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Comment l'Argentine s'est-elle à nouveau retrouvée au bord de la faillite ?

Mercredi soir, l'Argentine doit rembourser les créanciers qui avaient accepté une restructuration de sa dette de 2001. Les conditions idéales d'une nouvelle crise économique sont réunies.

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le 29 juillet 2014, dans une rue de Buenos Aires. Une affiche soutient le gouvernement dans son litige judiciaire contre les fonds spéculatifs Elliott et Aurelius, aidés par le juge américain Thomas Griesa. (JUAN MABROMATA / AFP)

En 2001, l'Argentine annonçait être en défaut de paiement. Cet événement allait marquer le début d'une grave crise économique dans tout le pays. Aujourd'hui, une situation identique menace de nouveau si le gouvernement argentin ne trouve pas d'accord avant mercredi soir avec les "fonds vautours" détenteurs d'une partie de sa dette. En effet, le 30 juillet est l'ultimatum fixé pour un remboursement de 93% des créanciers du pays.

Francetv info vous explique en 4 actes les événements qui font que, treize ans plus tard, le scénario est sur le point de recommencer.

Acte 1 : L'Argentine victime de la crise de 2001

A la source de cette seconde faillite qui menace l'Argentine, la crise économique de 2001. A l'époque, le pays annonce qu'il est dans l'incapacité de rembourser sa dette extérieure qui se chiffre à près de 100 milliards de dollars. Depuis treize ans, les autorités argentines se sont évertuées à convaincre les créanciers du pays qu'une restructuration de la dette était nécessaire s'ils voulaient éviter de tout perdre.

Afin d'aider le pays à se relever et parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix, 93% des investisseurs ont accepté d'abandonner 70% des sommes qui leur étaient dues et d'étaler le reste des remboursements sur plusieurs années. Mieux que rien. Les 7% d'investisseurs restant ont refusé toute négociation et Buenos Aires a décidé qu'elle ne les payerait pas du tout. Parmi eux, certains ont préféré se tourner vers les "fonds vautours".

Acte 2 : Les fonds spéculatifs portent l'affaire devant la justice

Les "fonds vautours" sont des fonds d'investissement spéculatifs, dont les activités font parfois polémique. Ils rachètent les dettes d'entreprises ou d'Etats qui ne sont plus honorées et ne valent presque plus rien. Leur but : réaliser une plus-value, soit au moment de la restructuration de la dette, soit en menant une action en justice pour obtenir un remboursement maximal. 

Se saisissant de l'occasion du défaut de paiement argentin, deux "fonds vautours", Elliott et Aurelius, ont racheté à bas prix ces titres dont une partie des investisseurs cherchaient à se débarrasser. Ils se sont tournés vers les tribunaux de New York, la juridiction où la dette a été émise, avec l'espoir d'obtenir un remboursement des titres à 100%. En jeu : 1,3 milliard de dollars au maximum. Depuis, le conflit judiciaire traîne et n'a toujours pas trouvé d'issue.

Acte 3 : Un juge américain fait pencher la balance en faveur des "fonds vautours"

Le 16 juin, la Cour Suprême des Etats-Unis a contraint l'Argentine à rembourser les créanciers qui n'ont pas accepté de restructuration de la dette. Le 26 juin, l'Argentine a effectué un versement de plus d'un milliard de dollars destiné aux créanciers restructurés. "Le gouvernement argentin veut témoigner de sa bonne volonté", estime Dario Rodriguez, docteur associé au Centre d'études de relations internationales (CERI) qui connaît bien la politique en Argentine. 

Cependant, le juge américain Thomas Griesa a invalidé la transaction. Il a ordonné le retour de cette somme aux autorités argentines et accordé un mois de délai. Son argument : Buenos Aires doit rembourser tout le monde au même moment, ceux qui ont accepté la restructuration et ceux qui l'ont refusée.

"Cette décision du juge a été surprenante, explique Dario Rodriguez. Il a été accusé de ne soutenir que les intérêts des 'fonds vautours'. Surtout lorsque l'on prend en compte le contexte : malgré la situation économique difficile en Argentine, le pays fait tout pour rétablir une certaine confiance à l’international à travers ses négociations avec Bruxelles, le Club de Paris...".

En Argentine, une campagne de communication inédite est actuellement en cours contre le juge Griesa afin de le pointer comme responsable d'un éventuel défaut de paiement. "Le gouvernement argentin a essayé d'en faire une cause nationale en se présentant comme le défenseur des intérêts de la patrie", témoigne Dario Rodriguez. Le gouvernement garde à l'esprit que l'échec de ces négociations pourrait bien venir perturber les élections présidentielles prévues en octobre 2015.

Acte 4 : L'heure du paiement

Concrètement, l'Argentine a les moyens de payer la somme demandée par Elliott et Aurelius. Le problème : la clause "Rufo" (Rights upon future offers), ajoutée par Buenos Aires en 2005 et 2010, précise que le pays ne peut pas proposer de meilleures offres financières aux "fonds vautours", à moins d'offrir aux autres investisseurs un remboursement dans des conditions similaires.

En clair, payer l'intégralité des sommes dues aux "fonds vautours" poussera certainement les autres créanciers à saisir la justice pour obtenir eux aussi le remboursement total. La somme pourrait alors exploser, or l'Argentine ne dispose que de 30 milliards de dollars de réserves de change. 

Mercredi soir, l'Argentine doit payer les créanciers restructurés. Elle demande à pouvoir reporter cette échéance à janvier 2015. La clause "Rufo" aura alors expiré. Pour l'instant, le gouvernement refuse les négociations avec les "fonds vautours" qui s'y disent ouverts. "La présidente Cristina Kirchner veut attendre que la clause ne soit plus en vigueur pour pouvoir discuter et éventuellement satisfaire la demande des fonds sans que cela ait des conséquences énormes, explique Dario Rodriguez. Le gouvernement essaye de conserver une certaine autonomie afin de ne pas se faire dicter sa conduite par ces fonds."

En 2013, le pays a connu une inflation de 25 à 30% selon des instituts privés et celle-ci se poursuit en 2014, expliquée en partie par une dévaluation de 18% de sa monnaie en janvier dernier. "Un nouveau défaut aggraverait la récession et les sorties de capitaux, tandis que les coûts d'emprunt pour les entreprises s'envoleraient", résume Christine Rifflart, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), interrogée par Le Monde

Le gouvernement argentin prépare déjà la population à un défaut de paiement. Pourtant, si ce scénario se concrétise, les "fonds vautours" perdraient leur moyen de pression. Une considération qui pourrait, en dernière minute, faire bouger les cartes.

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