une nouvelle drachme, pourrait alors s'effondrer de 50 à 70%, comme le note Le Point. Résultat : la dette, libellée en euros, deviendrait impossible à payer. "La solution sage serait, dans un premier temps, d'annuler une partie de la dette, et, dans un deuxième temps, de mettre en œuvre une politique afin d'aider la Grèce à rembourser, estime le spécialiste. L'inverse de ce qui est en train de se passer."

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